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Rappelons dans un premier temps l’hypothèse concernant les données comportementales pour les sections à venir :

Tableau 4.2 Exemple de calendrier type pour un duo de pianiste

Le recrutement aux entretiens s’est fait à l’aide d’annonces et de listes de diffusions. Les personnes souhaitant participer ont été interviewées au préalable afin de vérifier leur niveau pour les inclure dans un binôme. Lors de ce premier rendez-vous, la première session d’expérience a été programmée une dizaine de jours plus tard.

Date d’expérimentation Activité

J-10 jours Rencontre préliminaire / Recrutement / Assignation des groupes et

partitions

J0 Questionnaire d’Empathie / Questionnaire Session / Enregistrement Audio / Jeu synchronisé / Jeu avec enregistrement

J+10 jours Questionnaire Session /

Enregistrement Audio / Jeu synchronisé / Jeu avec enregistrement

J+20 jours Questionnaire Session /

Enregistrement Audio / Jeu synchronisé / Jeu avec enregistrement

J+30 jours Questionnaire Session /

Enregistrement Audio / Jeu synchronisé / Jeu avec enregistrement

J+40 jours Questionnaire Session /

Enregistrement Audio / Jeu synchronisé / Jeu avec enregistrement

J+50 jours Questionnaire d’Empathie / Questionnaire Session / Enregistrement

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H1. La performance musicale augmentera au cours de l’apprentissage de la pièce. Il devrait y

avoir aussi un rapprochement émotionnel des pianistes entre eux qui se traduirait par une

amélioration de leur relation.

i. Exploration des données

Une inspection des données a mis en évidence une anomalie des mesures sur la variable de ‘’sentiment de proximité’’. En effet, on remarque que l’un des duos montre une tendance inverse aux autres (Figure 4.4). Après investigation, il s’est avéré que les deux pianistes de ce groupe se connaissaient déjà auparavant et avaient vécu ensemble des événements personnels les mettant dans de très mauvaises dispositions émotionnelles. Bien que leur attitude ait été très sérieuse lors des sessions d’enregistrement, nous avons préféré écarter ce duo des analyses de groupe étant donné que notre paradigme repose essentiellement sur la volonté de coopérer ensemble, sur l’empathie et sur l’entente.

Figure 4.4 Moyenne des scores de proximité par duo en fonction des sessions.

Sur les cinq duos recrutés, quatre démontrent une tendance à l’augmentation du score de proximité au cours des sessions (score déterminé par un item dans le questionnaire post-session, échelle de Likert de 1 à 7). Le duo n°I démontre une tendance complètement opposée.

I II III IV V

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Nous avons aussi fait le choix de rejeter les premières sessions d’enregistrement de tous les groupes étant donné que le niveau de bruitage des signaux EEG était largement au-dessus d’une valeur acceptable (plus de 80% des données bruitées). Les enregistrements des sessions suivantes se sont nettement améliorés (entre 40 et 10% de données bruitées). Ainsi, nous ne porterons nos analyses que sur quatre duos lors des cinq dernières sessions.

ii. Performance musicale objective

La performance musicale des duos de pianiste a été évaluée en aveugle par un expert en musicologie. Nous lui avons demandé de faire cette évaluation à la manière des auditions dans le contexte académique en musicologie. Ainsi à la fin de notre expérience, l’ensemble des enregistrements audio lui a été communiqué : les fichiers possédaient un numéro d’identification par couple assigné aléatoirement, et les numéros de session furent retirés de manière à n’induire aucun a priori sur la progression des enregistrements (i.e., duo n°I renommé en 92, et leurs différents enregistrement notés de 1 à 12, deux enregistrements par session, ne reflétaient pas l’ordre chronologique des acquisitions). L’expert nous a ainsi retourné 60 notes dont la moyenne par session est représentée en Figure 4.5.

Figure 4.5 Graphique de la moyenne de la performance musicale en fonction des sessions

A la session 2 la moyenne des performances musicales est de 10,9 et augmente jusqu’à 13,9 à la session 6 ce qui donne une augmentation moyenne de trois points (~27,5%) sur deux mois. Certains groupes ont mieux progressé que d’autres, notamment le duo n°IV qui a vu une augmentation de quatre points (de 12 à 16) au cours de cette période.

II III IV V Moyenne + SD

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De manière à déterminer s’il existe une différence significative entre les scores de performance au cours de sessions nous avons utilisé une ANOVA en mesure répétées à un facteur (les résultats peuvent être examinés en Annexe 6.3). Nos données ne violent pas l’hypothèse de sphéricité déterminée par le test de Mauchly, et nous avons pu reporter un effet principal des sessions F(4,28) = 41.879, p << .0001, ainsi qu’une tendance linéaire positive F(1,7) = 71.680, p << .0001.

iii. Analyse des questionnaires et analyse en composante principale

Au début et à la fin de chaque session d’enregistrement, nous faisions passer des questionnaires aux participants afin de s’assurer de leur état de fatigue, du nombre de fois qu’ils se sont vus pour travailler leur pièce de musique et s’ils se sont vus aussi en dehors de ce cadre, et de tout un panel de variables concernant leur relation à l’expérience et leur binôme. De plus, nous avons fait passer deux questionnaires d’empathie (CBS et CEC) à la première et dernière session afin de s’assurer de la stabilité du trait d’empathie au sein des pianistes.

Les participants étaient toujours dans des conditions acceptables pour passer l’expérience, ils se sont vus en moyenne 0.45 fois entre chaque session pour travailler la pièce de musique, certains duos étant plus assidus que d’autres (i.e., duo n°IV s’est vu en moyenne 1,2 fois par semaine), et se sont vu en moyenne 1,5 fois par semaine en dehors de ce contexte. Selon le questionnaire CBS, les pianistes de notre expérience possèdent en moyenne un score d’empathie dans les normes en session 1 (M=35.25, SD=8.48) et en session 6 (M=34.87, SD=10.16), un score moyen étant compris entre 33 et 52 (Annexe 6.2), qui ne change donc pas au cours du temps. Le questionnaire CEC lui est un peu plus compliqué à interpréter sachant qu’il repose sur trois scores : l’empathie, la contagion émotionnelle et la coupure qui représente la capacité à se détacher des ressentis des autres. Nous donnerons ici les scores séparés sur chaque catégorie. Le score d’empathie des pianistes en session 1 (M=8.37, SD=1.61) et en session 6 (M=7.78, SD=1.42) est comparable à la moyenne de l’échantillon de 94 personnes chez Favre et al. (2009)(M=7.3, SD=2.2). Ce score ne change pas au cours du temps. Le score de contagion émotionnelle quant à lui en session 1 (M=5.56, SD=2.21) et en session 6 (M=6.12, SD=2.38) est statistiquement supérieur à la moyenne de la population (M=2.8, SD=1.7) dans les deux cas, t(7)=3.534, p < 0.05 ; et t(7)=3.953, p < 0.05 respectivement. Ce score ne change pas au cours du temps. Enfin, le score de coupure en session 1 (M=3.59, SD=1.03) et en session 6 (M=4.21, SD=1.99) est statistiquement supérieur à la moyenne de la population (M=1.9, SD=1.6) dans les deux

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cas, t(7)=4.631, p < 0.05 ; et t(7)=3.298, p < 0.05 respectivement. Ce score ne change pas au cours du temps.

Pour réduire le nombre d’informations sur les variables comportementales restantes, nous avons décidé de faire une analyse en composante principale avec rotation varimax (pour plus de détails, voir l’Annexe 6.4). Ainsi, nous avions huit variables représentées par :

La proximité avec l’autre binôme

 La difficulté technique du morceau joué seul

 La difficulté technique du morceau joué à deux

 La qualité subjective de leur performance en solo

 La qualité subjective de leur performance à deux

 La difficulté de la mise en place du quatre mains

 La sensation de communication avec le binôme lors de la performance

 L’appréciation et le sentiment d’enrichissement lors de la performance

Aucune de ces variables n’a été exclue dû à une trop grande multicolinéarité ou une singularité. La réduction de données s’est faite selon plusieurs critères : la variance totale expliquée (>75%) et le tracé d’effondrement. Après rotation orthogonale (varimax) nous avons pu extraire quatre composantes (Tableau 4.3) :

Tableau 4.3 Matrice des composantes après rotation varimax.

Quatre composantes ont été extraites de l’analyse en composante principale : la qualité de la relation (C1) corrélant principalement la variable de proximité et de communication, inversement corrélée à la difficulté technique en duo (TechDuo) de la tâche ; la qualité subjective de la performance (C2) corrélant principalement la qualité subjective en duo (QualDuo) et en solo (QualSolo), inversement corrélée à la difficulté technique en duo ; la difficulté technique de la tâche (C3) corrélant la difficulté technique en solo (TechSolo) et en duo, corrélée avec l’appréciation de la tâche (Enjoy) ; et enfin la facilité de coordination (C4), corrélant la variable de mise en place et inversement corrélée à l’appréciation de la tâche.

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C1. La qualité de la relation entre pianistes C2. La qualité subjective de la performance C3. La difficulté technique de la tâche

C4. La facilité de coordination entre pianistes

Parmi ces quatre composantes, seule la qualité de la relation possède une corrélation de Pearson significative et positive avec la performance musicale, r(38) = .319, p = .045. Cependant, étant donné le nombre de tests de corrélation faits (4), nous corrigeons la valeur p par la méthode de Bonferroni, soit p = 0.05/4 = 0.0125. Ainsi, il n’existe qu’une corrélation marginale positive entre la performance musicale mesurée par l’expert en musicologie et la composante de la qualité de la relation.

Les résultats comportementaux que nous avons obtenus nous donnent des preuves pour rejeter l’hypothèse nulle de H1. Il y a effectivement eu un effet de l’apprentissage de la pièce de musique dans les duos de pianistes, et sont donc meilleurs après deux mois d’entraînement (Voir 4.III.a.ii). De plus la composante de qualité de la relation que nous avons extraite est corrélée marginalement et positivement avec la performance musicale. Ainsi, lorsque celle-ci augmente au cours du temps, la qualité de la relation en fait de même (Voir 4.III.a.iii).