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Chapitre 1: Dérivés de DPA-714 modifiés en position para du noyau phényle

1. Analogues alcanes et alcynes

1.2. Première approche envisagée pour la synthèse des analogues C3ane et C3yne

1.2.2. Résultats obtenus pour la préparation des analogues C3yne et C3ane

1.2.2.1. Couplage de Sonogashira - Introduction du motif propargylique

Afin d’établir une preuve de concept, cette stratégie a d’abord été employée pour la synthèse de l’alcyne le plus simple, l’analogue C3yne, dont la chaine latérale ne comporte que trois atomes de carbone. Dans la stratégie initiale, il était prévu d’introduire la chaine alcyne avec sa fonction alcool terminale déjà protégée pour faciliter les étapes suivantes. Pour cela, un couplage de Sonogashira entre le 4-iodobenzoate de méthyle et le prop-2-yn-1-ol protégé par un groupement triméthylsilyl (TMS) a été réalisé. Cependant, il a été observé expérimentalement que le groupement TMS n’était pas suffisamment robuste et qu’il pouvait aisément être clivé pour donner l’alcool propargylique libre 1 (Schéma 23). Ainsi, il a rapidement été décidé d’effectuer dans un premier temps le couplage de Sonogashira avec un alcool libre puis de réaliser la protection en utilisant un groupement silylé moins labile tel que le tert-butyldiméthylsilyl (TBDMS). Le silyléther 2 a ainsi été obtenu avec un rendement satisfaisant par couplage de Sonogashira entre le 4-iodobenzoate de méthyle et le prop-2-yn-1-ol en présence de CuI et de Pd(PPh3)2Cl2 (86 %) suivi d’une silylation avec le TBDMSCl dans la pyridine (76 %) à température ambiante. Le benzyléther 3, encore plus robuste, a également été synthétisé par anticipation d’éventuels problèmes de décomposition du silyléther 2. Il a été préparé avec un rendement de 67 % par alkylation au bromure de benzyle de l’alcoolate généré par action de NaH sur l’alcool 1 (Schéma 23).

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Réactif et conditions : (a) prop-1-yn-2-ol, Pd(PPh3)2Cl2, CuI, TEA, t.a., 7 j ; (b) TBDMSCl, Py, 0 °C, 3 h 30 ; (c) i. NaH, NaI, THF, 0 °C, 15 min - ii. BnBr, 0 °C à t.a., 8 h.

Schéma 23. Synthèses du silyléther 2 et du benzyléther 3.

1.2.2.2. Cyanylation - 1ère étape de la construction du cycle pyrazolo[1,5-a]pyrimidine

Une fois l’hydroxypropynyl benzoate protégé 2 obtenu, une réaction de cyanylation a été effectuée afin de substituer le groupement méthoxy de l’ester par un cyanométhylène et préparer la construction du cycle pyrazolo[1,5-a]pyrimidine. Le mécanisme réactionnel de cette réaction fait intervenir l’addition nucléophile du carbanion NCCH2-, généré in situ par déprotonation de l’acétonitrile, sur le groupe carbonyle de l’ester. L’intermédiaire tétravalent se réarrange ensuite en rétablissant la double liaison du carbonyle et en éliminant un anion méthanolate. Ce réarrangement abouti à la formation d’un β-cétonitrile. L’anion méthanolate généré est alors capable de déprotoner le méthylene en position α du β-cétonitrile, comme présenté dans le Schéma 24. La formation de ce nouvel anion stabilisé par mésomérie empêche toute réversibilité de la réaction et constitue ainsi la force motrice assurant la conversion totale de l’ester de départ en β-cétonitrile.

Schéma 24. Mécanisme de l’addition nucléophile du carbanion NCCH2- sur le groupement ester.

Deux procédures de cyanylation ont été testées: une méthode à chaud et une autre à basse température. La méthode à chaud consiste à faire réagir l’acétonitrile avec une base forte telle que le méthanolate de sodium en présence de l’ester. Cette réaction a été réalisée dans l’acétonitrile, qui joue à la fois le rôle de solvant et de réactif, avec NaOMe en large excès. L’équilibre NCCH3 + B- NCCH2- + BH, même s’il est en défaveur de la formation du carbanion (pKa de 25), permet néanmoins à la réaction de se faire du fait de l’irréversibilité du départ de l’ion méthanolate MeO- après attaque nucléophile de NCCH2- sur l’ester. Ainsi, une

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fois formé, le nitrile ne pouvant plus redonner l’ester de départ, il est possible d’obtenir une conversion totale de l’ester de départ pour un temps de réaction suffisamment long (10 h à 100 °C). Néanmoins, lorsque ces conditions ont été employées pour synthétiser le cétonitrile désiré à partir de l’ester 2, des réactions secondaires ont été observées malgré les précautions usuelles employées (solvant anhydre, atmosphère d’argon, dégazage), résultant principalement de la saponification de l’ester. La stabilité du groupement TBDMS de 2 en milieu fortement basique peut également être en cause, c’est pourquoi le benzyléther 3 a été utilisé en remplacement. N’observant pas d’amélioration significative avec l’utilisation de 3, une méthode « à froid » a été envisagée. Cette méthode consiste à faire réagir le n-butyllithium avec l’acétonitrile à -60 °C dans le THF puis à ajouter l’ester au milieu réactionnel. Contrairement à la méthode à chaud, l’acétonitrile et la base sont dans ce cas utilisés en quantités stoechiométriques, la réaction de déprotonation étant rapide et quantitative avec le n-BuLi, du fait de son pKa très élevé (voisin de 40). La méthode à froid a ainsi permis d’obtenir le cétonitrile 4 avec un rendement de 87 %. De plus, aucune réaction secondaire n’a été observée avec cette méthode et le plus souvent la pureté du produit brut a été suffisante pour pouvoir l’engager directement dans la réaction suivante. Enfin, avec un temps de réaction divisé par plus de deux (4 h au lieu de 10 h), la méthode à froid a permis de gagner un temps appréciable (Schéma 25).

Schéma 25. Synthèse du 1,3-cétonitrile 4 à partir de l’ester méthylique 3.

1.2.2.3. C-Alkylation - Introduction du motif N,N-diéthylacétamide

Les protons en α du 1,3-cétonitrile présentent un caractère acide marqué en raison de la forte stabilisation de la base conjuguée (énolate) dont la charge électronique peut se délocaliser par mésomérie sur cinq atomes et conduire à un intermédiaire entièrement conjugué (Schéma 26).

Schéma 26. Mésomérie de l’énolate issu du 1,3-cétonitrile 4.

Ainsi, ces protons peuvent être facilement arrachés par une base de force moyenne. Cette propriété a été mise à profit pour fixer une chaine diéthylacétamide sur le substrat. Pour cela, le 1,3-cétonitrile a d’abord été déprotoné par l’hydroxyde de sodium dans l’éthanol à température ambiante avant de réagir avec le N,N-diéthylchloroacétamide. Cette réaction nécessite généralement plusieurs jours pour atteindre une conversion acceptable mais il est possible de l’accélérer en rajoutant 2 eq de NaI (substitution in situ du chlore par l’iode). En

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revanche, l’ajout d’un excès de base et/ou d’agent alkylant est à éviter au risque de former un produit dialkylé difficile à séparer du produit désiré. A noter également qu’il a parfois été difficile, voire impossible, de complètement séparer le produit désiré du N,N-diéthylchloroacétamide n’ayant pas réagi mais cela n’a pas été gênant pour la suite de la séquence réactionnelle. Dans ces conditions, l’acétamide 5 a été obtenu avec un rendement brut de 59 % et une pureté d’environ 80 % (Schéma 27).

Schéma 27. Synthèse du nitrile acétamide 5 par C-alkylation du nitrile 4.

1.2.2.4. Cyclisation I - Formation du cycle aminopyrazole

Pour la construction du cycle pyrazolo[1,5-a]pyrimidine, le nitrile acétamide 5 a été engagé dans une réaction de cyclisation mettant en jeu de l’hydrazine monohydratée en présence d’acide acétique glacial (catalyseur) au reflux dans l’éthanol (Schéma 28). Le mécanisme réactionnel présenté dans le Schéma 29 fait d’abord intervenir l’addition nucléophile de l’hydrazine sur le groupement carbonyle activé par la catalyse acide.

Schéma 28. Synthèse du pyrazole 6 à partir du nitrile acétamide 5.

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Après élimination d’une molécule d’eau et régénération du catalyseur, l’hydrazone intermédiaire s’additionne à son tour sur le carbone électrophile du groupement cyano, engendrant une cyclisation 5-exo-dig favorisée d’après les règles de Baldwin. Ensuite, l’intermédiaire subit une prototropie pour former une pyrimidoimine qui aboutit par tautomérie au pyrazole 3,4,5-trisubstitué 6 qui a été obtenu expérimentalement avec un rendement de 42 %.

1.2.2.5. Cyclisation II - Formation du cycle pyrazolo[1,5-a]pyrimidine

Cette deuxième cyclisation peut être considérée comme l’étape-clé de la synthèse car elle donne accès au cycle pyrazolo[1,5-a]pyrimidine. Elle a été remarquablement facile à mettre en œuvre puisqu’il suffit de mettre le pyrazole 6 en présence de 1,6 eq d’acétylacétone dans l’éthanol puis de chauffer au reflux pendant 10 h comme illustré dans le Schéma 30. Alors que la première cyclisation aboutissant au pyrazole 6 engendre de nombreux produits secondaires, celle-ci est très propre et sélective. A noter que la pyrazolopyrimidine 7 présente en CCM une intense fluorescence bleue sous la lampe UV à 365 nm qui est caractéristique de ce type de composés. Au niveau de l’extraction du produit, celui-ci cristallise très facilement une fois le milieu réactionnel revenu à température ambiante. Le volume d’éthanol à engager dans la réaction pour favoriser la cristallisation se situe entre 10 et 15 mL par gramme d’aminopyrazole

6. Les cristaux sont alors isolés par filtration sur fritté et un simple lavage à l’éthanol glacé

suffit pour obtenir la pyrazolopyrimidine 7 avec une pureté (≥ 95 %) et un rendement (73 %) tout-à-fait satisfaisants.

Schéma 30. Synthèse de la pyrazolopyrimidine 7 par cyclisation du pyrazole 6

avec l’acétylacétone.

1.2.2.6. Déprotection - Libération de l’alcool propargylique

L’étape de déprotection vise à cliver le groupement benzyle et à régénérer la fonction alcool du composé 7. Dans la littérature, le clivage d’un groupement benzyle se fait le plus souvent par hydrogénolyse (H2, Pd/C), par hydrolyse avec un acide fort ou de Lewis (HBr, BCl3) ou par oxydation avec des benzoquinones de type DDQ. Dans le cas du benzyléther 7, c’est la méthode par hydrolyse acide qui a été privilégiée car l’hydrogénolyse n’est pas compatible avec la présence de la triple liaison (réduction) et le DDQ est un réactif pouvant donner lieu à des

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produits d’oxydation indésirables. La déprotection de l’éther 7 a ainsi été réalisée par action du trichlorure de bore BCl3 à -30 °C dans le DCM comme présenté dans le Schéma 31.

Schéma 31. Obtention de l’alcool 8 par déprotection du benzyléther 7 avec BCl3.

Le succès de cette réaction repose sur le mécanisme exposé dans le Schéma 32. Grâce à la forte affinité du bore pour l’oxygène, l’énergie de la liaison C-O est affaiblie, ce qui facilite l’attaque d’un ion chlorure sur la position benzylique. La liaison C-O est ensuite rompue et le groupement benzyle converti en chlorure de benzyle facilement éliminable par chromatographie. A l’issue de la débenzylation, un boronate est obtenu et l’alcool est régénéré par hydrolyse acide lors du traitement de la réaction. D’un point de vue expérimental, cette réaction a été assez rapide à mettre en œuvre mais il a été nécessaire de maintenir la température en dessous de -20 °C sous peine de dégrader le produit. L’alcool 8 a été obtenu avec un rendement de 84 % après purification.

Schéma 32. Mécanisme général de clivage d’un benzyléther par BCl3.

1.2.2.7. Déhydroxyfluoration - Introduction du fluor

La fluoration de l’alcool 8 est la dernière étape de la stratégie de synthèse initiale et permet d’obtenir le motif fluoropropargylique. D’un point de vue général, la fluoration d’un alcool peut se faire de deux façons différentes. La méthode la plus directe consiste à utiliser un agent de déhydroxyfluoration qui active le groupement hydroxy et le remplace par un atome de fluor en une seule étape (procédure « one-pot »). Les réactifs les plus souvent employés pour ce type de

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transformation sont le DAST (trifluorure de N,N-diéthylaminosulfure) et le Deoxofluor® (trifluorure de bis(2-méthoxyéthyl)aminosulfure). La seconde méthode d’obtention des dérivés fluorés est indirecte et fait intervenir deux étapes distinctes. Dans un premier temps, la fonction alcool est convertie en un sulfonate, le plus souvent un tosylate ou un triflate, de façon à générer un bon groupement partant. Le sulfonate est ensuite engagé dans la seconde étape, laquelle fait intervenir une source d’ions fluorures telle que le TBAF (fluorure de tétrabutylammonium) à chaud. En ce qui concerne la synthèse de l’analogue C3yne, le Deoxofluor® a été choisi en tant qu’agent de déhydroxyfluoration car il est thermiquement plus stable que le DAST et moins dangereux à utiliser. Au cours de la réaction décrite dans le Schéma 33, l’analyse CCM du milieu réactionnel a révélé la présence de nombreux produits secondaires et ce, même en effectuant la déhydroxyfluoration à basse température (-50 °C). Malgré de nombreuses tentatives, la chromatographie sur gel de silice n’a pas permis d’isoler le produit avec une pureté suffisante mais le massif caractéristique du motif CH2F (doublet de triplet de constante J2HF supérieure à 40 Hz) était clairement visible en RMN 1H, preuve que la réaction fonctionne en partie. Dans l’hypothèse où le problème proviendrait de la trop grande réactivité du Deoxofluor®, il a été envisagé de passer par un tosylate intermédiaire pour introduire le fluor par SN2 mais là encore, de nombreux produits secondaires ont été observés lors de la tosylation ce qui suggère que c’est effectivement la réactivité particulière de l’alcool 8 qui est à mettre en cause. Pour cette raison, l’analogue C3yne a été préparé avec une autre méthode qui sera présentée plus loin dans le manuscrit (section 1.4.1).

Schéma 33. Essai de déhydroxyfluoration de l'alcool propargylique 8.

1.2.2.8. Synthèse de l’analogue C3ane

Deux méthodes de synthèse de l’alcool saturé 9, présentées dans le Schéma 34, ont été envisagées avant l’étape finale de déhydroxyfluoration menant à l’analogue C3ane 10. La première méthode fait intervenir l’alcool propargylique libre 8 et la deuxième met en jeu l’alcool propargylique protégé 7 qu’il est envisageable de débenzyler et de réduire en une seule étape.

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Réactifs et conditions : (a) H2, Pd/C, DCM, t.a., 72 h ; (b) H2, Pd/C, MeOH/DCM, t.a., 24 h ; (c) Deoxofluor®, PhMe, t.a., 24 h.

Schéma 34. Accès à l'analogue C3ane 10 par deux voies différentes.

Dans la première méthode, l’alcool 9 a été directement obtenu par hydrogénation catalytique de l’alcyne 8 avec un excellent rendement de 92 % tandis que dans la deuxième, il a été préparé par hydrogénation de la triple liaison et hydrogénolyse du groupement O-benzyle du benzyléther 7 avec un bon rendement de 75 %. La deuxième méthode présente l’avantage de faire gagner une étape sur la séquence réactionnelle globale par rapport à la première (8 étapes au lieu de 9). Elle parait également plus élégante puisque le benzyléther 7 est hydrogéné et déprotégé en même temps. En réalité, les deux méthodes sont quasiment aussi performantes l’une que l’autre sur la base des rendements globaux obtenus, ceux-ci étant pratiquement identiques (77 et 75 %). Néanmoins, la deuxième méthode, celle passant par le benzyléther, semble être la plus intéressante d’un point de vue pratique car il n’y a qu’une seule réaction à mettre en œuvre. Une fois l’alcool 9 synthétisé, il a été fluoré avec le Deoxofluor® dans le toluène à t.a. avec un rendement de 39 %. Bien que ce rendement soit assez faible, aucune réaction secondaire n’a été observée au cours de cette déhydroxyfluoration, contrairement à ce qui avait été observé avec l’alcool propargylique 8.