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Résultats des méta-analyses MARCH et MACH-NC

5. Discussion générale

5.1. Résultats des méta-analyses MARCH et MACH-NC

Les deux méta-analyses présentées dans ce travail de thèse ont permis de confirmer plusieurs points avec une quantité d’information plus importante et un suivi plus long. D’un côté, la radiothérapie à fractionnement modifié est plus efficace que la radiothérapie à fractionnement conventionnel chez les patients atteint d’un cancer ORL localement avancé sur un certain nombre de critères de jugement comme la survie globale (+3.1% [95% IC : 1.3 ; 4.9] à 5 ans) et la survie sans progression (+3.7% [2.0 ; 5.4] à 5 ans). Cela est principalement dû à l’hyperfractionnement (+8.1% [3.4 ; 12.8] à 5 ans pour la survie globale) pour lequel l’efficacité est plus importante qu’avec les radiothérapies modérément accélérée et très accélérée. De l’autre côté, l’ajout d’une chimiothérapie permet d’améliorer significativement la survie globale (+4.4% [3.0 ; 5.8] à 5 ans) et la survie sans progression (+3.8% [2.5 ; 5.1]) des patients atteint d’un cancer ORL localement avancé par rapport à un traitement locorégional seul ou à un traitement locorégional déjà associé à une autre chimiothérapie. Cette amélioration est différente selon le timing de chimiothérapie ajouté, avec une chimiothérapie concomitante plus efficace (+6.5% [4.6 ; 8.4] et +5.5% [3.8 ; 7.2] à 5 ans pour la survie globale et la survie sans progression respectivement) que les chimiothérapies d’induction et adjuvante. Une question vient alors naturellement : faut-il traiter les patients atteint d’un cancer ORL localement avancé avec la radiothérapie hyperfractionnée, avec la chimiothérapie concomitante ou avec l’association des deux ? Trop peu d’essais ont été conduits afin d’y répondre clairement et réaliser de nouveaux essais prendrait plusieurs années. Un premier élément de réponse se trouve néanmoins dans la méta-analyse MACH-NC, avec onze essais ayant comparé la radiothérapie hyperfractionnée ou accélérée à l’association de ce traitement avec de la

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186, 190. Parmi eux, un seul essai étudiait la radiothérapie à fractionnement conventionnel ou hyperfractionnée avec l’administration (ou non) d’une chimiothérapie concomitante sous la forme d’un plan factoriel 2x2 (EORTC 22962, arrêt précoce, non publié). La petite taille de l’essai ne permettait cependant pas de conclure. Une autre solution est la réalisation d’une méta-analyse en réseau afin d’évaluer l’efficacité relative de traitements qui n’ont pas été directement comparés dans des essais randomisés. La méta-analyse en réseau permet également de classer

ces traitements les uns par rapport aux autres207. Une telle méta-analyse a été réalisée à Gustave

Roussy et a montré que le traitement le plus efficace est la radiothérapie hyperfractionnée associée à la chimiothérapie concomitante, suivi par la chimiothérapie d’induction à base de TPF associée à la radiothérapie conventionnelle seule, mais ces deux traitements n’étaient pas

significativement différents l’un de l’autre90, 208. Le simple classement des traitements utilisés

dans les méta-analyses en réseau est néanmoins sujet à discussion et des méthodes prenant en

compte l’incertitude du classement lui sont préférés209. Mais souvent, l’incertitude du

classement est importante. Il est donc nécessaire de toujours examiner les mesures d’efficacité

des traitements deux à deux (hazard ratio, …) et les intervalles de confiance correspondant

pour les traitements les mieux classés.

D’un point de vue pratique, l’hyperfractionnement est peu utilisé car il nécessite au minimum deux séances de radiothérapie par jour, espacées d’au moins six heures (4h30 si trois séances

par jour comme dans l’essai CHART85). Les inconvénients sont doubles. Tout d’abord, cela

implique une diminution du nombre de patients traités par jour car ils occuperont deux créneaux au lieu d’un. Ensuite, les hôpitaux ne sont pas adaptés pour prendre en charge les patients entre deux séances de radiothérapie, la plupart ne pouvant pas faire l’aller-retour de leur domicile pendant la journée. Les structures hospitalières sont en revanche très adaptées pour la délivrance de la chimiothérapie pendant la radiothérapie.

Un autre point confirmé par les résultats des deux actualisations est l’interaction significative entre le traitement et l’âge sur la survie, avec une perte d’efficacité de la radiothérapie et de la chimiothérapie concomitante lorsque l’âge progresse. Administrer une chimiothérapie ou la radiothérapie à fractionnement modifié augmente la toxicité du traitement par rapport au

traitement locorégional seul ou la radiothérapie à fractionnement conventionnel47, 188. Une

explication possible à cette interaction est le décès par risque compétitif. Les patients âgés décèderaient plus fréquemment de causes non liées au cancer comparés aux patients plus jeunes ce qui diluerait l’effet du traitement contre le cancer. Dans les deux méta-analyses, le taux de mortalité est plus élevé chez les sujets âgés et les décès dus à d’autres causes que le cancer sont

151 plus fréquents (27.5%, 34.7%, 39.6% et 49.6% dans les classes d’âge <50, [50-60[, [60-70[ et ≥70 respectivement) (Tableau 37). Le fait que l’interaction avec l’âge soit également significative pour la survie sans progression est cependant plus en faveur d’une inefficacité du traitement chez les patients âgés, dont la cause pourrait être l’administration d’un traitement insuffisant et/ou incomplet à cette population dû aux toxicités ou à une adaptation excessive des traitements (baisse des doses, arrêt prématuré) afin d’éviter la survenue de toxicités sévères dans cette population plus fragile. A noter que dans le cadre d’essais cliniques, les patients sont très sélectionnés et que cette sélection est probablement encore plus stricte chez les patients âgés, qui ont peu de comorbidités. Les décès précoces des patients âgés pourraient donc être plus élevés hors essais cliniques. Dans la méta-analyse MARCH, la proportion de patients recevant moins de 90% de la dose prévue de radiothérapie est plus élevée chez les sujets âgés, en particulier avec le fractionnement modifié (Tableau 38). Les analyses réalisées sur les toxicités dans la méta-analyse MARCH n’apportent que peu d’information en faveur d’une diminution du traitement lié aux toxicités. En effet, la survenue d’une mucite sévère est effectivement plus fréquente avec la radiothérapie à fractionnement modifié par rapport au fractionnement conventionnel, et cet effet est différent avec l’âge. Mais la prise en compte de l’interaction entre l’âge et le fractionnement montre que la radiothérapie très accélérée augmente considérablement le risque de mucites sévères chez les patients jeunes et de façon plus modérée chez les patients âgés. Il est bien sûr possible qu’une autre toxicité soit à l’origine d’une réduction de dose ou d’un arrêt du traitement chez les patients âgés. Enfin, plusieurs causes pourraient être associées.

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Tableau 37 : Cause de décès par tranche d’âge dans les méta-analyses MARCH et MACH-NC

Age (années) Cause de décès MARCH* MACH-NC* N % (décès) % (total) N % (décès) % (total) < 50 Cancer 833 70.8 41.4 754 74.4 48.9 Autre 235 20.0 11.7 157 15.5 10.2 Inconnue 108 9.2 5.4 103 10.2 6.7 Décès 1 176 100 58.4 1 014 100 65.8 Censure 836 - 41.6 528 - 34.2 Total 2 012 - 100 1 542 - 100 [50-60[ Cancer 1 585 63.9 41.0 1 059 67.5 48.4 Autre 639 25.8 16.5 324 20.6 14.8 Inconnue 257 10.4 6.6 187 11.9 8.5 Décès 2 481 100 64.2 1 570 100 71.7 Vivant 1 384 - 35.8 619 - 28.3 Total 3 865 - 100 2 189 - 100 [60-70[ Cancer 1 594 58.7 41.0 887 63.6 48.6 Autre 816 30.1 21.0 343 24.6 18.8 Inconnue 304 11.2 7.8 164 11.8 9.0 Décès 2 714 100 69.8 1 394 100 76.4 Censure 1 172 - 30.2 431 - 23.6 Total 3 886 - 100 1 825 - 100 ≥ 70 Cancer 756 48.3 37.2 261 57.6 47.5 Autre 640 40.9 31.5 152 33.6 27.7 Inconnue 169 10.8 8.3 40 8.8 7.3 Décès 1 565 100 77.1 453 100 82.5 Censure 466 - 22.9 96 - 17.5 Total 2 031 - 100 549 - 100

* Populations identiques à celles sur lesquelles les analyse d’’interaction entre l’âge et le traitement ont été réalisées dans MARCH et MACH-NC respectivement

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Tableau 38 :Doses de radiothérapie reçue et prévue (MARCH)

Age

(années)

Dose reçue <90% dose prévue

Total Fractionnement conventionnel Fractionnement modifié < 50 35 / 908 (3.9%) 39 / 995 (3.9%) 74 / 1 903 (3.9%) [50-60[ 54 / 1 843 (2.9%) 82 / 1 841 (4.5%) 136 / 3 684 (3.7%) [60-70[ 60 / 1 811 (3.3%) 91 / 1 876 (4.9%) 151 / 3 687 (4.1%) ≥ 70 37 / 904 (4.1%) 73 / 1 013 (7.2%) 110 / 1 917 (5.7%)

Exclusion de 790 patients : âge manquant (N=2), dose manquante (N=756), âge et dose manquants (N=32)

Les raisons potentielles de la baisse d’efficacité de la chimiothérapie d’induction sur la survie globale et la survie sans progression avec la dégradation de l’état général (avec une perte d’efficacité lorsque l’état général est supérieur ou égal à 2) observée dans MACH-NC sont similaires à celles pour l’interaction entre l’âge et le traitement. Un autre mécanisme envisageable est une progression précoce de la maladie si la dégradation de l’état général est liée au cancer. L’analyse des données de toxicités et de la mortalité liée ou non au cancer devrait permettre de clarifier les raisons de cette interaction.

L’absence d’interaction significative entre l’âge et le traitement pour la chimiothérapie d’induction pourrait s’expliquer par une plus grande sélection des patients pour ce timing : plus de stade précoce, plus de patients avec des tumeurs buccales, moins de patients avec des tumeurs laryngées, plus de patients avec une chirurgie envisagée (Tableau 18, Tableau 29). A noter que dans les cancers indifférenciés du nasopharynx, dont le traitement locorégional est la radiothérapie et qui concernent une population essentiellement asiatique et plus jeune, une interaction avec l’âge et l’effet de la chimiothérapie est également observée pour la survie globale et sans progression (actualisation de la méta-analyse MAC-NPC, J-P Pignon, communication personnelle, 2019), mais avec persistance d’un effet, certes moindre, chez les patients de 60 ans et plus.

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