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3.3 Analyse multifractale d’une mesure

3.3.4 Quantification du MAUP au moyen de l’analyse multifractale : application

3.3.4.4 Résultats

Les indicateurs issus de l’analyse multifractale ont un sens uniquement si l’invariance d’échelle est vérifiée. Comme nous pouvons le voir sur le tableau présenté en figure 3.3, les coefficients de détermination R2sont satisfaisants ; plus de 90% sont supérieurs à 0,96.

Seule la qualité des estimations de α2et f (α2) est légèrement moins bonne.

Quantile D0 D1 D2 α0 α1 α2 f (α0) f (α1) f (α1.5) f (α2) minimum 0.94 0.90 0.81 0.89 0.90 0.53 0.94 0.90 0.63 0.00 10% 0.98 0.99 0.96 0.96 0.99 0.88 0.98 0.99 0.93 0.64 25% 0.99 1.00 0.98 0.98 1.00 0.93 0.99 1.00 0.96 0.80 50% 1.00 1.00 0.99 0.99 1.00 0.97 1.00 1.00 0.98 0.91 75% 1.00 1.00 1.00 1.00 1.00 0.99 1.00 1.00 0.99 0.97

3.3.4.4.1 Les cartes des dimensions généralisées

Les figures 3.15.b.c.d représentent les cartes des dimensions généralisées pour q = 0,1,2. Chaque carte reflète une structure spatiale spécifique qui se distingue de celle observée à l’aide des densités (fig. 3.18.a). La qualité des données étant comparable dans l’espace, les structures observées ne sont pas des artefacts liés à la source utilisée mais témoignent de l’existence de différentes formes de peuplement au sein de l’espace français métropolitain.

FIGURE3.15 – Densité de population et dimensions généralisées. Source : SÉMÉCURBE,

TANNIERet ROUX2016.

La carte représentant les dimensions généralisées D0découpe l’espace métropolitain en

de larges zones de même dimension. Les dimensions généralisées sont élevées dans l’ouest et le sud-ouest, la vallée du Rhône et dans les pôles urbains des grandes aires urbaines. Les territoires de l’Est de la France métropolitaine (Champagne, Ardennes, Lorraine et les Vosges), ainsi que les zones montagneuses et forestières ont des dimensions généralisées

rurales qu’urbaines, montre que la dimension généralisée D0est indifférente aux variations

de densité. Elle est sensible uniquement, comme dit précédemment, à la présence ou absence de la population dans l’espace.

Les zones urbaines denses sont clairement identifiées sur la carte représentant les dimensions généralisées d’ordre 2. Elles ressemblent à des îles de fortes dimensions entourées par des unités spatiales de faibles dimensions. L’analyse multifractale pour q = 2, se concentre principalement sur les cellules de forte densité. Seuls les espaces urbains ont suffisamment de zones denses proches les unes des autres pour que leurs dimensions soient importantes. Dans les zones rurales, l’éloignement entre elles des zones densément peuplées limitent les valeurs des dimensions. La carte représentant les dimensions généralisées d’ordre 1 montre des configurations spatiales intermédiaires entre les cartes D0 et de D2, ce qui illustre la continuité des dimensions généralisées selon le

paramètre q.

La décroissance des dimensions généralisées, en particulier dans les espaces périurbains et ruraux, témoigne du caractère multifractal des formes de peuplement que l’étude des spectres permet d’approfondir.

3.3.4.4.2 Typologie des formes de peuplement à partir des spectres multifractals Pour réaliser notre typologie des formes de peuplement nous avons utilisé une Classifi- cation Ascendante Hiérarchique. La CAH requiert que l’on définisse une distance entre les spectres multifractals. Les spectres n’ayant pas la même amplitude en abscisse, nous ne pouvons pas calculer la distance usuelle :

d(ζ1, ζ2) = (

α

( f1(α) − f2(α))2)1/2 (3.33)

où ζ1et ζ2seraient deux unités spatiales.

Après plusieurs essais infructueux, nous avons choisi d’utiliser la distance de Hausdorff. Celle-ci respecte les axiomes nécessaires pour définir une distance, en particulier l’inégalité triangulaire qui est indispensable pour pouvoir mettre en œuvre une CAH. Elle est basée sur la notion de voisinage de taille λ . Pour un sous-ensemble A de points de R2, le voisinage

de A de taille λ est défini de la manière suivante :

Aλ = {x ∈ R2: |x − a| < λ pour un point a ∈ A} (3.34)

Aλ est l’ensemble des points de R2dont la distance avec au moins un des points de

Aest inférieure à λ (soit l’ensemble des points contenus dans la zone tampon de taille λ entourant A). La distance de Hausdorff entre les deux spectres f1(α) et f2(α) est la plus

petite valeur de λ tel que le λ voisinage de f1(α) contienne f2(α) et vise versa.

Une fois l’ensemble des distances calculées entre les spectres multifractals des 992 uni- tés spatiales, nous avons calculé la CAH en utilisant l’algorithme de Ward. Cet algorithme minimise la variance intra-classe et maximise la variance inter-classe. Le dendrogramme sert à définir le nombre de classes. La taille des branches de l’arbre quantifie la distance entre les classes. Le choix du nombre de classes résulte d’un arbitrage entre la qualité statistique et la finesse des détails que nous souhaitons conserver. Le nombre de classes est obtenu par coupure de l’arbre à un niveau donné. Le dendrogramme en figure 3.16 suggère un découpage en 5 classes :

— Classe 1 : unités spatiales dans lesquelles la population est modérément concentrée localement ;

FIGURE3.16 – Dendrogramme de la CAH des spectres multifractals de la distribution de

la population en France métropolitaine. Source : SÉMÉCURBE, TANNIERet ROUX2016

— Classe 2 : unités spatiales dans lesquelles la population est très concentrée locale- ment ;

— Classe 3 : unités spatiales dans lesquelles la population est dispersée ;

— Classe 4 : unités spatiales dans lesquelles la population est répartie uniformément ; — Classe 5 : unités spatiales présentant des configurations intermédiaires.

La carte de typologie des spectres multifractals synthétise les trois cartes des dimen- sions généralisées. Les unités spatiales caractérisées par de faibles dimensions généralisées apparaissent clairement sur la carte des spectres (classes 1 et 2). De même, les centres ur- bains qui apparaissent clairement sur la carte des dimensions généralisées D2, se retrouvent

également sur la carte des spectres (classe 4). Enfin, les classes 3 et 5 de la typologie correspondent aux unités spatiales non urbaines ayant des dimensions généralisées D0

élevées et des dimensions D1et D2élevées ou intermédiaires.

Pour chaque classe, nous avons calculé un spectre multifractal moyen :

αq(Classe) =∑i∈Classeαq(i)

|Classe| et f (αq(Classe)) =

i∈Classef (αq(i))

|Classe| (3.35)

Les spectres multifractals moyens des unités spatiales dans lesquelles la population est concentrée (classes 1 et 2) sont caractérisés par des petites valeurs de α (fig. 3.17). Cette propriété mathématique nous indique que ces unités spatiales contiennent de nombreuses singularités spatiales. D’un point de vue géographique, ces singularités traduisent l’exis- tence de villages ou de petites villes aux contours clairement délimités. En moyenne, le spectre des unités de la classe 2 est décalé en bas à gauche par rapport à celui de la classe 1, ce qui tend à montrer que la population de la classe 2 est plus concentrée à travers les échelles que celle de la classe 1. Sur la figure 3.18, nous constatons que la classe 2 est principalement localisée dans les massifs forestiers et montagneux (fig 3.19). La classe 1 borde les unités spatiales de la classe 2. Les caractéristiques de la classe 1 ainsi que sa répartition dans l’espace suggère que celle-ci représente une version atténuée de la classe 2.

Le spectre multifractal moyen des unités spatiales dans lesquelles la population est répartie uniformément (classes 3 et 4) est caractérisé par des valeurs de α et f (α) élevées. Pour q = 0, la valeur de α0 est approximativement de 2 et la valeur de f (α0) de 1.7.

Le spectre multifractal moyen de la classe 4 est plus étroit que celui de la classe 3. Cette propriété indique que les distributions de population de la classe 4 sont moins

FIGURE 3.17 – Spectres multifractals moyens des différentes classes de la typologie

obtenue par CAH

la classe 4 correspond à l’emplacement des principaux centres urbains (fig 3.19). Nous retrouvons le fait que les centres urbains se caractérisent par des répartitions denses et relativement uniformes de population sur de larges étendues spatiales. A contrario, les densités de population de la classe 3 varient davantage selon la résolution spatiale utilisée. Les unités spatiales appartenant à la classe 3 sont situées à la périphérie des grandes villes aussi bien que dans les espaces ruraux de l’Ouest de la France.

Le spectre multifractal moyen de la classe 5 recouvre l’ensemble des spectres précé- demment discutés. La classe 5 combine les propriétés des classes 2 et 3. Cette position intermédiaire caractérise également la situation spatiale des unités de cette classe qui se positionnent à l’interface des classes 2 et 3. La classe 5 correspond à des villages entourés par des zones de faible densité de population dans lesquelles la population est dispersée. La plupart des unités spatiales caractérisées par des dimensions généralisées D0élevées et

FIGURE 3.18 – Carte résultant de la classification des spectres multifractals de la dis-

tribution de la population en France. 992 unités spatiales de 25 km de large. D’après SÉMÉCURBE, TANNIERet ROUX2016

FIGURE3.19 – Massifs montagneux et forestiers et principales villes de France métropole

Les effets du MAUP sur la mesure de l’organisation du peuplement dépendent du maximum du spectre (qui décrit le support de la mesure) et de son étendue. Avec un spectre proche de 2, les grandes villes (classe 4) ressemblent davantage pour nos échelles d’observation à des structures lisses et uniformes qu’à des fractales. L’impact du MAUP pour cette classe est relativement limité.

Les classe 3 et 5 avec un spectre très large contiennent une grande variété de formes à travers les échelles : la multifractalité est importante. Avec un maximum du spectre proche de 2, le support de leur mesure est régulier : l’emprise spatiale des carreaux contenants de la population fluctue peu selon les échelles d’observation. En revanche, les densités varient fortement dans l’espace et entre les échelles d’observation.

Avec des spectres plus resserrés les classes 1 et 2 sont moins multifractales. Le MAUP est principalement induit par la forme du support de la mesure. Avec un maximum relativement petit, le nombre de carreaux qui contient de la population évolue fortement à travers les échelles.