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Structure de la communauté

Vingt-quatre filets expérimentaux furent installés au lac Jean-Peré en 2008-2009. Le tableau 1 dresse le portrait de la communauté de poissons. Parmi les neuf espèces capturées, le doré jaune domine, représentant un peu plus de 50 % des captures. Il est suivi du cisco de lac et de la perchaude (22 % et 8 % respectivement). Les six autres espèces sont peu abondantes.

Le tableau 2 permet de faire la comparaison pour l’ensemble des espèces entre les résultats des trois dernières pêches expérimentales (1995, 2002 et 2009). Les captures par unité d’effort (CUE) de doré jaune en 2009 sont d’environ 50 % plus élevées que lors des deux échantillonnages précédents. Les CUE de cisco de lac, de perchaude et de grand corégone sont entre 2 à 4 fois plus élevées en 2009. Celles des autres espèces varient mais demeurent faibles. Nous ne pouvons fournir aucune explication à cette augmentation généralisée des CUE en 2009. Les densités de population ne peuvent avoir changé aussi radicalement.

Structure de la population de doré jaune

L’évolution de la biomasse par unité d’effort (BUE) et la masse moyenne des dorés jaunes échantillonnés à la pêche expérimentale en 1995, 2002 et 2009 sont présentées au tableau 3. La masse moyenne des dorés jaunes capturés a diminué de 28 % entre 1995 et 2009. La BUE quant à elle a diminué en 2002 mais s’est rétablie en 2009, malgré la baisse de masse moyenne, résultat de l’augmentation marquée des CUE.

Tableau 1. Captures enregistrées lors des pêches expérimentales de 2008 et 2009 au lac Jean-Peré.

Captures

Espèces n %

CUE (n/nuit-filet)

Doré jaune (Sander vitreus) 454 52,4 18,9

Grand corégone (Coregonus clupeaformis) 54 6,2 2,3

Perchaude (Perca flavescens) 72 8,3 3,0

Cisco de lac (Coregonus artedii) 191 22,0 8,0

Grand brochet (Esox lucius) 22 2,5 0,9

Meunier noir (Catostomus commersoni) 48 5,5 2,0

Meunier rouge (Catostomus catostomus) 6 0,3 0,3

Ouitouche (Semotilus corporalis) 19 2,2 0,8

Lotte (Lotta lotta) 1 0,1 0,1

Total 867 36,1

Tableau 2. Comparaison des CUE (n/nuit.filet) pour les différentes espèces capturées au lac Jean-Peré lors des pêches expérimentales de 1995, 2002 et 2009.

CUE ( n/ nuit. filet)

Espèces 1995 2002 2009

Doré jaune (Sander vitreus) 13,3 11,6 18,9

Grand corégone (Coregonus clupeaformis) 0,7 0,5 2,3

Perchaude (Perca flavescens) 0,7 1,4 3,0

Cisco de lac (Coregonus artedii) 2,8 2,1 8,0

Grand brochet (Esox lucius) 1,3 1,0 0,9

Meunier noir (Catostomus commersoni) 1,2 1,4 2,0

Meunier rouge (Catostomus catostomus) 0,2 0,3 0,3

Ouitouche (Semotilus corporalis) 0,2 0,5 0,8

Lotte (Lotta lotta) 0 0 0,1

Total 20,5 18,9 36,1

Tableau 3. Évolution de la biomasse par unité d’effort (BUE) et de la masse moyenne des dorés jaunes échantillonnés à la pêche expérimentale en 1995, 2002 et 2009 au lac Jean-Peré.

Année Masse moyenne (kg) BUE (kg/nuit.filet)

1995 0,782 10,4

2002 0,643 7,3

2009 0,563 10,6

Les caractéristiques morphologiques des dorés jaunes capturés à la pêche expérimentale au lac Jean-Peré apparaissent au tableau 4. La longueur totale moyenne des dorés a peu varié entre les trois pêches. Cependant, la distribution de fréquence des tailles (figure 1) révèle des différences importantes chez les jeunes dorés entre 2002 et 2009. Les poissons de 325 à 375 mm sont beaucoup plus abondants en 2009 qu’en 2002. Ces tailles correspondent essentiellement aux spécimens protégés et remis à l’eau compte tenu de la taille minimum de 35 cm longueur fourche imposée (soit environ 38 cm longueur totale) et l’arrivée d’un grand nombre de poissons âgés de 3 ans. Le reste de la structure de taille de la population ne semble pas avoir changé.

La masse maximale des poissons a fortement diminué entre 2002 et 2009, passant de 4500 g à 2798 g. L’absence de grosses femelles âgées peut facilement expliquer ce résultat. L’âge maximum des poissons a aussi diminué de près de la moitié entre 1995 et 2009, passant de 20 ans en 1995 à 11 ans en 2009. L’âge moyen des dorés capturés est de 3,9 ans et n’a que peu varié.

La distribution de fréquence des âges des dorés jaunes de 2009 apparaît à la figure 2 en comparaison avec celle de 2002. Les dorés sont plus jeunes en 2009 et les individus de 6 ans et plus sont rares. Les différences entre 2002 et 2009 sont faibles sauf pour la quantité plus élevée de jeunes de 3 et 4 ans en 2009. Ces groupes d’âge sont protégés par la réglementation de taille minimale.

Âge et taille à maturité sexuelle

Le nombre de femelles matures étant petit, nous avons regroupé les échantillons de 2002 et 2009. La proportion de spécimens matures en fonction de l’âge et de la taille est présentée aux tableaux 5 et 6. C’est à 6 ans que 50 % des femelles sont aptes à se reproduire, moment où elles atteignent une longueur totale de 500 mm. Quant aux mâles, 50 % d’entre eux atteignent la maturité sexuelle à 4 ans et à une longueur de 350 mm.

Tableau 4. Caractéristiques morphologiques générales des dorés jaunes capturés à la pêche expérimentale au lac Jean-Peré de 1995 à 2009.

1995 2002 2009

0 jaunes capturés à la pêche expérimentale au lac Jean-Peré en 2001-2002 et 2008-2009.

0 1 2 3 4 5 6 7 8

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 18

Âge

CUE (do/nuit.filet)

2002 2009

Figure 2. Comparaison de la distribution de fréquence des âges des dorés jaunes capturés à la pêche expérimentale au lac Jean-Peré en 2001-2002 et 2008-2009

Tableau 5. Pourcentage de dorés jaunes sexuellement matures en fonction de l’âge lors des pêches expérimentales de 2002 et 2009 combinées au lac Jean-Peré.

% matures (n) Âge

Femelles Mâles

1 0 (1) 0 (1)

2 0 (14) 5 (21)

3 0 (102) 21 (135)

4 1 (140) 69 (203)

5 11 (91) 84 (126)

6 59 (17) 95 (43)

7 79 (14) 100 (20)

8 100 (6) 100 (11)

9 100 (3) 100 (5)

10 100 (5) 100 (1)

Tableau 6. Pourcentage de dorés jaunes sexuellement matures en fonction de leur longueur totale lors des pêches expérimentales de 2002 et 2009 combinées au lac Jean-Peré.

% matures (n) Classe de

longueur (mm) Femelles Mâles

325-349 0 (59) 22 (81)

350-374 0 (65) 51 (112)

375-399 2 (41) 86 (79)

400-424 0 (50) 87 (95)

425-449 0 (35) 90 (51)

450-474 10 (25) 94 (32)

475-499 40 (15) 89 (19)

500-524 57 (14) 94 (16)

525-549 67 (9) 100 (14)

550-574 100 (6) 100 (3)

575-599 100 (6) 100 (2)

Croissance en longueur

La relation entre la taille moyenne et l’âge est présentée au tableau 7. La croissance des deux sexes est comparable jusqu’à quatre ans mais devient par la suite plus rapide pour les femelles, ce qui est typique chez le doré jaune.

Les paramètres de l’équation de von Bertalanffy apparaissent au tableau 8.

Croissance en longueur des spécimens immatures

Le taux de croissance des spécimens immatures (h) est un indicateur du potentiel de croissance d’une population de doré jaune. Il a augmenté légèrement au Jean-Peré. En 2009, il a atteint 104,3 mm/an alors qu’il était estimé à 99,7 mm/an en 1995 et 100,4 mm/an en 2002.

Estimation de la mortalité

Le taux instantané de mortalité totale (Z) était de 0,49 en 1995, de 0,66 en 2002 et de 0,72 en 2009, soit un taux annuel de mortalité totale (A) de 39 %, 48 % et 52 % respectivement. La figure 3 montre bien l’augmentation de la mortalité dans la population de doré jaune du Jean-Peré depuis 1995.

Gestion de la pêche au Jean-Peré

On constate au graphique de la figure 4 qu’au fil des ans, l’effort de pêche et le succès à la pêche sportive évoluent de concert. L’instauration de la limite de taille à 350 mm en 1996 aurait dû se traduire par une baisse de récolte et du succès de pêche sportive (poissons conservés). Or, aucune baisse de récolte n’est évidente à la figure 4 et aucune baisse de succès de pêche n’apparaît à la figure 5. Le succès de pêche oscille depuis 1984 autour de 0,7 doré/jour-pêcheur.

Tableau 7. Taille moyenne en fonction de l’âge des dorés jaunes capturés à la pêche expérimentale au lac Jean-Peré en 2001-2002 et 2008-2009, selon le sexe.

2001-2002 2008-2009

Femelles Mâles Femelles Mâles

Âge Lt

Tableau 8. Paramètres de l’équation de von Bertalanffy1 pour les dorés jaunes au lac Jean-Peré.

Paramètre Femelles Males

L(mm) 753 634

k 0,20 0,24

1 Lt = L(1-e-kt) où :

Lt = longueur à l’instant t L= longueur asympotique k = taux de croissance

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8

1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010

Années

Taux de mortali totale (Z)

Figure 3. Évolution du taux de mortalité totale (Z) de la population de dorés jaunes du lac Jean-Peré entre 1995 et 2009.

0 de dorés jaunes du lac Jean-Peré entre 1984 à 2009. Une taille minimum de 35 cm à la capture a été instaurée en 1996.

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

Années

Succès de pêche (do/j.p.)

Figure 5. Évolution du succès de pêche sportive au lac Jean-Peré. Une taille minimum de 35 cm à la capture a été instaurée en 1996.

Toutefois, Dion (1996) rapporte les résultats d’une enquête réalisée auprès des pêcheurs du lac Jean-Peré en 1995, année précédant l’instauration de la limite de taille, qui a permis de mesurer un succès de pêche de 1,5 doré/jour-pêcheur, et il estime, si une limite de taille s’était appliquée, un taux de remise à l’eau de 38 %. Ainsi, l’enregistrement des données de pêche sportive ne représente qu’une partie des poissons totaux capturés, plusieurs pêcheurs omettant de déclarer les poissons consommés sur place ou remis à l’eau ou augmentant leur effort de pêche pour atteindre leur objectif de récole. C’est peut-être pour cette raison que l’effet de l’application de la limite de taille ne peut être mise en évidence à l’aide des statistiques d’exploitation de la réserve.

État de la situation de la population de doré jaune

La densité de population de doré jaune au lac Jean-Peré est stable entre 1995 et 2002 et augmente de façon marquée en 2009, principalement à cause du nombre important de poissons de 3 ans. La biomasse de poissons par unité d’effort n’a pas changé depuis 1995. Par contre, plusieurs autres indicateurs démontrent que la population subit un stress.

Comme on l’a constaté à la figure 3, la mortalité totale (Z) augmente constamment depuis 1995. En 2009, la mortalité totale atteignait 0,72. Une aussi forte mortalité a eu pour effet de réduire l’âge maximum de 26 ans à 11 ans depuis 1988.

Le modèle développé par Venturelli (2009) permet d’estimer la mortalité maximale qu’une population de doré jaune peut supporter de façon permanente. Au lac Jean-Peré, elle se situerait entre 0,41 et 0,56. Venturelli indique que ses calculs pourraient sous-estimer la réalité d’environ 0,08. En considérant cette correction, la mortalité maximale se situerait dans la fourchette 0,49 à 0,64, ce qui est nettement inférieur à la mortalité mesurée actuellement. La population de doré du lac Jean-Peré ne devrait donc pas pouvoir supporter une telle mortalité indéfiniment.

La biomasse totale des dorés jaunes du Jean-Peré ne change presque pas et celle des spécimens immatures est stable voire en augmentation (figure 6). Cependant, depuis 1988 on constate la chute radicale de la biomasse des femelles matures de dorés jaunes. Les données de 1988 ont été incluses même si l’engin utilisé à ce moment était moins efficace que celui utilisé les années suivantes. On peut donc penser que l’estimation de la BUE de femelles matures en 1988 est sous-estimée. L’entrée en vigueur de la limite de taille en 1996 n’y a amené aucune correction puisque la BUE des femelles matures a continué de diminuer, passant de 2,2 kg/nuit-filet en 1995 à 1,3 en 2002 et 1,4 en 2009.

Le nombre d’œufs produit par une population de poissons est proportionnel à la biomasse de femelles matures et représente le potentiel reproducteur d’une population. La biomasse des femelles matures ayant diminué de plus de 2 fois au Jean-Peré, on doit en conclure que le potentiel de reproduction de cette population de doré a diminué d’autant.

Des travaux récents de Venturelli (2009) démontrent que : 1) les vieilles et grandes femelles sont des génitrices plus efficaces que les jeunes femelles et 2) leur progéniture contribue davantage au recrutement que celle des jeunes. Le maintien dans la population du segment de vieilles et grosses femelles est donc essentiel au maintien d’une pêcherie durable. Or, on constate à la figure 7 qu’en 1988 les femelles matures étaient réparties à l’intérieur de 12 différents groupes d’âge de 5 à 22 ans alors qu’en 2009 il ne reste plus que six groupes d’âge, les femelles de plus de 10 ans étant maintenant totalement absentes de la population. On constate donc aussi une baisse de la qualité des génitrices dans la population de sorte que le potentiel reproducteur est encore plus faible qu’il n’apparaît à la figure 6. De plus, la baisse du nombre de groupes d’âge des femelles matures impliqués dans la reproduction se traduit par une augmentation du risque d’instabilité et de la vulnérabilité de la population.

Les outils d’intervention disponibles

Si l’on doit limiter la récolte, et surtout protéger les grands géniteurs, quatre outils sont disponibles : diminuer l’effort de pêche, diminuer la limite de capture et de possession,

modifier la taille légale à la capture et créer des zones de pêche interdite. On peut aussi penser agir sur l’engin de pêche pour réduire le nombre de prises, mais l’efficacité de cette mesure est difficile à prévoir.

0 1 2 3 4 5 6

1988 1995 2002 2009

Années

BUE (kg/n.f)

BUE femelle mature BUE Immature

Figure 6. Évolution de la biomasse par unité d’effort (BUE) des femelles matures et des spécimens immatures de dorés jaunes au lac Jean-Peré entre 1988 et 2009.

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6

5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22

Âge

CUE femelles matures (n/n.f.)

1988 1995 2009

Figure 7. Évolution de la structure d’âge des femelles matures de dorés jaunes de 1988 à 2009 au lac Jean-Peré.

L’effort de pêche peut être réduit par un contingentement du nombre de pêcheurs ou un raccourcissement de la saison de pêche. Pour être efficace, un raccourcissement de saison doit habituellement être très important (30 % et plus).

Une modification de la limite de capture et de possession ne semble pas indiquée. En effet, une analyse des statistiques de pêche de 1995 à 2001 permet de constater que 50 % ou plus des groupes de pêcheurs rapportent n’avoir capturé aucun poisson. Dans ces conditions, seule une baisse draconienne de la limite de capture et de possession (1 ou 2 par jour) risquerait d’entraîner une réduction de la récolte. On peut penser que l’imposition d’une telle réglementation ferait perdre tout intérêt à la pêcherie au lac Jean-Peré.

Divers ajustements à la limite de taille sont envisageables. Une baisse de la taille minimum à la capture aurait pour effet que les petits poissons contribueraient plus à la récolte. Cette mesure ne serait efficace que si la récolte totale demeurait stable et qu’en conséquence, la récolte de grands spécimens matures diminuait. Compte tenu du faible succès de pêche à la ligne, il est probable qu’un abaissement de la taille minimum à la capture se traduirait simplement par la diminution du taux de relâche et une hausse de la récolte totale. On peut aussi envisager divers scénarios pour protéger les grands géniteurs.

L’imposition d’une gamme exploitée, par exemple 30 à 40 cm, ou une taille maximale permettraient de concentrer l’exploitation sur un segment précis de la population.

L’échappement doit toutefois être suffisant pour assurer le maintien d’une densité suffisante de grands poissons. On peut aussi envisager formuler la limite de possession en nombre et en masse de poissons (par exemple 6 poissons et pas plus de 3 kg au total), ce qui pourrait avoir pour effet de réduire le nombre de grands poissons dans la récolte. S’il est important pour les pêcheurs sportifs de pouvoir conserver le spécimen trophée qui pourrait être capturé, à une telle limite on peut ajouter une mesure du type « et pas plus de 1 poisson plus grand que … ». L’acceptabilité de ces mesures devrait être validée auprès de la clientèle de la réserve.

Les données et modèles disponibles ne permettent pas de prédire adéquatement l’impact de ces mesures sur la pêche sportive et la population de doré jaune. Une expérimentation serait nécessaire.

La création de zones de pêche interdite peut aussi être une façon de réduire la récolte. En eau douce, ce type de réglementation est habituellement utilisé pour interdire la pêche dans les zones de rassemblement de fraye pendant quelques semaines. En mer, la création de vastes zones de pêche interdite est envisagée pour créer des refuges et protéger une portion de la population (Rodwell and Roberts 2004). Les modèles actuellement disponibles ne permettent toutefois pas d’évaluer l’effet d’un tel changement réglementaire sur la population de doré jaune et la qualité de la pêche. De plus, compte tenu de la superficie relativement petite du lac Jean-Peré, on peut se questionner sur l’efficacité d’une telle mesure à moins d’interdire la pêche sur une très grande partie de sa superficie.

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