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Résultats pour la question 5 : recommandations sur l’usage de la PPE

2. RÉSULTATS

2.3. Aspects cliniques

2.3.1. Résultats pour la question 5 : recommandations sur l’usage de la PPE

Quelles sont les positions des sociétés savantes et des agences d’évaluation des technologies de santé sur l’usage de la PPE en prévention de la maladie de Lyme et les critères d’applicabilité le cas échéant ?

2.3.1.1. Description des publications

La recherche de l’information scientifique a permis de sélectionner 7 guides de pratique clinique (GPC) ou lignes directrices relatifs à la maladie de Lyme, parmi lesquels

4 abordent le sujet de la prophylaxie post-exposition, soit :

• 2 GPC nord-américains :

o celui de l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) [Wormser et al., 2006]35,

o et celui de l’International Lyme and Associated Diseases (ILADS) [Cameron et al., 2014],

• et 2 GPC européens :

o celui de la Société allemande de dermatologie (SAD) [Hofmann et al., 2017]

o et celui de la Haute Autorité de Santé [HAS, 2018] française.

Le GPC de l’IDSA qui date de 2006 a été jugé par l’INESSS comme étant de faible qualité méthodologique selon la grille AGREE II, alors que les trois autres GPC ont été jugés de qualité modérée.

Notons que les recommandations de l’AAP relatives à la PPE de la maladie de Lyme et figurant dans l’édition 2018 du Red Book® [Kimberlin et al., 2018] ont été considérées puisqu’il s’agit d’un ouvrage de référence pour la prise en charge des maladies

infectieuses en pédiatrie.

2.3.1.2. Synthèse des recommandations publiées

En bref, les 2 GPC nord-américains (IDSA, ILADS) recommandent l’administration d’une prophylaxie après une piqûre de tique, mais selon des conditions et des modalités différentes, alors que les 2 GPC européens (HAS, SAD) ne la recommandent pas, quel que soit l’âge ou la condition de la personne piquée (voir le tableau 6 ci-dessous ainsi que l’extraction complète des recommandations dans le document d’annexes

complémentaires).

35 Le GPC de l’IDSA a été sélectionné bien qu’il ait été publié avant 2012 (critère d’exclusion), car il demeure un document de référence pour la pratique des cliniciens. La publication d’une mise à jour de ce guide est annoncée sur le site internet de l’IDSA sans précision sur la date.

Tableau 7 Résumé des recommandations des guides de pratique clinique sur la prophylaxie post-exposition en prévention de la maladie de Lyme, et niveau de preuve associé

Auteur,

année (pays) Population

visée Recommandation Niveau de preuve selon

les auteurs Amérique du Nord

IDSA 2006

(États-Unis) Non spécifié Non recommandée : prophylaxie systématique après piqûre

de tique. E-III(recommandation

« fortement contre », opinion

Peut être proposée : doxycycline en prise unique (adulte : 200 mg; enfant : 4 mg/kg jusqu’à 200 mg) si :

Tique identifiée de façon fiable comme étant I. scapularis au stade adulte ou de nymphe, et attachement ≥ 36 heures;

• ET prophylaxie peut être amorcée dans les 72 heures suivant le retrait de la tique;

ET taux local infestation des tiques ≥ 20 %;

ET doxycycline n’est pas contre-indiquée.

B-I (recommandation

Contre-indication relative de la doxycycline.

L’amoxicilline ne devrait pas remplacer la doxycycline. D-III (recommandation

« modérément contre », opinion et expérience clinique d’experts ou études descriptives)

ILADS 2014

(États-Unis) Non spécifié Non recommandée : doxycycline 200 mg en prise unique. Très faible Non spécifié Devrait être proposée rapidement : doxycycline

100-200 mg BID pendant 20 jours, si piqûre par une tique Ixodes et preuve d’engorgement (quel que soit le degré et le taux local d’infestation des tiques). D’autres options thérapeutiques peuvent être appropriées sur une base individuelle.

tout âge Peut être utilisé en zone à haut risque (taux d’infestation des tiques de 30 à 50 %) après une piqûre par Ixodes scapularis : doxycycline en prise unique pour les enfants de tout âge (200 mg ou 4,4 mg/kg si poids < 45 kg).

Les bénéfices de la prophylaxie dépassent les risques lorsque :

La tique est engorgée (c.-à-d. attachement ≥ 36 heures)

ET que la prophylaxie peut être amorcée dans les 72 heures suivant le retrait de la tique.

Non recommandée : prophylaxie par amoxicilline.

Non disponible

Femme

enceinte La doxycycline n’a pas été suffisamment étudiée pendant la grossesse pour faire des recommandations relatives à son usage.

Non disponible

Europe HAS 2018

(France) Non spécifié Recommandée : abstinence thérapeutique avec

surveillance rapprochée. Non disponible

SAD 2017

(Allemagne) Non spécifié Non recommandée : prophylaxie locale ou systémique

après piqûre de tique. Non disponible

L’IDSA recommande de ne pas administrer une prophylaxie systématique après une piqûre de tique (recommandation « fortement contre », basée sur avis d’experts).

Cependant, elle indique qu’une prise unique de doxycycline peut être proposée après une piqûre de tique chez les adultes (dose de 200 mg) et chez les enfants de 8 ans et plus (dose de 4 mg/kg jusqu’à 200 mg) lorsque 4 critères sont réunis : 1) la tique peut être identifiée de façon fiable comme étant du genre Ixodes scapularis au stade adulte ou de nymphe, et sa durée d’attachement est ≥ 36 heures; 2) la prophylaxie peut être commencée dans les 72 heures suivant le retrait de la tique; 3) le taux local d’infestation des tiques est ≥ 20 %; 4) la doxycycline n’est pas contre-indiquée. L’IDSA associe cette recommandation « modérément pour » au niveau de preuve le plus élevé selon le système de gradation de la preuve qu’elle a défini. Pour justifier la durée minimale d’attachement 36 heures, l’IDSA se réfère à des résultats d’études expérimentales selon lesquelles la transmission de Borrelia burgdorferi à des animaux de laboratoire serait rare lorsque les tiques nymphes ou adultes d’Ixodes scapularis sont attachées depuis moins de 36 heures. Cette « période de grâce » correspondrait au temps nécessaire aux spirochètes pour migrer du tube digestif aux glandes salivaires des tiques infestées une fois que celles-ci ont commencé à se nourrir. Le délai de 72 heures entre le retrait de la tique et la prise de la doxycycline est proposé par l’IDSA, car il n’existe pas de données sur l’efficacité d’une prophylaxie administrée au-delà de 72 heures suivant le retrait de la tique.

Chez l’enfant de moins de 8 ans et chez la femme enceinte ou allaitante, l’IDSA précise que la doxycycline présente une contre-indication relative36. L’IDSA recommande de ne pas remplacer la doxycycline par l’amoxicilline chez ces personnes, car selon elle, il n’y a pas de données sur l’efficacité d’un schéma court d’amoxicilline en prophylaxie,

l’efficacité du traitement par antibiotique est excellente chez les personnes qui

développent la maladie de Lyme, et le risque de développer une complication grave de la maladie de Lyme après une piqûre connue de tique est très faible (recommandation

« modérément contre », basée sur avis d’experts).

Afin que la prophylaxie par doxycycline en prise unique soit prescrite de façon sélective le cas échéant, l’IDSA recommande que les professionnels de la santé apprennent à identifier la tique Ixodes scapularis aux différents stades de son développement, et à repérer lorsque la tique est au moins partiellement engorgée. L’IDSA recommande, dans tous les cas, chez les personnes ayant retiré une tique, la réalisation d’un suivi étroit jusqu’à 30 jours afin de repérer l’éventuelle apparition de signes et manifestations de maladies liées aux tiques, en particulier celle d’un EM au site de piqûre.

Le recours à la doxycycline en dose unique pour prévenir la maladie de Lyme à la suite d’une piqûre de tique est controversé puisque, à l’inverse de l’IDSA, l’ILADS

recommande expressément de ne pas recourir à cette PPE. Ces deux sociétés savantes nord-américaines s’appuient pourtant sur la même étude, celle de Nadelman [2001].

36 Les contre-indications relatives d’un traitement se distinguent des contre-indications absolues. Un traitement ne devrait pas être utilisé chez les personnes présentant une contre-indication absolue à ce traitement. En cas de contre-indication relative, le traitement peut être utilisé avec prudence si les bénéfices dépassent les risques potentiels pour la personne.

Il est à noter que l’analyse de cette étude par l’ILADS est plus approfondie que celle réalisée par l’IDSA. L’ILADS a en effet discuté de façon détaillée du risque de biais, de la précision des résultats, de la cohérence et de la généralisabilité des résultats dans son appréciation de la qualité globale de la preuve. Ainsi, l’ILADS a considéré que la preuve apportée par l’étude de Nadelman était « très faible ». De son côté, l’IDSA a attribué à cette étude le niveau de preuve le plus élevé de son système de cotation à trois niveaux.

Cependant, ce qui semble avoir pesé dans la balance de l’ILADS est surtout le risque qu’une dose unique de doxycycline entraine une maladie séronégative en cas d’échec de cette prophylaxie. La véritable controverse entre l’IDSA et l’ILADS porte sur ce sujet, car selon les auteurs du GPC de l’IDSA, la maladie de Lyme séronégative tardive n’est pas une entité médicalement prouvée [Wormser et al., 2007]. Du point de vue de l’ILADS, le préjudice associé à la survenue éventuelle d’une maladie séronégative dépasserait le bénéfice, qu’elle juge incertain, de la prophylaxie par doxycycline 200 mg en prise unique. À la place, elle recommande de proposer rapidement après une piqûre par une tique du genre Ixodes une prophylaxie par doxycycline 100 à 200 mg, deux fois par jour pendant 20 jours, s’il y a preuve d’engorgement (quel qu’en soit le degré et le taux local d’infestation des tiques). L’ILADS s’appuie sur 2 essais sur modèle murin ayant étudié l’effet d’une forme injectable de doxycycline à action prolongée, bien que cette forme ne soit pas disponible chez l’humain. Elle considère toutefois que le niveau de preuve associée à cette recommandation est très faible, et encourage le financement d’essais appropriés par le National Institutes of Health. L’ILADS note que certains GPC recommandent de fonder la décision relative à l’administration de la prophylaxie sur une estimation de la durée d’attachement de la tique, basée sur l’indice scutal37. Toutefois, l’ILADS considère que cette estimation nécessite une expertise particulière et qu’il est illusoire de penser que tous les cliniciens détiennent cette expertise ou peuvent l’acquérir. Enfin, cette société savante recommande que l’usage d’antibiotiques en prophylaxie à la suite d’une piqûre de tique fasse l’objet d’un processus de prise de décision partagée entre le clinicien et son patient. L’ILADS ne formule aucune recommandation spécifique chez l’enfant ni chez la femme enceinte ou allaitante.

Comme déjà mentionné à la section 2.1.3, le Red Book® indique quant à lui que la doxycycline en dose unique peut être proposée pour la PPE de la maladie de Lyme chez les enfants, quel que soit leur âge lorsque plusieurs critères sont réunis.

La HAS recommande une « abstinence thérapeutique avec surveillance rapprochée, à la condition expresse de l’absence d’érythème migrant ou d’autres symptômes liés à des maladies vectorielles à tiques ». Elle justifie cette recommandation par le fait qu’il existe une seule étude de bonne qualité « positive » réalisée aux États-Unis [Nadelman et al., 2001] dont les résultats sont difficilement transposables en Europe (écologie différente, étude réalisée dans une zone de forte endémie). La HAS ne formule pas de

recommandation spécifique chez la femme enceinte, l’enfant de moins de 8 ans et chez le patient immunosupprimé, mais elle note qu’un avis spécialisé peut être demandé pour ces populations.

Enfin, la SAD ne recommande pas la PPE de la maladie de Lyme, et précise que cette mesure s’applique aux antibiotiques administrés par voie systémique ou topique. La SAD relève que l’étude de Nadelman [2001] avait un suivi limité à 6 semaines, et que de ce fait, aucune conclusion ne peut être tirée sur l’efficacité de la doxycycline 200 mg en prise unique pour prévenir une infection tardive. Elle ajoute qu’au regard du faible risque d’infection, il faudrait administrer inutilement la doxycycline à de nombreuses personnes pour prévenir un cas potentiel d’infection. Elle évoque par ailleurs un risque d’impact sur la flore intestinale et de développement de résistance bactérienne.