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Des analyses utilisant le modèle de Cox ont été réalisées pour comparer la survie entre les

deux groupes de patients en fonction des critères principaux et secondaires. L’effet de

l’éplérénone a été quantifié à l’aide du Hazard Ratio (HR) ou rapport des risques instantanés.

Il correspond au rapport du risque instantané d’événement dans le groupe traité par

éplérénone divisé par le risque dans le groupe sous placebo.

Au cours du suivi, 14.4% des patients sous éplérénone sont décédés contre 16.7% sous placebo.

Ainsi, l’éplérénone a diminué le risque de décès toutes causes de 15% (HR=0.85 (0.75–0.96),

p=0.008).

26.7% des patients traités par éplérénone et 30.0% recevant le placebo ont présenté le critère

combiné "mortalité cardiovasculaire ou hospitalisation pour cause cardiovasculaire". Le risque

a été diminué de 13% avec l’éplérénone (HR=0.87 (0.79–0.95), p=0.002).

L’effet de l’éplérenone a également été démontré sur les critères secondaires, avec une

diminution significative de 17% de la mortalité cardiovasculaire (HR=0.83 (0.72–0.94),

p=0.005) et de 8% pour le critère composite "mortalité toutes causes ou hospitalisation toutes

causes" (HR=0.92 (0.86–0.98), p=0.02).

Le nombre de patients ayant présenté au moins un effet indésirable lié au traitement était

globalement identique entre les deux groupes (78.9% sous éplérénone vs. 79.5% sous placebo,

p=0.57). Comme attendu, le pourcentage de patients présentant une hyperkaliémie sévère au

cours du suivi (supérieure ou égale à 6 mmol/L) était significativement plus élevé chez les

patients traités par éplérénone que chez ceux sous placebo (5.5% vs. 3.9%, p=0.002), tandis

que le taux d’hypokaliémie sévère (inférieure à 3.5 mmol/L) était moindre dans le groupe

éplérénone que dans le groupe placebo (8.4% vs. 13.1%, p<0.001). La tolérance de

l’éplérénone était donc globalement satisfaisante.

Cette étude a permis de démontrer l’efficacité et la tolérance de l’éplérénone pour le

traitement des patients insuffisants cardiaques post-infarctus. Sur la base de ces résultats, une

autorisation de mise sur le marché du médicament contenant le principe actif de l’éplérénone

a été obtenue et ce traitement fait dorénavant partie des traitements de base de l’insuffisance

cardiaque.

2 Résultats d’études menées sur cette base de données

(hors contenu de cette thèse)

La base de données EPHESUS rassemble des données et des informations pouvant intéresser

de nombreux acteurs du monde de la santé, afin de tester de nouvelles hypothèses

scientifiques chez les patients post-infarctus présentant une dysfonction ventriculaire gauche

et des signes cliniques d’insuffisance cardiaque. Le nombre d’analyses (dites post-hoc) réalisées

sur cette base de données est si grand qu’il est impossible de toutes les citer. Nous en

présentons tout de même quelques-unes qui ont permis notamment d’affiner les conclusions de

l’étude principale et de mettre davantage en valeur l’effet bénéfique de l’éplérénone dans le

traitement de l’insuffisance cardiaque.

Une analyse visant à évaluer l’impact de l’éplérénone sur la mortalité à 30 jours a été

réalisée [52]. Il a été observé que 30 jours après la randomisation, l’éplérénone réduisait le

risque de mortalité toutes causes confondues de 31% (3.2% de décès à 30 jours chez les

patients traités par l’éplérénone contre 4.6% chez les patients sous placebo ; HR=0.69

(0.54-0.89), p=0.004) et le risque de mortalité cardiovasculaire de 32% (3.0% vs. 4.4% ;

HR=0.68 (0.53-0.88), p=0.003). L’éplérénone a donc un effet bénéfique sur la survie précoce

après un infarctus chez ce type de patients.

Une analyse rétrospective chez les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche

sévèrement anormale (FEVG ≤ 30%) a été réalisée afin de déterminer l’effet de l’éplérénone

dans cette sous-population [50]. Le traitement par éplérénone a entraîné une réduction du

risque de 21% par rapport au placebo, tant pour la mortalité toutes causes confondues

(HR=0.79 (0.66-0.95), p=0.012) que pour le critère combiné "mortalité cardiovasculaire ou

hospitalisation pour cause cardiovasculaire" (HR=0.79 (0.68-0.90), p=0.001) et de 23% pour

la mortalité cardiovasculaire (HR=0.77, p=0.008). Dans les 30 jours suivant la randomisation,

l’éplérénone a entraîné une réduction du risque de 43% pour la mortalité toutes causes

confondues (HR=0.57, p=0.002) et de 29% pour la "mortalité cardiovasculaire ou

hospitalisation pour cause cardiovasculaire"(HR=0.71, p=0.006). Chez les patients

post-infarctus présentant une insuffisance cardiaque et une FEVG ≤30%, l’éplérénone a eu

des effets bénéfiques importants sur la réduction de la mortalité et de la morbidité précoces et

tardives.

Bien que l’éplérénone soit fortement recommandé chez les patients présentant une insuffisance

cardiaque et une dysfonction systolique ventriculaire gauche après un infarctus du myocarde

aigu, certains médecins peuvent être réticents à la mise en œuvre de cette approche

thérapeutique en raison du risque perçu d’hyperkaliémie. Ainsi, une sous-analyse examinant

la relation entre l’éplérénone, la kaliémie et les événements cliniques a été menée [49]. Un

nombre significativement plus élevé de patients traités par éplérénone que de patients traités

par placebo ont eu au moins une hyperkaliémie au cours du suivi (potassium > 5.5 mmol/L)

(15.6% contre 11.2%, p<0.001) et une hyperkaliémie sévère (potassium ≥ 6 mmol/L) (5.4%

versus 3.8%, p=0.002). A l’inverse, l’hypokaliémie (potassium < 3.5 mmol/L) était

significativement moins fréquente dans le groupe éplérénone (8,4% vs. 13,1%, p<0,001).

Quatre prédicteurs indépendants (mesurés à l’inclusion) de l’hyperkaliémie sévère ont été

identifiés à l’aide d’une régression logistique : le taux de potassium initial, le débit de

filtration glomérulaire, le diabète et l’utilisation d’anti-arythmiques. Aucun de ces facteurs de

risque indépendants n’a eu d’incidence significative sur l’effet bénéfique de l’éplérénone dans

la réduction de la mortalité toutes causes confondues.

Une autre analyse a été réalisée afin de tester l’hypothèse selon laquelle l’administration

précoce d’éplérénone après un infarctus du myocarde aigu chez des patients présentant une

dysfonction systolique ventriculaire gauche et une insuffisance cardiaque était associée à un

meilleur pronostic à long terme [1]. L’administration précoce d’éplérénone (<7 jours après

l’infarctus) a réduit le risque de mortalité toutes causes confondues de 31% (HR=0.69

(0.57–0.85), p=0.001) par rapport au placebo et a également réduit de 24% le risque de

"mortalité cardiovasculaire ou hospitalisation pour cause cardiovasculaire" (HR=0.76

(0.66–0.88), p<0.0001). Par contre, l’administration tardive de l’éplérénone (≥7 jours après

l’infarctus) n’a pas eu d’effet significatif sur ces deux critères. Il a ainsi été montré qu’une

administration précoce d’éplérénone améliorait le pronostic des patients mais que ce bénéfice

n’était pas observé lorsque l’éplérénone était administré de façon tardive.

3 Données utilisées dans nos travaux

Au cours de l’étude EPHESUS, une quantité importante de données a été recueillie sur

chaque patient tout au long de son suivi.

Des examens complets ont été réalisés à l’inclusion du patient dans l’étude, un mois après

l’inclusion, trois mois après l’inclusion, puis tous les trois mois jusqu’à la fin du suivi. Des

visites non prévues par le protocole pouvaient également avoir lieu, notamment lorsque la

kaliémie du patient était élevée et que cela nécessitait un contrôle du potassium pour adapter

le traitement de l’étude. Toutes ces observations ont été stockées dans des tableaux de

données classés par catégorie. La base de données EPHESUS est constituée au total d’une

soixantaine de tableaux de données.

Parmi les données que nous avons utilisées dans nos études, on retrouve :

• des données démographiques comme l’âge, le sexe et l’ethnie (cette dernière donnée

étant autorisée compte tenu de son intérêt clinique).

• des mesures biologiques recueillies au cours du suivi, principalement les taux

d’hémoglobine et d’hématocrite, la créatinine, la kaliémie (taux de potassium) et la

natrémie (taux de sodium).

• des données de l’examen clinique comme les tensions artérielles systolique et

diastolique, la fréquence cardiaque, le poids et la taille.

• la classe NYHA à 4 modalités, définie dans le chapitre 1, qui permet d’évaluer le degré

de dyspnée à l’effort ou au repos.

• la classe KILLIP qui est utilisée pour stratifier la gravité de l’infarctus du myocarde.

Elle est composée de 4 classes, de la moins sévère à la plus sévère :

— Classe I : pas de signe d’insuffisance cardiaque (pas de râles pulmonaires, ni de

galop).

— Classe II : insuffisance cardiaque légère à modérée (râles < 50% des plages

pulmonaires ou B3).

— Classe III : insuffisance cardiaque sévère : œdème aigu du poumon fréquent, râles >

50% des plages pulmonaires.

— Classe IV : choc cardiogénique : hypotension artérielle systolique et

vasoconstriction périphérique.

• des données échocardiographiques comme la FEVG mesurée uniquement à l’inclusion

du patient dans l’étude.

• les traitements chirurgicaux réalisées dans les premiers jours après l’infarctus comme le

pontage aorto-coronarien ou l’angioplastie coronarienne, définis dans le chapitre 1.

• les antécédents médicaux du patient dont l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque,

les épisodes d’insuffisance cardiaque, le nombre d’infarctus du myocarde, le diabète ou

l’hypertension.

• les événements indésirables, graves ou non, survenus au cours de l’étude comme le

décès et la cause du décès, les hospitalisations et leurs causes, et les maladies.

Des données dérivées ont également été considérées, comme :

• l’indice de masse corporelle qui permet d’estimer la corpulence d’une personne et qui se

calcule à partir de la taille et du poids.

• le débit de filtration glomérulaire qui permet de quantifier l’activité du rein et qui peut

être estimé à l’aide de plusieurs formules : la formule de Cockroft-Gault [11] qui tient

compte de l’âge, du poids et de la créatinine, et les formules MDRD (Modification of

Diet in Renal Disease) [37] et CKD-EPI (Chronic Kidney Disease-Epidemiology

Collaboration) [38] qui tiennent compte de l’âge, du sexe, de la créatinine et d’un

coefficient ethnique pour les afro-américains.

Beaucoup d’autres données non nécessaires aux objectifs de notre travail avaient également

été collectées pendant le suivi du patient comme par exemple les données issues de

questionnaires d’auto-évaluation de la qualité de vie et de l’activité physique ou encore les

traitements du patient avec les dates de début et de fin de médication ainsi que les posologies

journalières prescrites. Nous les citons pour mémoire.

Le projet "Prendre votre cœur en

mains"

Ce chapitre a pour but de présenter le projet dans lequel ce travail de thèse s’inscrit et les

tâches qui nous ont été confiées dans le cadre de ce projet.

1 Contexte

Près de 26 millions de personnes dans le monde dont plus d’un million en France souffrent

d’insuffisance cardiaque [2, 43]. Cette pathologie est la première cause d’hospitalisation chez

l’adulte, avec plus de 200 000 hospitalisations par an en France [43]. Le taux de

réhospitalisation est particulièrement important. En France, il est de près de 50% dans les six

mois suivant la première hospitalisation [34]. Le nombre d’insuffisants cardiaques ne va cesser

d’augmenter dans les années futures en raison notamment du vieillissement croissant de la

population et de l’augmentation des facteurs de risque liés à cette maladie. Le coût de la prise

en charge de l’insuffisance cardiaque est important. Les hospitalisations itératives pèsent sur

le coût de la prise en charge et cela n’est pas près de diminuer puisque le nombre des

hospitalisations est en constante augmentation.

Une première hospitalisation pour insuffisance cardiaque marque un tournant dans

l’aggravation de la maladie et dégrade le pronostic des patients tant en termes de décès que de

réhospitalisations. Il est donc important d’éviter au maximum les hospitalisations en

stabilisant les patients le plus longtemps possible en ambulatoire. Des moyens thérapeutiques

existent pour cela mais le suivi reste difficile en raison de la complexité des traitements

(plusieurs traitements majeurs à équilibrer, leurs effets indésirables, l’impact de

l’environnement, de prédispositions génétiques et de leurs interactions) et de la difficulté à les

adapter en médecine de ville (manque de médecins cardiologues). La télémédecine peut

apporter des solutions pour adapter au mieux la prescription médicamenteuse du patient par

les médecins généralistes (grâce à un système d’aide à la décision).

C’est dans ce contexte que les Professeurs Zannad et Rossignol ont établi et breveté une

stratégie permettant la télésurveillance des patients insuffisants cardiaques. Elle consiste à

mesurer des biomarqueurs d’origine cardiaque et rénale à partir d’une goutte de sang (comme

dans le diabète pour adapter les doses d’insuline), et d’adapter quotidiennement les doses de

traitement.

2 Description du projet

Le projet "Prendre votre cœur en mains" a ainsi été mis en place dans le but de concevoir,

mettre au point et ensuite commercialiser un dispositif médical d’aide à la prescription

médicamenteuse pour les médecins de ville.