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5. Analyse des données et interprétations des résultats

5.1 Hypothèse 1

5.1.1 Résultats

Obstacle(s) au choix de devenir parents

Concernant le parent P129, on ne peut pas réellement considérer qu’il y a eu un obstacle dans son choix de devenir mère. Effectivement, elle est tombée enceinte naturellement lors de ses quatre grossesses et, étant contre l’avortement, elle a décidé de les poursuivre : « Ça

c’est difficile comme décision mais je suis […] contre l’avortement » De plus, elle n’a

découvert sa séropositivité qu’au cours de sa deuxième grossesse, s’étant faite infecter par son ex-mari.

Le parent P2 est allé consulter pour avoir un enfant avec sa première et sa deuxième femme, à cause de problèmes de fertilité. Il n’aura finalement qu’une fille née en 2011 avec sa seconde épouse. Il dit avoir ressenti du jugement et de la discrimination avec sa première épouse : « On a avec ma femme longtemps, euh, très longtemps on a cherché à

avoir des enfants. […] ensuite euh, on a osé aller consulter et puis là on nous a vraiment regardés avec des yeux, euh, mais comme si nous étions des assassins. »

Avec sa seconde femme, ils ont choisi d’aller consulter dans un hôpital différent et cela s’est bien déroulé. En outre, il a apprécié d’avoir été suivi par un médecin adéquat qui a pris le temps de lui expliquer le déroulement du suivi pour la grossesse de son épouse. Le dernier parent, P3, n’a pas ressenti d’obstacle(s) à son choix de parentalité car cela s’est fait de manière spontanée et naturelle. Il dit de son couple : « peut-être qu’on était

inconscients mais on a conçu cette enfant sans prendre de précaution. »

Dans la situation du premier enfant, E1, le père ne voulait pas prendre le risque que l’enfant ou la mère soit séropositive. Il y avait donc un obstacle à sa parentalité mais il a choisi un moyen qui pouvait y remédier : une insémination artificielle. Il a été conseillé par le médecin le traitant pour son VIH.

« Ben ils ont pris la décision justement de faire une insémination, ben parce que je pense autant l’un que l’autre ils étaient quand même responsables dans le fait d’avoir un enfant, et pour eux c’était important de protéger [la mère et

l’enfant], en tout cas pour mon papa […] »

Dans le cas de l’enfant E2, ses parents ont choisi d’avoir un enfant de manière naturelle. Son père savait qu’il était atteint du VIH mais elle pense que sa mère n’a su qu’elle était séropositive que durant sa grossesse : « alors ils ont choisi de nous avoir [elle a un frère

29 Comme le terme de « parent » peut être utilisé de manière indifférente suivant le genre et que le parent P1 est une femme, j’ai décidé que j’utiliserai le sujet « elle » quand je me référerai à cette personne bien que cela

jumeau] […] ce n’était pas un accident c’était voulu !». Elle dit que les médecins n’étaient pas favorables à ce que sa mère continue la grossesse mais que ses parents ont décidé de la poursuivre, tout en étant conscients des conséquences possibles.

Enfin, l’enfant E3 pense que la grossesse de sa mère était volontaire. De plus, elle s’est faite naturellement. Les médecins ont découvert le VIH de sa mère pendant la grossesse. Son père se savait déjà atteint du VIH avant la grossesse. Ainsi, il semble que ses parents n’aient vu aucun(s) obstacle(s) à leur choix d’accéder à la parentalité.

Moyens et possibilités de transmission

Le parent P1 a eu un traitement pendant ses différentes grossesses pour tenter d’éviter la transmission du VIH auprès de ses enfants : « J'ai parlé avec le médecin et elle me dit que

je vais faire un traitement pendant la grossesse. Pour que quand le bébé il naisse, pas de maladie. » De plus, même si elle a eu peur de transmettre sa séropositive à ses enfants, elle

semble persuadée que si elle prend son traitement de manière correcte, ses enfants ne seront pas infectés par le VIH.30

Concernant le parent P2, il avait peur de transmettre sa séropositivité à sa fille car il ne souhaitait pas lui imposer cela. Néanmoins, dans leur cas, à sa femme et lui, leurs virémies étaient indétectables, ils prenaient leur traitement de manière correcte et ils ont été suivis depuis le début. Ainsi, le risque de transmission était minime. Cela ne l’a pas empêché d’avoir peur: « qu’on comprenne avec la tête ou avec les tripes ça n’a rien à voir. […]

Euh, je crois que c’est pas rationnel. […] j’ai eu peur, mais peur comme ce n’est pas possible. » Il rajoute qu’au moment où il attendait le résultat définitif du statut sérologique

de sa fille31 c’était : « […] avec une monstre angoisse. »

Le parent P3 ne s’est pas posé de questions étant donné qu’il avait une position particulière sur la séropositivité, à ce moment-là :

« A posteriori je pense qu’on a eu du bol autant ma femme que ma fille… Parce que maintenant j’ai changé de position, je pense quand même qu’il y a quelque chose qui est possible de transmettre… Mais à l’époque j’y croyais pas […] »

Dans le cas de l’enfant E1, il n’y avait pas de possibilité de transmission puisque l’enfant est né par insémination artificielle d’un donneur séronégatif.

Pour l’enfant E2, quand des médecins ont découvert que sa mère était aussi atteinte du VIH, ses parents ont eu très peur de transmettre leur séropositivité. De plus, à partir du moment où il a été su que la mère était séropositive, la grossesse a été suivie de près. L’enfant E3, quant à lui, dit que sa mère a été assistée de près, par le corps médical, durant sa grossesse. Il complète que ses parents ont eu peur de propager leur virus et qu’ils ont été soulagés d’apprendre, un moment après la naissance, que lui et sa sœur n’étaient pas

30

Dans la réalité, bien que le risque soit infime si une femme séropositive est suivie avant, pendant et après sa grossesse, il est existant.

31 Actuellement, un enfant de parent(s) séropositif(s) est testé trois fois jusqu’à l’âge de deux ans pour être sûr de son statut sérologique. Les deux premiers tests se font par PCR ; le troisième est une vérification des anticorps de l’enfant.

atteints : « […] après notre naissance ils ont fait plein de tests pour voir si et il se trouve

qu’on l’avait pas donc ils étaient soulagés à ce moment. » Représentations sociales liées au VIH

Dans l’entourage du parent P1, personne n’est au courant de son statut sérologique si ce n’est son mari. Elle a la conviction que le regard des autres est jugeant sur la séropositivité et qu’elle va perdre des proches s’ils sont au courant :

« C’est pour ça que je dire rien. C’est pour ça pour que je sais que la personne…que euh…je pense que cette maladie pour… je pense que c’est difficile pour la tête de la personne. […] La personne […] elle part tout de suite la personne je pense. Elle comprend pas, elle connaisse pas la maladie, c’est pour ça que… Je sais que la personne, toute la personne, regarde pas bien cette maladie. »

Pour le parent P2, il note une différence dans la façon dont les choses ont été vues dans son envie de parentalité entre sa première et sa deuxième femme. Avec sa première femme, il souligne ceci :

« Je pense que les gens… ce drame [le fait de ne pas avoir d’enfant] que nous avions vécu avec ma première femme euh… […] je vois que pour tous ces gens c’était normal que nous n’ayons pas d’enfants et… […] Les gens nous plaignaient bien sûr, disais tu ferais des bons parents mais je crois que [c’est] comme si c’était entendu que nous ne serions pas des parents… »

Néanmoins, avec sa seconde épouse, leur choix d’avoir un enfant a été vu de manière complètement différente : « Et puis euh, bien sûr j’en ai parlé […] à ma famille et mes

amis mais plus dans le sens euh, infertilité que séropositivité parce que euh, parce qu’à ce moment-là je crois que c’était entendu pour tout le monde que ça ne posait aucun problème. »

Quant au parent P3, il s’est senti jugé par son entourage car ses proches pensaient qu’il était irresponsable de faire un enfant :

« Moi j’ai senti beaucoup de jugement […] que j’étais inconscient, que j’étais irresponsable, que […] c’était pas quelque chose à faire ‘fin… Parce que les gens y me donnent pas forcément une espérance de vie très longue. Donc que je pouvais pas être père, que je mettais au monde un orphelin, quoi, une orpheline. »

Dans le cas de l’enfant E1, ils n’en ont parlé qu’à la famille proche et aux amis. Cela s’est mal passé quand la famille l’a appris mais ils ont fini par vivre avec. Les grands-parents particulièrement avaient peur qu’il transmette le VIH à sa fille.

« […] qu’il était séropositif, là c’était la catastrophe et ils l’ont très mal pris. Son papa il voulait plus le voir, plus l’approcher ou des trucs comme ça… Quand moi je suis née, il voulait pas que mon papa me prenne dans ses bras parce qu’il avait peur que j’attrape le sida ou des conneries comme ça… »

Concernant l’enfant E2, dans l’entourage amical de ses parents, ils y avaient plusieurs personnes séropositives et ils ont pu se soutenir mutuellement. Cela s’est, par contre, moins bien passé auprès de leur entourage familial :

« […] ma grand-mère maternelle l’a bien pris mais elle en a toujours voulu à mon père parce qu’elle est toujours persuadée que voilà, que c’est lui qui l’a refilée à ma mère […] mes oncles et mes tantes […] même s’ils ont pas voulu faire porter le poids mais je sens que certaines personnes n’ont pas vraiment apprécié que, euh, voilà, d’avoir un frère ou une sœur séropositifs. »

Selon l’enfant E3, le regard des gens sur le VIH était péjoratif à la période où ses parents étaient encore en vie. La séropositivité était associée à des comportements sales et déviants : « je sais qu’à l’époque c’était très mal vu d’être atteint du sida, c’était considéré

comme sale et tout […] le regard des gens sur les malades du sida était mauvais quoi, c’était des drogués, des crasseux, etc. »

De plus, il a le sentiment que cela reste une infection qui est, actuellement, encore associée à des comportements stigmatisés : « […] parce qu’on parle que c’est un truc que les

homosexuels attrapent, on dit que c’est un truc que les drogués attrapent, etc., que les gens qui se protègent pas, c’est sale parce que c’est sexuellement transmissible, après voilà. » Tabou et discrimination autour du VIH

Dans le cas du parent P1, il y a effectivement un tabou autour du VIH puisqu’elle a fait le choix de ne pas en parler à ses proches. Seuls son mari et le personnel médical la soignant sont au courant de sa sérologie. Concernant la discrimination en lien avec le VIH, elle dit en avoir subi de la part de son premier médecin lors de sa deuxième grossesse et me pas s’être sentie reconnue dans ce que la séropositivité pouvait représenter pour elle : « la

première fois mon médecin traitant, j’ai senti lui m’a traité différent. J’ai dit à lui : ‘’ je veux arrêter avec vous pour qu’on parle de maladie, vous parlez comme vous parlez de café comme ça’’ […] »

Concernant le parent P2, comme dit plus haut, il s’est senti discriminé et jugé lors de son choix d’avoir un enfant, avec sa première femme, et trente ans plus tard, il est encore en colère. Il rajoute qu’il avait l’impression d’avoir été devant un tribunal : « on s’est retrouvé

un petit couple un petit peu intimidé devant une dizaine de médecins qui… […] devant un tribunal […]: ‘’non vous ne pouvez quand même pas, nous on n’est pas une fabrique d’orphelins.’’ »

Comme il ressort de la thématique précédente, le parent P3 s’est senti condamné et, avec sa femme, ils ont vécu de la discrimination de la part de leur entourage : « alors, euh, quand

les gens ont su qu’on allait être parents et pis qui savaient que, qui connaissaient la situation, euh, sanitaire on va dire, beaucoup de gens […] se sont éloignés, quoi. » Il note

aussi que le jugement qu’il a éprouvé venait autant de personnes séronégatives que de personnes séropositives. Il ajoute qu’il a même constaté une sorte de hiérarchie entre individus atteints du VIH :

« Moi je dirais que j’ai remarqué, même encore maintenant, que dans les personnes séropositives, il y a des gens qui se classent différemment quoi. Si

moi je suis contaminée par une transfusion ben c’est pas la même chose que si je suis toxicomane, par exemple. Y a des classements qui se font au niveau du stigmate, c’est pas le même stigmate, c’est… Je trouve ça navrant mais c’est ce qui existe, ce que j’ai constaté… »

Le père de l’enfant E1 a subi de la discrimination de la part des membres de sa famille, particulièrement de son propre père. Dans son entourage aussi, certaines personnes l’ont rejeté à cause de son statut de séropositif : « les gens, ils le fuyaient un peu ça c’est sûr ! Il

a été un peu mis à l’écart. » Concernant la question du tabou, son père n’a pas souhaité en

parler à tout le monde mais il n’en a pas fait un secret absolu non plus puisqu’il en a parlé à son environnement proche.

Dans le cas de l’enfant E2, ce n’était pas un tabou puisque la famille et les amis étaient au courant. Malheureusement, ses parents ont dû subir le jugement de certaines personnes de leur famille, comme elle le souligne plus haut en parlant de sa grand-mère maternelle, de ses oncles et de ses tantes.

Selon l’enfant E3, c’est un sujet dont ils ont très peu parlé dans sa famille mais il sait que cela a été mal vu par leur entourage et que sa grand-mère maternelle était fâchée contre son père car elle considérait qu’il avait transmis le VIH à sa fille. De plus, il trouve que dans la société, les gens n’abordent pas ce sujet ouvertement et qu’il y aurait un certain tabou :

« […] c’est un sujet que très peu de gens abordent au fait et durant ma vie, j’en ai très peu parlé. […] Je sais pas, je trouve que les gens ils sont encore très réservés au fait d’en parler ouvertement quoi, de ce qu’ils pensent vraiment, etc. »