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Résultats issus de l’analyse des entretiens

a) Groupe 1 (hommes dont les couples sont en début de parcours)

Dans ce groupe d’hommes, il apparait clairement que le recours au don correspond à une solution pour devenir père, il s’agit donc de la suite logique de leur infertilité, il s’agit d’une réponse à leur problème et parfois même d’un dénouement plutôt heureux face à la douloureuse épreuve qu’ils traversent lors de l’annonce de l’infertilité.

« Impatience », « enthousiasme », « heureux », ces termes employés très fréquemment, renvoient à un discours positif. Cependant, pour quatre hommes sur cinq, le recours à un donneur n’est pas une évidence, l’adoption est la première solution envisagée : « au début, j’étais plutôt sur l’adoption, car si c’est un don, ça ne sera pas mon enfant, alors que l’adoption nous met sur le même piédestal par rapport à l’enfant » ou encore « l’adoption était plus acceptable dans la mesure où il n’y avait pas un homme extérieur à notre couple qui intervenait, on était sur un même pied d’égalité avec ma conjointe ». Puis, après réflexion, tous souhaitent vivre une grossesse et ne veulent pas priver leur conjointe de celle-ci. Selon ces hommes, le vécu de la grossesse est très important pour la construction de leur paternité. Puis, quand le recours au don est envisagé : « une fois le don accepté, on en parle et on plaisante », « l’éducation prime sur les liens du sang », nous avons même entendu : « CECOS = ESPOIR ».

Cependant, lorsqu’il s’agit d’aborder l’infertilité, les mots évoquant la souffrance sont souvent utilisés : « Choc », « Très mal », « Très difficile », « Abattu », « Honte » … Nous montrant ainsi, les difficultés d’accepter leur infertilité à l’inverse de l’acceptation du don. Lors de l’annonce de l’infertilité : « il y a la phase d’incompréhension, de déni puis d’acceptation qui nous mène au don ».

Malgré l’acceptation du don et cette charge émotionnelle positive associée, trois hommes sur cinq évoquent les difficultés du parcours : « parcours difficile », « il faut

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beaucoup d’amour », « triste », « je ne suis pas à l’aise avec ce sujet ». Nous pouvons observer pour un homme, une remise en question totale, « que dois-je dire à l’enfant, sera-t-il malheureux ? Quoi lui donner comme réponses ? ». Ils expliquent qu’il faut parler et ne pas garder pour soi toutes les questions qui les taraudent cependant cela reste un sujet tabou pour deux hommes dans ce groupe. Pour les cinq hommes interrogés, les proches sont au courant et ils envisagent d’en parler à l’enfant, ils ont quelques appréhensions mais en parlent facilement. Deux hommes nous évoquent la culpabilité ressentie lorsque leurs conjointes doivent recevoir des injections pour stimuler leur ovulation : « elle passe par des traitements pénibles, je ne serais pas stérile, elle n’aurait pas tout ça… ». Ces deux mêmes hommes nous évoquent également une baisse de la libido, une atteinte à leur virilité : « je me sentais plus bon à grand-chose, comme si je n’avais plus de rôle… ».

Ils se décrivent en tant que futurs pères « papa poule », « présent », « protecteur ». Deux hommes définissent la paternité par les gènes : « à la base c’est une transmission de gènes, mais à défaut, la transmission d’affection sera encore plus grande ». Les trois autres, la définissent comme : « une transmission d’affection et d’éducation ». Les pères atteints d’une maladie héréditaire évoquent : « les gènes ne sont pas importants car les miens sont malades ».

b) Groupe 2 (hommes dont les conjointes sont enceintes)

Dans ce groupe, nous avons entendu les mêmes propos que ceux du groupe 1 comme les termes : « impatient », « enthousiasme », « heureux ». Ces hommes évoquent l’idée que c’est un projet qui nécessite d’être réfléchi et qu’il est nécessaire d’être patient. Ils évoquent la suite logique de l’infertilité une fois celle-ci bien évidemment acceptée. La patience est un facteur très important dans le projet du recours au don.

Les hommes discutent très facilement de la grossesse, ils ont même tendance à en parler en tout temps, ils vivent concrètement la grossesse (parlent à l’enfant, chantent). Selon eux, l’AMP ne modifie pas le vécu de la grossesse. Ils souhaitent participer à toutes les consultations. Il apparait que deux hommes souhaitent donner le biberon à leur enfant, il s’agit de quelque chose faisant partie de leur projet de paternité. Pour les trois hommes interrogés, le prénom de l’enfant est choisi à deux : « on fait tout à deux ». Ils se

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décrivent déjà comme « papa poule », « protecteur », « très présent ». Ils nous donnent en définition d’un père : « transmission de savoir, éduquer, concrétisation de la fonction paternelle, gènes de l’amour ». Selon eux, la grossesse est la concrétisation de leur fonction paternelle. Ils ont hâte que l’enfant naisse.

Cependant, les difficultés rencontrées sont clairement évoquées. « Inquiet », « stressé », « culpabilité », « remises en question », « grossesse trop abstraite », « j’ai l’impression que ma conjointe a réalisé un acte sexuel avec un autre homme » ressortent au cours des trois entretiens réalisés, avec une description de trois étapes pour mener à l’acceptation « il y a le déni, la colère puis l’acceptation ». Un homme nous livre avoir eu une baisse de la libido lorsqu’il a appris son infertilité : « parfois on a passé sept à huit mois sans faire l’amour, on n’a plus envie de rien, le corps ne fonctionne plus, j’avais l’impression de ne plus être un homme ». Néanmoins, aucun secret n’existe, les proches sont mis au courant, aucun tabou n’est évoqué. La culpabilité est mise en avant lorsque les inséminations ne fonctionnent pas. De plus, il apparait des craintes quant à l’enfant, notamment celle que l’enfant veuille retrouver son père biologique à l’adolescence.

c) Groupe 3 (hommes déjà père du premier enfant)

Quatre hommes sur sept ont vécu naturellement le recours à un donneur. Comme dans les précédents groupes, il s’agit d’une évidence, de la suite logique de l’infertilité : « don = une solution pour concevoir son enfant le plus naturellement possible, une porte qui s’ouvre vers la paternité ». Cependant, ils évoquent l’annonce de l’infertilité « très mal acceptée par rapport au don ». Le don est aussi une façon de ne pas priver leur conjointe d’une grossesse, ils souhaitent, eux aussi, vivre une grossesse. Ils expliquent que lorsqu’ils viennent pour faire les démarches au CECOS, l’infertilité est acceptée. Cinq hommes sur sept, se décrivent « impatient » tout au long du parcours d’AMP.

Cependant, il faut être un couple très soudé pour surmonter l’annonce d’infertilité ainsi que les difficultés rencontrées lors des échecs d’insémination. Un homme nous livre : « je sais bien, dans ma tête, qu’on est passé par un donneur, c’est difficile parce que parfois je me pose la question à quoi il ressemble mais non c’est moi le papa ! ».

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Malgré les termes employés : « impatient », « heureux », ils décrivent le parcours comme « stressant », « fatiguant », « sentiment d’injustice ». Des craintes sont évoquées : peur que l’enfant ressemble au donneur, peur qu’à la naissance ils se disent que ce n’est pas leur enfant. Paradoxalement, deux hommes évoquent la peur que quelqu’un leur dise que l’enfant leur ressemble : « j’avais peur qu’à la naissance, on me dise qu’il me ressemble, parce qu’au fond je sais que c’est impossible ! ».

Des problèmes de virilité et d’impuissance sont également évoqués spontanément par deux hommes, décrivant une baisse de leur libido et une atteinte à leur fierté masculine. Un homme nous confie même ne pas réussir à avoir de rapports sexuels les jours suivants les inséminations : « le fait que le sperme d’un autre soit à l’intérieur d’elle, je trouvais ça sale ! C’est un peu comme si, elle avait couché avec un autre homme ! ». Ce qui nous amène à dire que les difficultés sont bien évoquées par ces hommes.

Les sept hommes envisagent de révéler à l’enfant leur mode de conception, toujours avec cette crainte de la réflexion à l’adolescence « t’es pas mon père ! ». Les proches sont au courant et il n’y a aucun tabou. Sauf pour un homme : « je ne demande pas à mes parents où ils m’ont conçu, que ça soit dans la salle de bain, dans un lit, ou dans la cuisine et bien pour moi c’est pareil j’ai fait mon enfant au CHU et ça ne regarde personne ! ». Cependant, ils évoquent une réserve jusqu’à l’accouchement concernant l’enfant. Le sentiment de culpabilité est présent chez trois hommes, à propos des traitements que leurs conjointes reçoivent : « c’est moi qui lui inflige tout ça ! », « c’est ma faute ! ». Cependant, cela est vite oublié : « maintenant c’est une fierté d’avoir surmonté toutes ces difficultés… ».

En effet, une fois la grossesse en cours, deux hommes avouent avoir vite oublié le parcours. A l’annonce de la grossesse : « ému », « magique ! », « pleurs de joie » sont les termes employés. Ils ont tendance à vouloir l’annoncer rapidement à leurs proches. Tout au long de la grossesse, il y a une prise de conscience de la paternité. Cinq hommes sur sept ont vécu concrètement la grossesse et ont eu besoin de l’investir en parlant à l’enfant, en le sentant, en posant leurs mains sur le ventre de la femme : « on l’a tellement attendu notre fille, qu’on s’implique à 200% ». Pour les sept hommes interrogés, il paraissait important de participer à toutes les consultations de grossesse et

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aux échographies : « à la première échographie, j’étais submergé par l’émotion ». Trois hommes ont réalisé les cours de préparation à la naissance et à la parentalité avec leur conjointe, c’était une manière pour eux de s’approprier la grossesse. Aucun stress n’est évoqué pendant la grossesse. La participation au choix du prénom de l’enfant est importante : « Je ne le conçois pas, je ne le porte pas alors c’est ma façon à moi d’apporter du moi dans lui ! ». Trois hommes évoquent également un parcours d’incertitudes pour arriver à la parentalité. En effet, ils font référence aux « montagnes russes » pour décrire ce parcours ou même « d’ascenseur émotionnel », avec l’enchainement des déceptions, des joies puis des craintes. Finalement, après toutes ces épreuves, ces sept hommes avaient hâte et se sentaient prêts à être père.

Pour parler de la naissance, ils utilisent les termes suivants : « heureux », « émouvant », « accomplissement de la vie », « c’est indescriptible », «apothéose », « magique ! ». Il en ressort une sorte d’excitation à la naissance : « fruit de notre amour, notre avenir, éduquer, élever son enfant, les gènes ne font plus partie de la définition par la force des choses ».

C’est seulement à l’accouchement qu’ils réalisent qu’ils sont pères : « c’est mon enfant, je n’ai pas adopté ! ». Ils ont tous coupé le cordon à la naissance et fait les premiers soins (très important pour leur projet de paternité). Le peau à peau est également un moment formidable. Trois hommes expriment aussi le fait que toutes ces années difficiles sont rapidement oubliées une fois l’enfant né : « c’est que du bonheur après », « une fois l’enfant dans nos bras, on oublie tout ! ».

Ils se sentent à l’aise à la Maternité, participent à l’ensemble des soins prodigués à l’enfant. Le premier biberon est symbolique « Je suis père, c’est mon enfant ! ». Pour trois couples sur sept, l’allaitement maternel a été choisi, tous les pères souhaitaient que leur femme tire leur lait pour pouvoir donner le biberon. Les sept hommes se décrivent : « protecteur », « papa poule », « très présent », le premier mot « papa » est très important pour eux.

Quatre hommes sur sept sont prêts à devenir à nouveau père mais souhaitent le même donneur pour « avoir un air de famille ». Pour les autres, leur enfant est encore trop jeune (entre 1 mois et 8 mois) pour concevoir le deuxième. Ils n’évoquent aucune

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baisse de moral et ne se sentent pas différents des autres pères : « le fait d’avoir parcouru tout cela nous fait relativiser avec la vie ». Deux hommes se sentent redevables : « on nous a donné le bonheur alors maintenant c’est à notre tour de le donner, on se sent redevable, ma femme donnera ses ovocytes ! ».

d) Difficultés rencontrées

Plusieurs difficultés rencontrées durant leur parcours au CECOS ou dans le service d’AMP ont été évoquées lors des entretiens, certaines ayant modifié le vécu de leur infertilité et du recours au don.

Dans le premier groupe, un homme a évoqué l’annonce de l’infertilité par courrier, très mal vécue par celui-ci, il ne s’attendait pas à recevoir dans sa boite aux lettres, un courrier qui allait changer sa vie. Un autre décrit les difficultés pour joindre le secrétariat du CECOS, très stressant lorsque les jours sont comptés pour réaliser les inséminations.

Dans le second groupe, nous retrouvons les mêmes discours, c'est-à-dire, que pour un homme sur trois, l’annonce de l’infertilité s’est faite par courrier. Un homme évoque le secrétariat difficilement joignable, ce qui engendre un stress supplémentaire. Deux hommes sur trois aimeraient un suivi psychologique plus intense. Ils évoquent que lorsque les rendez-vous ne sont pas obligatoires, ils ne prennent pas l’initiative, par fierté, par peur d’être jugé, malgré le besoin ressenti. Un homme aurait également souhaité rencontrer un sexologue pendant le parcours. Un temps d’échange pendant la grossesse, entre les couples qui ont vécu le même parcours, aurait également été apprécié.

Dans le troisième groupe, un couple aurait souhaité que certains rendez-vous se déroulent dans un centre hospitalier plus proche de leur domicile, ce qui aurait facilité leur parcours. Deux couples évoquent le stress engendré du fait que le CECOS et l’AMP ne soient pas au même endroit, lorsqu’il faut aller chercher les paillettes avant les inséminations. Un suivi psychologique supplémentaire, au CECOS, apparait nécessaire suite à la demande d’un homme. Deux hommes sur sept, également, nous expriment qu’ils ont pris connaissance de leur infertilité par courrier. Pour finir, un homme sur sept, nous exprime le désir d’avoir une sage-femme définie pour le suivi de la grossesse, cela éviterait la répétition à chaque consultation du chemin parcouru, remuant des souvenirs douloureux.

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ANALYSE ET

DISCUSSION

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I. Limites et points forts de l’étude

a) Limites de l’étude

Tout d’abord, notre échantillon d’étude est réduit, du fait de la durée de l’étude. De plus, parmi les quarante-huit hommes contactés, seulement dix sept ont répondu. On peut alors s’interroger sur les raisons de cette absence de réponse. Ce pourrait être dû à des difficultés à construire une identité paternelle et à ne pas se sentir prêts à répondre à des questions évoquant une situation trop délicate, peut être même douloureuse. Ce qui nous amène à une deuxième limite de cette étude, le fait que la population rencontrée ne soit pas représentative de la diversité des cas. De plus, nous pensons que les hommes ont plus de difficultés à se livrer que les femmes. Pour finir, la présence de certaines conjointes lors des entretiens représentent une troisième limite, car certains hommes auraient peut être davantage échangé sur leur ressenti en l’absence de leur femme, lors des sujets délicats à aborder.

b) Points forts de l’étude

Tout d’abord, aucune étude sur la construction de l’identité paternelle lors d’un don de spermatozoïdes, n’a jamais été réalisée, ce qui constitue le principal intérêt de notre étude. De plus, l’accueil chaleureux, au domicile des couples pour la plupart, pour la réalisation des entretiens, a permis de placer les hommes dans un environnement de confiance afin qu’ils soient à l’aise et répondent le plus sincèrement possible aux questions posées. Tous les entretiens se sont bien déroulés, le guide d’entretien et les questions posées étant des questions ouvertes, cela a permis une liberté de parole pour la personne interrogée sans influence ni obligation devant des questions parfois embarrassantes et intimes.

Ensuite, concernant la population rencontrée, même si elle n’est pas représentative de la diversité des cas, elle reste néanmoins hétérogène concernant les âges, les catégories socioprofessionnelles, les étiologies d’infertilité ainsi que les situations dans le parcours du don. Pour le groupe 2, les termes des grossesses sont différents et pour le groupe 3, les enfants n’ont pas le même âge.

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