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Résultats

Des 325 spécimens de mulettes récoltés, 180 étaient vivants lors de la récolte, 144 étaient morts depuis plus de 1 an et 1 individu était mort depuis moins de 1 an. La majorité des spécimens (319) a été récoltée dans le secteur du pont alors que 6 individus ont été récoltés dans le secteur témoin. Aucune mulette morte n’a été récoltée dans le secteur témoin. La presque totalité des spécimens récoltés vivants (178 sur 180, ce qui représente 99 % des spécimens) était infestée par des moules zébrées ou quaggas (Figure 108).

Les 180 mulettes récoltées vivantes dans l’aire d’étude appartenaient à 3 espèces distinctes : l’elliptio de l’Est (Elliptio complanata), la lampsile rayée (Lampsilis radiata) et la ligumie noire (Ligumia recta; Tableau 24 et Figure 108). Les 3 espèces ont été trouvées dans le secteur du pont, où l’elliptio de l’Est dominait largement l’assemblage avec 167 spécimens récoltés, comparativement à 6 pour la lampsile rayée et 1 pour la ligumie noire (Tableau 24). Deux des trois espèces ont aussi été trouvées dans le secteur témoin, mais en quantité beaucoup plus faible. Seulement cinq elliptios de l’Est et une lampsile rayée y ont été récoltées.

Tableau 24 : Espèces de mulettes récoltées dans le secteur du pont et le secteur témoin, ainsi que leur état lors de la récolte (mortes ou vivantes).

Nom français  Nom latin  Pont  Elliptio de l’Est  Elliptio complanata 167  5  144  0  316 

Lampsile rayée  Lampsilis radiata  6  1  1  0 

Ligumie noire  Ligumia recta  1  0  0  0 

   Total  174  145  325 

Figure 108 : Espèces de moules trouvées dans le secteur du pont de l’île d’Orléans : en a) elliptio de l’Est; en b) lampsile rayée; en c) ligumie noire; et en d) lampsile rayée infestée par des Dreissenidés.

Discussion

Sur les 21 espèces de moules d’eau douce indigènes du Québec (MFFP 1999), 3 ont été trouvées dans le secteur du pont de l’île d’Orléans. À l’échelle du fleuve et de la région de Québec, cela représente une faible diversité. Les deux espèces les plus abondantes dans le secteur du pont de l’île d’Orléans (elliptio de l’Est et lampsile rayée) sont les deux espèces de moules indigènes les plus communes dans le fleuve Saint-Laurent (MFFP 1999). Quant à la ligumie noire récoltée en 2013, il s’agit du spécimen trouvé le plus à l’est de l’aire de répartition de l’espèce sur la rive nord du Saint-Laurent.

Compte tenu du lien étroit entre la présence de poissons-hôtes et l’occurrence des mulettes dans un habitat donné (Strayer 2008, Charbonneau 2012), en plus de la présence avérée de huit espèces de mulettes dans la région de Québec (de Saint-Nicolas à Montmagny; MFFP 1999), on aurait pu s’attendre à trouver une plus grande diversité de mulettes dans le secteur du pont de

l’île d’Orléans (Tableau 25). Si l’on tient compte des mentions de spécimens pour lesquels de vieilles coquilles ont été trouvées dans la région de Québec, la diversité des mulettes de cette région s’établit à 10 espèces (Tableau 25). C’est notamment le cas de l’obovarie olivâtre (Obovaria olivaria), une espèce susceptible d’être désignée comme menacée ou vulnérable au Québec, et en voie de disparition au Canada. En effet, compte tenu de son utilisation des esturgeons comme poisson-hôte (COSEPAC, 2011b), elle avait une forte possibilité de présence dans le secteur du pont de l’île d’Orléans.

La faible diversité des moules d’eau douce dans le secteur du pont de l’île d’Orléans s’explique probablement en partie par leur très forte infestation par les moules zébrées et quaggas (99 %).

En effet, les Dressénidés nuisent considérablement aux mulettes, puisqu’elles sont directement en compétition avec elles pour les ressources alimentaires, qu’elles nuisent à leur respiration, en plus de les encombrer lorsqu’elles se fixent à leur coquille (Ricciardi et al. 1996, Strayer et Smith 1996, Strayer et Malcom 2007a, Bódis et al. 2014). Certaines espèces de mulettes sont plus sensibles que d’autres à l’infestation par les moules zébrées et peuvent être complètement éliminées quand cette dernière est présente (Strayer et Smith 1996). Par ailleurs, dans les habitats où le substrat dur est rare, ce qui est le cas dans le secteur d’étude, les moules zébrées s’installent sur les mulettes qui représentent alors un substrat dur de choix (deLafontaine et Comiré 2004).

Sur le plan de l’abondance, la grande majorité des spécimens d’elliptio de l’Est et de lampsile rayée récoltés vivants provient du secteur du pont où ils ont été trouvés en grand nombre, alors que peu de spécimens proviennent du secteur témoin. Dans les grandes rivières comme le fleuve Saint-Laurent, la distribution des mulettes est le plus souvent en agrégat et très irrégulière (Strayer et al. 1994, Paquet et al. en prép.). De plus, les variations d’abondance s’expliquent peu par les variables environnementales traditionnelles telles que la profondeur, la vitesse du courant, la distance de la côte, la présence de végétaux, etc. Il est donc difficile d’expliquer la forte abondance de mulettes dans certains secteurs et leur absence dans d’autres (Strayer et al. 1994).

Quoi qu’il en soit, le secteur du pont de l’île d’Orléans présente une forte abondance de mulettes par rapport au secteur témoin. Étant donné leur faible capacité à se déplacer, ces organismes sont sensibles aux perturbations physiques de leur habitat (revu par Paquet et al. 2005, Paquet et al. en prép.). Par ailleurs, les perturbations qui modifient la densité des individus et leur agrégation spatiale peuvent avoir des conséquences sérieuses sur le maintien de populations viables, notamment chez l’elliptio de l’Est (Downing et al. 1993).

Tableau 25 : Liste des espèces de mulettes ayant été trouvées dans le secteur du pont de l’île d’Orléans en 2012 et 2013 et dans la région de Québec (MFFP, 1999) selon leur état. Les espèces en situation précaire selon la Loi sur les espèces menacées et vulnérables du Québec ou selon la Loi sur les espèces en péril au Canada sont identifiées.

Nom français  Nom latin  Pont I. 

Toutes les mulettes récoltées mortes provenaient du secteur du pont. Les coquilles vides des mulettes peuvent persister dans les cours d’eau des décennies après leur mort où leur amoncellement joue un rôle écologique majeur (Gutiérrez et al. 2003, Strayer et Malcom 2007b).

Constituant un substrat plus grossier, elles hétérogénéisent les habitats dans les environnements dominés par des sédiments fins (Strayer et al. 1994, revu par Gutiérrez et al. 2003).

L’accumulation des coquilles peut aussi créer des conditions favorables à la reproduction d’autres espèces animales, dont les poissons (Chatelain et Chabot 1983, revu par Gutiérrez et al. 2003).

Ainsi, l’accumulation des coquilles de mulettes vides pourrait jouer un rôle important dans la structure de l’habitat dans le secteur du pont de l’île d’Orléans.

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