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Résultats novateurs et recommandations associées

Chapitre 6. Discussion

6.3 Résultats novateurs et recommandations associées

Les parents qui ont participé à la recherche ont soulevé d’intéressantes réflexions et partagé différents vécus qui peuvent aider à enrichir la pratique et les connaissances en recherche. L’un des vécus qui a été partagé par les parents et qui soulève des pistes intéressantes pour la pratique réfère au fait qu’il est plus difficile pour l’entourage des enfants exposés de valoriser et de donner des rétroactions positives aux enfants qui ont des problèmes de comportements extériorisés. Ceci est particulièrement préoccupant, considérant que la valorisation des enfants exposés constitue une composante importante des besoins affectifs identifiés par les parents rencontrés. Aider les enfants à réaliser qu’ils ont des forces et des qualités serait donc bénéfique pour eux – et encore plus s’ils ont des problèmes de comportement – car, selon certains parents, leurs enfants se font parfois plus souvent refléter le contraire, ce qui ne les aiderait pas à évoluer positivement. Des auteurs rapportent d’ailleurs que le sentiment de compétence ainsi qu’une bonne estime de soi sont des facteurs de protection importants pour les enfants exposés à la violence conjugale (Fortin, 2009; Lessard et al., 2009). Si l’on souhaite être en mesure de combler les besoins affectifs des enfants qui ont des problèmes de comportements extériorisés, il peut donc être judicieux de miser sur ces facteurs de protection. Les programmes d’intervention auprès des enfants exposés à la violence conjugale, par exemple, prévoient souvent comme objectif d’intervention de travailler sur l’estime de soi des enfants (Delisle, Côté & Le May, 2004; Dumont et al., 2012; Ouimette, 2011). Comme l’ont rapporté les participants de la recherche, la valorisation des enfants ne doit toutefois pas se limiter au domaine de l’intervention en violence conjugale, mais plutôt s’étendre aux différentes sphères de vie des enfants.

Les parents ont aussi beaucoup parlé du rôle que le soutien informel et le réseau scolaire peuvent avoir dans la réponse aux besoins de leurs enfants. En ce qui concerne le soutien informel, les parents ont nommé les membres de la famille (nucléaire, élargie ou

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recomposée), les amis des enfants, les amis des parents et les entraîneurs sportifs. Les personnes qui travaillent en milieu scolaire ont aussi été identifiées, puisque les parents considèrent qu’elles peuvent valoriser les enfants, écouter les enfants lorsqu’ils souhaitent s’exprimer et comprendre leur vécu, dépister l’exposition à la violence conjugale ainsi que soutenir les parents afin qu’ils soient mieux en mesure de combler les besoins de leurs enfants. Afin d’aider le réseau de soutien informel et les acteurs du milieu scolaire à offrir le soutien souhaité, il serait intéressant de les sensibiliser au vécu des familles qui vivent la violence conjugale et de les amener à connaître les services d’aide spécialisés en violence conjugale. Par exemple, Evans & Feder (2014) se sont intéressées à la trajectoire de soutien formel et informel de femmes victimes de violence conjugale. Les résultats de leur étude indiquent que les personnes qui offrent un soutien informel peuvent mettre les victimes en relation avec les services formels, mais uniquement lorsqu’elles sont familières avec la problématique de la violence conjugale ainsi qu’avec l’offre de services associés. Ce résultat souligne l’importance d’outiller les personnes qui offrent un soutien informel ainsi que le personnel scolaire afin qu’ils soient en mesure de référer les enfants aux bonnes ressources s’ils ne sont pas en mesure de les soutenir adéquatement. La prévention à plus large échelle est une autre stratégie qui peut être utilisée pour sensibiliser au vécu des enfants exposés ainsi que pour mieux faire connaître les ressources existantes. Cette sensibilisation peut avoir lieu dans les écoles par exemple, rejoignant ainsi un grand nombre de personnes à moindre coût ainsi que dans un lieu sécuritaire et non stigmatisant pour les enfants (Dumont et al., 2012). Comme des participantes à la recherche ont rapporté que la violence psychologique et le contrôle sont des formes de violence qui sont moins bien comprises par leurs enfants, il serait pertinent de démystifier ces problématiques durant les activités de prévention et de sensibilisation.

Enfin, les parents qui ont participé à la recherche ont indiqué à plusieurs reprises que la séparation représente un contexte critique pour combler les besoins des enfants exposés à la violence conjugale. Parmi les enjeux qu’ils ont nommés en lien avec cette transition, les parents ont parlé du fait que la violence conjugale peut se poursuivre pendant et après la séparation et que les enfants peuvent être utilisés ou manipulés par le père pour continuer à exercer la violence envers la mère malgré la séparation (Alvarez-Lizotte, Lessard & Rossi, 2016; Brownridge, 2006; Rinfret-Raynor et al., 2008). Les parents ont

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aussi expliqué que la séparation peut les rendre moins disponibles pour répondre aux besoins affectifs de leurs enfants et qu’elle peut entraîner d’autres transitions additionnelles pour les enfants, tels que les déménagements, les changements de garde ainsi que les changements d’école. Ces résultats sont intéressants pour l’avancement des connaissances, car peu d’études portent sur le vécu des enfants exposés à la violence conjugale postséparation (Alvarez-Lizotte et al., 2016; Brownridge, 2006; Lessard & Alvarez-Lizotte, 2015). En ce sens, il serait intéressant de faire davantage d’études tant qualitatives que quantitatives afin de développer les connaissances dans ce domaine ainsi que pour mieux comprendre le vécu des enfants exposés à la violence conjugale postséparation. À l’instar d’autres auteurs, la présente recherche a aussi mis en évidence que les enfants exposés à la violence conjugale sont des agents actifs des situations vécues (Buckley et al., 2007; Fortin, 2009; Lessard et al., 2009). Comme ce résultat a émergé du discours des participants et qu’il n’a pas été exploré en profondeur dans le cadre de la recherche, les études futures gagneraient à adopter cette perspective en s’intéressant davantage aux stratégies qu’utilisent les enfants pour répondre à leurs besoins ainsi que pour faire face aux difficultés vécues en contexte de violence conjugale.