• Aucun résultat trouvé

ARTICLE 1 : LES COMPORTEMENTS HOSTILES AU TRAVAIL: UNE DEMARCHE

4. Une étude exploratoire : le cas de la France

4.2 Révision des items

4.2.2 Résultats de la procédure 2

De la même manière que pour la procédure 1, afin de conserver seulement les comportements les plus fréquemment observés, nous avons retiré de l’analyse des comportements les plus cités dans la littérature, les items ayant reçu un score inferieur ou égal à 2.0 (sur une échelle de Likert en 4 points). Onze items relatifs au vol, au sabotage et aux comportements agressifs, ont ainsi été écartés de l’analyse, faute de fréquence suffisante. Puis dans un second temps, nous avons réalisé une analyse factorielle à partir des 12 items restants. Trois facteurs ont émergé, expliquant 93% de la variance. Le premier facteur représente les déviances interpersonnelles et les abus avec des items tels que « Refuser de diffuser les informations nécessaires à un collègue », « Perturber volontairement un collègue faisant son travail» il explique 63% de la variance. Dans le second facteur, on retrouve l’image externe négative de l’organisation avec des items tels que « Dire du mal de son entreprise autour de soi», « Ne pas recommander son entreprise autour de soi » qui explique 19% de la variance. Enfin, le troisième facteur fait référence à des comportements de retrait il comprend des items tels que : « Rester à son domicile et prétendre que l’on est malade alors qu’on ne l’est pas», «Arriver en retard au travail sans donner d’excuses» (voir tableau 4).

En conclusion, cette étude exploratoire réalisée auprès d’un échantillon de 136 travailleurs fait clairement ressortir trois catégories de comportement : 1) les comportements dirigés contre les personnes (supérieurs hiérarchiques, collègues, etc.), 2) les comportements portant atteinte à l’image de l’entreprise, 3) les comportements de retrait. Ces comportements apparaissent comme les CCM les plus fréquemment observés au sein des organisations françaises. Les comportements de violence et d’agression ont été cités mais leur fréquence est trop faible pour qu’ils soient considérés comme des comportements représentatifs. Par ailleurs, il est intéressant d’observer que parmi les 23 items

plus fréquemment observés renvoient aux trois mêmes catégories relevées par nos soins en France. De même, les items faisant référence au vol, au sabotage, à l’agression ou encore à la violence sont également très faiblement observés par notre échantillon de travailleurs français. Enfin, dans une perspective d’application, ces observations nous invitent à faire une sélection des items dans la littérature anglo-américaine en privilégiant les comportements de retrait et ceux à l’encontre des individus ou de l’image de l’organisation. Ainsi, pour conserver une bonne fiabilité dans la mesure des Comportements Contreproductifs Motivés il semblerait plus prudent de ne pas utiliser telles-quelles les échelles anglo-américaine mais d’effectuer en amont une présélection en ne retenant que les items issus de nos trois catégories.

Tableau 3. Effectifs, moyennes, écarts type des items les plus fréquemment observés dans les deux procédures.

Notes: N=136. * Catégorie d’items ressortant de la procédure 1. ** Catégorie d’items ressortant de la procédure 2

N M ET

Réaliser des comportements à l’encontre du manager* 22 2.85 0.34 Présenter une mauvaise image de son entreprise à l’extérieur* 41 2.87 0.67 Utiliser internet et le téléphone pour un usage personnel* 74 3.1 0.50

Être en retard* 104 2.41 0.54

Faire des pauses* 78 2.71 0.68

Être absent* 80 2.91 0.67

Travailler volontairement lentement* 50 2.14 0.34

Comportement de deviance interpersonnelle** 136 2.36 0.39

Présenter une mauvaise image de son entreprise à l’extérieur** 136 2.56 0.71

Comportement de retrait** 136 2.58 0.58

Conclusion

Suite à l’accumulation depuis ces deux dernières décennies des terminologies pour qualifier les comportements hostiles au travail et en réponse aux appréhensions de Braithwaite, qui déjà en 1985 soulignait les risques contenus dans la prolifération des différentes appellations sur l’avancée des théories et des pratiques, nous avons entrepris dans ce présent article, de développer une démarche intégrative des principaux concepts afin de donner un éclairage nouveau permettant de faciliter les recherches futures. À la lecture de ce travail de synthèse, la terminologie de « Comportements Contreproductifs Motivés » (CCM) est, selon nous, la plus pertinente, dans la mesure où elle désigne des comportements hostiles au travail dans leur globalité tout en intégrant la notion de réponse à un préjudice au travers du vocable « motivé ».

Mais l’emploi de cette terminologie ne peut se faire que si elle est associée à une définition solide qui s’inscrit dans les principaux courants de la psychologie organisationnelle. Dans cette perspective nous proposons une définition qui se situe dans la continuité des démarches théoriques pionnières du domaine (Skarlicki & Folger, 1997 ; Robinson & Bennett, 1995). Les CCM renverraient ainsi à des comportements hostiles visant à répondre à un préjudice perçu au sein de l’organisation. Ces comportements, en allant à l’encontre des normes établies par l’organisation menaceraient le bien être de l’organisation et/ou de ses membres. Les CCM comportent trois types de comportement : « les comportements de violence et d’agression», « les comportements d’intimidations, de violence psychologique et de harcèlement » et « les comportements d’incivilité ». Ces trois catégories ont déjà fait séparément l’objet de nombreuses études (ex., Anderson & Pearson, 1999 ; Rayner, Hoel &

Cooper, 2002). Notre étude exploratoire menée auprès d’un échantillon français nous a permis à la fois de tester empiriquement la définition des CCM et de faire ressortir les trois groupes de comportements en soulignant que leur

occurrence était dans la majorité des cas inversement proportionnelle à leur intensité.

Il nous reste à aborder pour conclure la question des prolongements pratiques de notre étude. Sur ce point de nombreuses échelles existent dans la littérature anglo-américaine, certaines font plus école que d’autres (ex.

Anderson, Pearson & Porath ,2000 ; Baron & Neuman, 1996 ; Bennett &

Robinson, 2000 ; Fox & Spector, 1999 ; Leymann, 1990 ; O’Leary-Kelly, Griffin, &

Glew, 1996) et nous ne voyons pas de raison majeure de privilégier l’une au détriment de l’autre. Toutefois, dans la mesure où les CCM sont dans la majorité des cas des comportements cachés, difficiles à « avouer » pour des raisons de désirabilité sociale et/ou par peur que l’entreprise en soit informée, ils restent extrêmement difficiles à mesurer. C’est pourquoi nous tenons à formuler deux préconisations relativement au choix de l’outil de mesure. a) La première porte sur le choix des items. Afin d’avoir une mesure fiable et sensible il est important de favoriser les comportements les plus fréquemment observés.

Dans le cas de la France il s’agit de privilégier les comportements d’incivilité tels que les comportements de retrait ou encore les comportements portant atteinte à l’image de l’organisation. La mesure de ces comportements est d’autant plus légitime qu’avant d’entrer dans des actions manifestes telles que la violence ou les agressions, les salariés mécontents réalisent des comportements plus passifs (ex. comportements de retrait). C’est généralement la forte occurrence des comportements passifs qui doivent permettre aux décideurs de mener des actions de prévention sur le long terme avant qu’ils ne se transforment en comportements manifestes de plus forte intensité. b) La seconde préconisation porte sur le choix de l’échelle. La grande majorité des échelles utilisent des mesures de fréquence auto-rapportées (ex., Aquino, Lewis

& Bradfield, 1999 ; Bennett & Robinson, 2000; Hollinger, 1986; Marcus, Schuler, Quell, & Hümpfner, 2002; Spector, Fox, & Penney, 2006). D’autres échelles, plus rares, évaluent les comportements de représailles et de vengeance en utilisant des mesures attitudinales, où les participants répondent à la question « dans quelle mesure êtes-vous d’accord pour…» sur une échelle de Likert allant de

« pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord » (ex. Bies, Tripp & Kramer, 1997 ; Skarlicki & Folger, 1997; Sommers, Schell, & Vodanovich, 2002; Stuckless

& Goranson, 1992). Cette dernière forme d’échelle est, selon nous, la plus appropriée pour les CCM dans le sens où pour les mêmes raisons de

« désirabilité sociale » que dans le cas du choix des items il est très difficile de mesurer ce type de comportements. À titre d’exemple dans une précédente étude menée auprès de participants français à l’aide d’une échelle de fréquence auto-rapporté en sept points de 1 « jamais » à 7 « quotidiennement », nous avons obtenu des moyennes de comportements contreproductifs inférieurs à 2 (Le Roy, Finkelstein, Minibas-Poussard, & Bastounis, 2005). Ainsi, d’un point de vue opérationnel, il semble plus fiable de mesurer les CCM au travers de ce qu’observent les employés autour d’eux que de leur demander s’ils ont déjà commis tel ou tel acte répréhensible. Pour de futures recherches il serait intéressant de développer une échelle de mesure des Comportements Contreproductifs Motivés qui répond à ces deux préconisations et de la valider auprès d’un public français.

Référence

Les références de cet article sont insérées dans la bibliographie générale (p.197)

Annexe

Tableau 4. Exemples d’items similaires provenant d’échelles d’Agression, de Déviance ou de Représailles (Spector & Fox 2005).

Note. Items sur les agressions proviennent de l’échelle de For & Spector (1999) ; les items sur la déviance de Bennett & Robinson (2000) et ceux sur les représailles organisationnelles de Skarlicki & Folger, 1997.

Agression Deviance Retaliation

Been nasty to a coworker Actued rudely toward

someone at work

Gave a coworker the “silent treatment”

Stolen something from work Taken property from work Without permission

Purposely ignored your boss Neglected to follow your boss’s instructions

Introduction à l’article 2

La suite de notre premier volet de recherche a pour objet de répondre aux limites des précédents outils utilisés dans la littérature tout en validant une mesure des réactions à l’injustice organisationnelle auprès d’une population francophone. C’est à partir des deux préconisations issues de notre étude exploratoire (article 1) que nous entreprenons ce travail. En effet, en suivant la première préconisation, plus qu’une échelle de fréquence auto-rapportée des CCM, nous souhaitons développer un instrument de mesure des intentions comportementales des salariés à l’injustice perçue. Cet outil servira à comprendre les processus conduisant les salariés à des intentions de CCM. La seconde préconisation porte sur le choix des comportements à intégrer à l’échelle en privilégiant les comportements les plus fréquemment observés.

C’est à partir des résultats de notre étude exploratoire (article 1), que nous avons sélectionné les items à inclure dans notre échelle. A cette sélection de CCM, nous avons ajouté des comportements de réinvestissement suite à l’injustice perçue. L’intégration de ces comportements positifs fait écho aux retours des participants lors de notre étude exploratoire. N’inclure que des CCM à une échelle de réaction à l’injustice ne tiendrait pas compte de l’ensemble des possibilités qui s’offrent au salarié. Par l’intégration d’un versant positif, cette échelle cherche à mesurer les deux pôles des réactions qu’un salarié peut être conduit à réaliser suite à l’injustice perçue. De plus cette dimension positive apporte une meilleure compréhension des processus conduisant à des intentions de CCM. A partir de cet outil nous pourrons ainsi nous intéresser aux déterminants favorisant les intentions de réinvestissement et à ceux prédisant les intentions de CCM.

Ce présent travail s’articule autour de trois études. Après avoir rappelé

pour objet d’affiner la sélection des items à conserver dans notre échelle et d’établir les différentes dimensions la composant. Notre seconde étude a pour objet de vérifier la dimensionnalité de l’instrument et de commencer à tester sa validité. Enfin avec la troisième étude nous continuerons à tester la validité de construit de notre échelle à l’aide de la validité convergente et discriminante.

L’ensemble des études réalisées ainsi que la répartition des populations interrogées sont présentées dans le tableau 2 ci-dessous.

Tableau 2. Tableau récapitulatif des études de l’article 2.

Etudes Effectifs Population Contexte Objectif Matériel

Etude 1 N= 235 Etudiante Travaux Dirigés

Tester la dimensionnalité

échelle de 28 items

Etude 2 N= 262 Salariée échelle de 19 items

A n= 122 Salariée Train

B n= 60 Salariée Internet Validité temporelle C n= 80 Salariée Train

Validité de construit

Echelles de :

- Comportements contreproductifs - Comportements de citoyenneté

organisationnels Etude 3 N= 180 Mixte

A n= 59 Salariée Gare Validité de construit Echelles de justice organisationnelle B n= 121 Etudiante « Pool

expérimental »

Validité de construit Echelles de : Locus de contrôle Estime de soi Big Five Valeurs

Article 2: Measuring Reactions toward Organizational