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et des enseignants Anne Soussi, SRED, Genève,

1. Les principales diffi cultés en lecture

1.2. Résultats d’une étude complémentaire à PISA

L’enquête PISA 2000 (OCDE 1999, 2003) auprès d’élèves de 15 ans avec, comme thème principal, la littératie, a permis de confi rmer un certain nombre de ces constats. On a pu en effet relever, à partir d’un échantillon d’élèves suisses de 9e année, et à l’instar d’autres pays et régions, l’infl uence de deux

dimensions : le type d’objectif (repérer, interpréter ou réfl échir) et le format des questions (QCM ou question fermée vs question ouverte) 1. Ainsi, les élèves

réussissent nettement mieux quand les tâches font appel à du repérage voire de l’interprétation que lorsqu’il s’agit de réfl échir sur le contenu et la forme d’un texte. Par ailleurs, les questions ouvertes donnent lieu à une réussite nette- ment moindre que les questions à choix multiples ou les questions fermées à réponse courte. De plus, elles provoquent chez les élèves un taux élevé de non-réponses.

Dans une étude complémentaire, réalisée en Suisse romande, nous avons essayé d’identifi er de manière plus précise le type de diffi culté que rencon- traient les élèves du niveau de compétence le plus bas (environ 13 %), en analy- sant leurs réponses à un certain nombre d’items, y compris des QCM, dans une centaine de cahiers (Broi et al., 2003). Il s’agit d’élèves du niveau de compé- tence 1, défi ni par les concepteurs de l’enquête PISA comme suit : ces élèves sont capables de localiser un ou plusieurs éléments d’informations distinctes explicitement mentionnées dans le texte en n’appliquant qu’un seul critère (retrouver une information), reconnaitre le thème principal ou l’intention de l’auteur d’un texte consacré à un sujet familier dans lequel les informations requises sont saillantes (interpréter) ou établir une relation simple entre des informations fi gurant dans le texte et des connaissances courantes (réfl échir).

Globalement, toutes les questions sont plus mal réussies par ces élèves. Toutefois, si l’on compare leur taux de réussite à celui d’élèves aux compé- tences plus élevées en littératie, on s’aperçoit que l’écart est nettement moins marqué lorsqu’il s’agit de questions à choix multiples que lorsqu’il s’agit de questions ouvertes. En revanche, pour les questions nécessitant l’élaboration

1 Pour plus d’informations, on pourra se reporter à la description du cadre de l’enquête PISA (OCDE, 1999).

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d’une réponse écrite exigeant une réfl exion sur le texte, la prise en compte de plusieurs points de vue ou une argumentation, cet écart s’accentue encore. Soulignons que sur le plan de leurs caractéristiques sociodémographiques, on peut faire les mêmes observations que dans l’enquête romande (op. cit.) : ils représentent une proportion plus importante d’élèves de milieux défavorisés, d’allophones, d’élèves plus âgés, de garçons et d’élèves provenant de fi lières aux exigences faibles.

Une première série de diffi culté concerne donc la capacité à argumenter. Ces élèves se contentent souvent de donner leur avis, sans plus. Ils ont de la peine à justifi er par écrit un point de vue ou à réfuter une argumentation. Il faut préciser que les réponses à ces questions impliquent de la part des élèves une distanciation par rapport à différents points de vue qu’ils doivent identi- fi er ou vis-à-vis desquels ils doivent prendre une position.

Dans le même ordre d’idée, il est diffi cile pour ces élèves d’envisager une réalité selon plusieurs angles de vue, parfois opposés, ce que l’on pourrait aussi attribuer à un problème de décentration par rapport à leur propre vision de la réalité. Dans bien des cas, ces élèves ont tendance à répondre en tenant compte de leur réalité au détriment de celle du texte comme si ils se référaient davantage à leur expérience qu’au texte, phénomène que nous avions déjà rencontré chez les élèves de 11-12 ans. De même, ils sont également désar- çonnés lorsqu’ils se trouvent face à une question mettant en évidence une contradiction entre des arguments issus du texte et des idées généralement véhiculées sur le sujet.

L’observation de certaines réponses laisse à penser que ces élèves manque- raient d’une vision globale du texte et de son organisation. En effet, ils semblent avoir de la diffi culté à appréhender le texte comme une entité, avec ses lois propres mais le considèrent plutôt comme une suite de phrases dont ils perçoivent mal les liens. De ce fait, ils font preuve d’une mobilité restreinte à l’intérieur du texte car ils semblent ne pas pouvoir s’appuyer suffi samment sur ses indices organisationnels qui leur permettraient de ne pas relire à chaque fois le texte entièrement. De plus, souvent, ils semblent se contenter d’une réponse repérée à la première lecture, sans en vérifi er la pertinence.

Ainsi, voici des exemples de réponses à une question à choix multiples portant sur le texte Graffi ti présentant deux lettres diffusées sur Internet par de jeunes scripteurs qui donnent leur opinion sur les graffi ti. La question (R081Q01) est la suivante :

Le but de ces deux lettres est :

A. d’expliquer ce que sont les graffi ti. B. de présenter une opinion sur les graffi ti

C. de démontrer la popularité des graffi ti

D. de faire savoir aux gens ce que cela coûte d’effacer les graffi ti.

Les élèves aux compétences les plus faibles ont choisi la première possibi- lité rencontrée, qui à première vue, compte tenu du thème, apparaît plausible, mais qui ne rend compte que d’un détail de l’un des deux textes.

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Des diffi cultés de lecture des élèves : ce qu’en disent des chercheurs et des enseignants

Repères | 35 | 2007 | 37 Une autre diffi culté réside dans la capacité à faire des inférences. Ainsi, dans un autre exemple, cette fois tiré d’un récit Le cadeau, la question suivante (ques- tion ouverte faisant appel à la réfl exion sur le texte) est proposée (R119Q08) :

Quelle raison a poussé la femme à donner à manger au puma ?

Les réponses recueillies ne font jamais référence à l’idée de compassion ou d’empathie qui est à l’origine du geste de la femme, idée qu’il faut inférer à partir du texte car elle n’est jamais exprimée comme telle. Parmi les réponses fournies par ce type d’élèves, on relève : Pour qu’il arrête de faire du bruit et que la femme n’ait plus peur ; Pour pas qu’elle se fasse attaquer ; Elle le trouvait sympa ; Pour le calmer et le faire dormir ; Parce qu’il a hurlé et a fait trembler sa main ; Elle était affamée. A première vue, la plupart de ces réponses paraissent plausibles mais aucune d’elles ne tient compte de l’implicite du texte.

D’autres diffi cultés se rapportent à des connaissances linguistiques (formu- lation ou compréhension du vocabulaire dans le texte ou les consignes) ou textuelles. Ainsi, certains élèves peuvent se trouver bloqués par des termes compliqués (par exemple dans Amanda tiré d’Anouilh, où il est fait mention des indications scéniques) ou par des consignes imprécises (dans une ques- tion de Garantie Hotpoint, texte injonctif, la consigne ne précise pas qu’il faut trouver la réponse dans le texte).

Une autre source de diffi culté réside dans le fait de caractériser un texte par rapport à son style. Ce type d’exercice ne semble pas familier à ces élèves. Il faut toutefois souligner qu’il s’agit d’une tâche défi nie par les concepteurs de PISA comme complexe et nécessitant une réfl exion sur la forme. Par exemple la question suivante portant sur le texte Graffi ti (R081Q06b) était posée aux élèves :

On peut parler de ce que dit une lettre (son contenu).

On peut parler de la façon dont une lettre est écrite (son style).

En faisant abstraction de votre propre opinion, qui a écrit la meilleure lettre d’après vous ? Justifi ez votre réponse en vous référant à la façon dont la lettre choisie est écrite (ou à la façon dont sont écrites ces deux lettres).

Voici quelques exemples caractéristiques de réponses de ces élèves illus- trant le type de diffi culté :

Celle d’Helga parce qu’il y a plus d’informations ; La lettre d’Helga parce qu’elle donne de très bons arguments et peut-être dans un sens elle a raison. ; Je trouve que c’est la deuxième parce qu’elle est plus terre à terre. ; Sophie elle a fait une lettre qui a été très facile à comprendre.

La plupart de ces élèves ont plutôt fait référence au contenu malgré la consigne relativement explicite à ce sujet (de ne pas s’intéresser au contenu). On relèvera l’avant-dernier exemple qui est un peu intermédiaire entre forme et contenu. Faut-il abonder dans le sens de Rémond (2005) qui estime la tâche relativement éloignée des tâches scolaires françaises, notamment et de la diffi - culté à différencier forme et contenu ?

Enfi n, ces élèves semblent éprouver de la diffi culté à gérer les paramètres d’un dialogue ; ainsi, reporter des parties du texte en les transformant en discours

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direct tout en tenant compte des idées des interlocuteurs en présence s’est avéré une tâche diffi cile pour eux. Généralement, ces élèves ne parviennent pas à utiliser le discours direct et paraphrasent les propos des interlocuteurs.

D’autres exemples de diffi culté peuvent être relevés qui dépassent le cadre de la lecture ou de la langue. Ainsi, une question portant sur un diagramme (Population active) a mis en évidence la peine éprouvée par ces élèves à comprendre sa signifi cation et sa construction. Cette question à choix multi- ples impliquait la compréhension de la hiérarchisation proposée dans le diagramme. La réponse majoritairement choisie par les élèves témoigne d’une non prise en compte de la disposition en arbre du diagramme au profi t de leur propre représentation du monde du travail. Deux autres exemples peuvent encore être cités, dans un cas (Amanda), on demande aux élèves de situer sur un schéma (scène de théâtre représentée en trois dimensions), à des endroits précisés dans le texte, deux personnages symbolisés par des lettres. Dans le second cas (Pôle Sud, support composé d’un texte informatif et d’une carte), les élèves devaient tracer le trajet d’un des protagonistes conformément aux indications décrites dans le texte. Dans les deux situations, les élèves en diffi - culté ont eu de la peine à utiliser les informations du texte et les appliquer à une autre forme de représentation (schéma ou plan). De plus, leur connais- sance restreinte, voire inexistante, du monde théâtral a constitué un obstacle supplémentaire.

Enfi n, au terme de cette analyse, on peut ajouter encore que, si les élèves ayant des compétences faibles en littératie réussissent mieux les questions à choix multiples, ils ont néanmoins tendance dans certains cas à répondre au hasard. Un autre élément important à souligner, bien qu’évident, est l’obstacle que constitue la longueur du texte. En présence d’un texte long comme Le cadeau (deux pages et demie), ils se découragent rapidement, parviennent mal à trouver les endroits dans le texte leur donnant des indices pour répondre aux questions posées et se contentent de répondre de manière partielle, superfi - cielle ou en se référant à ce qui à leur yeux est le plus plausible selon leur expé- rience. Comme nous l’avons relevé déjà, plusieurs questions problématiques pour ces élèves nécessitent une réfl exion sur le texte. Selon Bautier (2004), les élèves en général et ceux aux compétences faibles en particulier éprouvent particulièrement des diffi cultés à appréhender le sens intentionnel d’un texte. C’est justement ce type de dimension qui est en jeu dans l’objectif « réfl échir ». Précisons toutefois que si l’on décompose les différentes questions mesurant cet objectif en plusieurs composantes (Mendelovits, 2003), à savoir faire des hypothèses ou expliquer le contenu d’un texte, donner une opinion person- nelle, identifi er les caractéristiques formelles du texte ou encore faire une évaluation critique, on constate une certaine gradation des diffi cultés. Ainsi, donner son opinion semble plus facile aussi bien aux élèves romands que fran- çais. Par contre, évaluer de manière critique un texte est d’une grande diffi culté pour la plupart des élèves.

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Des diffi cultés de lecture des élèves : ce qu’en disent des chercheurs et des enseignants

Repères | 35 | 2007 | 39 1.3. Mise en perspective des deux enquêtes

Au vu des résultats obtenus dans les deux investigations dont nous venons de rendre compte, nous pouvons relever un certain nombre de diffi - cultés communes aux élèves de fi n de 6e année et à ceux de fi n de 9e année,

à savoir :

les moins bons lecteurs réussissent mieux les tâches faisant appel au repérage d’informations que des tâches plus complexes, notamment celles demandant une réfl exion sur le texte ;

le degré de familiarité peut jouer en défaveur de ces élèves qui se réfè- reront davantage à leurs souvenirs ou croyances qu’à ce qui est dit et compris du texte ;

de manière générale, ils ont tendance à répondre aux questions exigeant une interprétation ou une réfl exion en fonction de leur propre réalité, soit par manque de connaissances sur le monde, soit par incapacité à se décentrer et à prendre en considération des points de vue autres que les leurs ;

dans ce sens, ils saisissent avec peine l’implicite d’un texte, les inten- tions de l’auteur, par exemple l’ironie (épreuve de 6e année) ;

les réponses aux questions ouvertes (le plus souvent liées, dans PISA, à une tâche d’argumentation) révèlent chez ces élèves d’une part la diffi culté à s’exprimer par écrit, d’autre part à argumenter.

La plupart des observations mises en évidence dans ces deux études corres- pondent à celles décrites par Van Grunderbeeck (1994) concernant les lecteurs en diffi culté : un manque de clarté cognitive (connaissances des fonctions de l’écrit), une tendance à n’utiliser qu’une stratégie en situation de lecture, une rigidité cognitive et une dépendance à l’égard de l’enseignant. De leur côté, Bautier (2004) et Rémond (2005) font les mêmes constats pour les élèves fran- çais de 6e et de 15 ans, notamment la diffi culté à justifi er son point de vue, la

tendance à se référer davantage à son expérience personnelle qu’aux informa- tions du texte.

2. Le discours des enseignants sur les pratiques de remédiation

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