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Atlantique Nord

IV.1. Résumé étendu

La Transition Éocène-Oligocène est l’une des transitions climatiques de l’ère Cénozoïque les plus étudiées, que ce soit par le biais de l’acquisition de données de paléoclimat et de paléoenvironnement qu’au travers la modélisation climatique. Cette période marque la transition d’un mode climatique dit de « greenhouse », associé à des taux de CO2 dans l’atmosphère proche des 1000 ppm et à une absence de calottes polaires permanentes bien développées, au mode climatique actuel dit de «icehouse » marqué par la présence de calottes polaires permanentes. La majorité des études paléoclimatiques présentes dans la littérature sont basées soit sur l’analyse isotopique (δ18O) ou élémentaire (ex. Mg/Ca) de foraminifères benthiques, donnant des informations sur l’évolution des températures océaniques dans des environnements profonds, soit en domaine continental à partir d’assemblages polliniques ou d’analyses isotopiques de dents de mammifères, de gastéropodes continentaux ou de paléosols, très discontinues.

Les environnements côtiers restent à l’heure actuelle sous-étudiés du fait des incertitudes importantes pouvant affecter les marqueurs paléoclimatiques dans ce genre d’environnement. C’est notamment le cas pour le δ18O mesuré sur des organismes côtiers à coquille carbonatée qui dépend de la température de l’eau environnante mais aussi du δ18O de l’eau de mer dans lequel le spécimen minéralise sa coquille, qui peut être très variable dans ce type d’environnement. C’est également le cas pour le rapport élémentaire Mg/Ca qui dépend principalement de l’espèce carbonatée considérée (aragonite, calcite) et de la température de l’environnement, mais est affecté par des effets vitaux importants. Depuis quelques années, un nouveau marqueur géochimique, le Δ47, a pu être développé et utilisé pour des reconstitutions paléoclimatiques grâce aux nombreux avantages qu’il apporte (principalement développé dans le chapitre III). Ce marqueur isotopique thermodépendant, qui est indépendant du δ18O de l’eau environnante, peut ainsi être couplé à des mesures de δ18O sur le même organisme afin de déconvoluer le signal lié à la température et le signal lié aux variations du δ18O de l’eau de mer lui-même, rattaché à la salinité du milieu. Ce couplage permet ainsi d’utiliser la composition isotopique d’organismes à coquille carbonatée pour accéder à l’évolution paléoclimatique et paléoenvironnementale des domaines côtiers.

Dans ce projet de thèse, j’ai dans un premier temps souhaité tester ce nouveau couplage géochimique Δ4718O dans un environnement côtier marqué par de possibles et fortes variations de salinité et de δ18O de l’eau de mer afin de valider ce nouveau protocole analytique.

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Pour cela, une prospection mondiale a été réalisée afin de sélectionner des coupes géologiques correspondant à des environnements côtiers principalement saumâtres, bien calibrées stratigraphiquement et possédant une richesse et une diversité en bivalves importantes. Deux affleurements de l’Ile de Wight (Angleterre) correspondant à des environnements de baie à fortes variations de salinité ont donc été sélectionnés pour cette première étude couvrant la Transition Éocène-Oligocène. Ce nouveau couplage géochimique utilisé sur des échantillons prélevés sur l’Ile de Wight a permis de mettre en évidence d’importantes variations de salinité, en accord avec les environnements de dépôts observés sur le terrain. De plus, ces changements majeurs de salinité sont observables autour de l’accident EOT-1 synchrone à la formation de la calotte Antarctique, et par association à la chute du niveau marin. Ces faibles salinités sont également en accord avec les valeurs très radiogéniques du 87Sr/86Sr réalisées sur les mêmes échantillons, qui marquent soit une restriction de l’environnement concentrant la signature

87Sr/86Sr continentale dans le milieu, soit une intensification du cycle hydrologique avec davantage d’apport de 87Sr/87Sr continental arrivant en domaine côtier et/ou un changement de source continentale. Cette première étude paléoclimatique permet aussi de proposer de nouvelles températures côtières pour l’Océan Atlantique Nord, comprises entre 21 et 27°C pour l’intervalle considéré et une chute des températures comprises entre 4 et 10°C durant l’évènement EOT-1 qui sont en accord avec les données existant dans la littérature pour cette période en environnement marin ouvert. Ce premier atelier permet donc de valider ce nouveau couplage géochimique et de l’étendre par la suite à d’autres environnements côtiers.

Pour explorer davantage les changements paléoclimatiques et paléoenvironnementaux intervenant à la Transition Éocène-Oligocène et affectant l’Océan Atlantique Nord, une seconde localité a été sélectionnée pour l’application de cette approche géochimique couplée δ18O-Δ47. Les sites sélectionnés sont les carrières de Limestone Products, Beachville Mine, Brandford, Brooksville, et Marianna se trouvant sur la marge opposée de l’Océan Atlantique Nord, à plus basses latitudes, en Floride (États-Unis). A l’inverse des affleurements de l’Ile de Wight, les affleurements sélectionnés pour étudier l’expression des changements paléoclimatiques et paléoenvironnementaux à la Transition Éocène-Oligocène correspondent cette fois à des environnements côtiers marins ouverts avec peu de variations de salinité, au regard des assemblages floro-fauniques présents dans les différentes formations géologiques de ces sites. Les mesures isotopiques ont permis de confirmer les observations sédimentologiques réalisées sur le terrain, avec des salinités estimées par l’approche couplée δ18O-Δ47 comprises entre 29 et 36 ‰. Le minimum de salinité est observé à la Transition Éocène-Oligocène, et est

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probablement lié à la chute du niveau marin et à une intensification du cycle hydrologique local, de façon similaire à ce qui a pu être observé pour les sites de l’Ile de Wight. Ces fluctuations restent cependant plus limitées, l’environnement de dépôt restant largement ouvert au niveau des sites de Floride, contrairement à celui de l’Ile de Wight. Les valeurs du 87Sr/86Sr mesurées sur les bivalves de Floride restent en effet similaires aux valeurs du 87Sr/86Sr de l’eau de mer globale pour cette période considérée. Cette similarité entre le signal en strontium enregistré par les bivalves en domaine côtier et le signal marin global induit donc un impact limité des apports continentaux dans cette zone sans changement de source majeur. Les températures côtières reconstruites sont du même ordre de grandeur que celles obtenues pour l’Ile de Wight malgré l’écart latitudinal présent entre ces deux localités. Une chute de 8°C des températures est également identifiée en Floride à la Transition Éocène-Oligocène, suivie d’une augmentation de l’ordre de 3°C au cours de l’Oligocène inférieur. Contrairement aux sites anglais, plusieurs bivalves ont pu être analysés par formation pour leur composition isotopique. La multiplication des mesures a également permis de mettre en évidence une augmentation de la saisonnalité des températures mais aussi du δ18O de l’eau de mer entre l’Éocène supérieur et l’Oligocène inférieur.

L’étude sur l’Ile de Wight a donné lieu à la rédaction d’un article, qui va être soumis prochainement. Cet article forme le corps de ce chapitre IV. L’étude réalisée sur les sites de Floride n’est pas encore complète, du fait de retards dans les analyses isotopiques directement liés à la crise sanitaire. Cette étude forme la deuxième partie de ce chapitre, mais n’a pas encore été structurée sous forme d’article. Les résultats de cette étude sont ensuite replacés dans le cadre général présenté dans le chapitre I, avec une comparaison des résultats avec les données de température de surface disponibles dans la littérature pour l’Océan Atlantique Nord.

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IV.2. Article 2: Paleotemperatures and paleosalinities evolution across