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4 POLLUTION DE L’AIR INTERIEUR ET SANTE ALLERGIQUE ET RESPIRATOIRE

4.1 Composés Organiques Volatils et santé allergique et respiratoire

4.1.4 Résultats complémentaires

Typologie de logements

Un avantage des cartes de Kohonen, utilisées pour créer la typologie de logements dans l’article 3, est leur capacité de visualisation. La visualisation de la typologie des logements de l’OQAI accompagnée d’une description est disponible dans l’annexe 3.

Validation des résultats

Nous avons validé les résultats de l’article 2 sur les associations entre les scores de COV et l’asthme et la rhinite à l’aide de la méthode du Bootstrap pour vérifier la stabilité de nos estimations et des intervalles de confiance (notamment face aux erreurs de mesures et aux données aberrantes). 300 échantillons ont été générés à partir de la population d’étude, par sélection aléatoire avec remise, chacun incluant 1012 individus. Les modèles de régression ont été réalisés sur ces 300 échantillons. Nous avons utilisé les valeurs médianes des coefficients estimés et les 2,5ème et 97,5ème centiles comme intervalles de crédibilité. Les Odds ratios (OR) et les intervalles de confiance obtenus par la méthode du Bootstrap étaient très proches de ceux obtenus dans l’article 2. Les mêmes associations significatives ont été retrouvées.

Prise en compte du taux de renouvellement de l’air intérieur

Plus la vitesse de renouvellement d’air est élevée, plus les contaminants intérieurs sont évacués à l’extérieur (54). En effet, des corrélations entre le taux de renouvellement d’air et la concentration intérieure en polluants physico-chimiques mais aussi biologiques ont été mises en évidence. Dans la campagne logement de l’OQAI, le taux de renouvellement d’air joue un rôle sur la diminution des concentrations pour la quasi-totalité des polluants mesurés (100). Les logements dont l’air est fortement renouvelé présentent une probabilité plus faible d’avoir des niveaux de concentrations en polluants élevés. Il serait alors peut-être nécessaire d’ajuster les modèles des articles 2 et 3 sur le taux de renouvellement de l’air dans le logement afin de prendre en compte indirectement les niveaux des polluants non mesurés. Cependant, le renouvellement de l’air influe sensiblement sur les concentrations en composés organiques volatils (100) et son introduction comme variable d’ajustement peut donc masquer l’effet des COV.

Nous avons tout de même voulu exclure la possibilité que les effets des COV observés soient simplement le reflet du taux de renouvellement de l’air. La médiane observée du taux de renouvellement d’air dans les logements enquêtés était de 0,55 (le minimum était de 0.04 et le

4 POLLUTION DE L’AIR INTERIEUR ET SANTE ALLERGIQUE ET RESPIRATOIRE 74 maximum de 7,57). Le taux de renouvellement d’air est manquant pour 19% des logements. Les scores spécifiques de COV construits dans l’article 2 étaient corrélés au taux de renouvellement d’air avec des coefficients de corrélation compris entre -0,06 pour les hydrocarbures aromatiques et -0,30 pour les aldéhydes (Tableau 3). Le taux de renouvellement d’air n’était pas lié aux symptômes respiratoires, excepté à la rhinite (OR=1,18; IC95%: (0,97-1,44), p=0,10) (Tableau 4). L’introduction du taux de renouvellement d’air comme facteur d’ajustement pour expliquer la survenue de rhinite dans les modèles de l’article 2 et de l’article 3 n’a pas modifié de plus de 30% les estimations des coefficients associés aux COV (résultats non montrés). De plus, étant donné le nombre important de données manquantes du taux de renouvellement d’air, nous avons trouvé préférable de ne pas l’inclure dans le modèle. A noter que les modèles finaux des articles 2 et 3 sont ajustés sur l’humidité relative, qui est un des indicateurs du taux de renouvellement d’air (coefficient de corrélation de Spearman = -0,30).

Tableau 3. Coefficient de corrélation de Spearman (et degrés de signification associé au test de nullité du coefficient) entre le taux de renouvellement d’air et les scores spécifiques de COV construits dans l’article 2.

Scores de COV(1) Hydrocarbures aromatiques Hydrocarbures halogénés Hydrocarbures aliphatiques Ethers de glycols Aldéhydes Taux de renouvellement de l’air (vol /h) -0,22 (p <0,0001) -0,06 (p =0,20) -0,13 (p=0,01) -0,17 (p=0,001) -0,30 (p<0,0001) (1)

Un score correspond au nombre de COV fortement concentrés dans le logement

Tableau 4. Odds ratios ajustés (1), intervalles de confiance (à 95%) et degrés de signification de l’association entre les symptômes respiratoires et le taux de renouvellement d’air.

Asthme dans les 12 derniers mois Sifflements dans les 12 derniers mois Rhinite dans les 12 derniers mois Toux au réveil en hiver Crachats au réveil en hiver Taux de renouvellement d’air (vol/h) 1,02(0,68-1,53) p=0,91 1,12(0,82-1,53) p=0,49 1,18(0,97-1,44) p=0,10 0,99(0,74-1,32) p=0,95 1,00(0,69-1,43) p=0,99 (1)

Les Odds ratios sont ajustés sur le sexe, le statut tabagique, la saison de mesure, la présence d’animaux domestiques, le plus haut niveau d’éducation des individus du logement et la pollution extérieure.

Association entre moisissures et santé allergique et respiratoire

Nous avons aussi examiné l’effet des moisissures. Nous avons en particulier étudié s’il y avait un effet synergique entre les COV et les moisissures. Effectivement, celles-ci contiennent des allergènes ainsi que d’autres substances irritantes, qui pourraient augmenter l’impact des COV.

Dans l’OQAI, il a été demandé aux habitants des logements enquêtés si ils avaient observé au cours des 12 derniers mois des traces d'humidité (moisissures, tâches, papier peint décollé). Les habitants de 39% des logements ont répondu positivement à cette question. Nous avons initialement utilisé cette information comme variable d’ajustement pour étudier plus spécifiquement l’effet des COV dans le logement. Néanmoins, il est tout de même intéressant de rappeler que l’humidité et les moisissures représentent aussi un important problème de santé publique. Les associations entre la présence de moisissures et les symptômes respiratoires étaient toutes positives (Tableau 5), mais seule l’association avec l’asthme est significative (OR=1,91, IC95%: (1,18-3,1)) dans notre étude. Cela vient confirmer les déclarations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui a conclu aux preuves suffisantes pour incriminer l’humidité et la moisissure dans le déclenchement de symptômes asthmatiques (135). De plus, dans une méta-analyse, Fisk et al. (46) ont mis en évidence un risque accru de 50% d’asthme en cas d’exposition à l’humidité et aux moisissures dans le logement. Une revue publiée en 2011 (89) souligne que des études épidémiologiques et des méta-analyses ont montré, avec consistance, des associations entre les moisissures ou l’humidité intérieure et l’augmentation du développement et de l'exacerbation de l'asthme, l’asthme actuel, les sifflements, la toux, la bronchite et la rhinite allergique. Les associations ont été trouvées chez les personnes allergiques et non allergiques.

La détection visuelle des moisissures peut conduire à une sous-estimation de la proportion des personnes exposées aux moisissures : la contamination peut en effet se développer derrière le papier peint ou dans les filtres de ventilation et être ainsi difficilement détectable. Nous avons ensuite disposé pour les logements enquêtés par l’OQAI d’un indice fongique de détection objective, développé par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) (61). Il indique la présence ou l'absence de la croissance fongique sur la base de la détection de Composés Organiques Volatils d’origine microbienne (COVm)5. Le détail de la construction de cet indice est disponible dans l’article de Moularat et al. (93). Cet indice est disponible pour 88% des logements et il a détecté la présence de moisissures dans 35.3% des logements. Les associations entre l’indice fongique basé sur les COVm et les symptômes respiratoires étaient toutes positives (Tableau 5), mais seule l’association avec les crachats était significative (OR=1,71, IC95%: (1,03-2,83)). Aucune interaction significative entre les moisissures et les scores de COV n’était observée, quelle que soit la variable utilisée pour représenter les moisissures. Des mécanismes allergiques et non allergiques ont été évoqués pour expliquer les associations entre l'exposition aux moisissures et les symptômes respiratoires. Les moisissures ont une structure complexe et sont à l'origine de composés allergéniques et non allergéniques, à savoir

5

Dès le début de leur développement les champignons émettent des COVm, issus soit de leur métabolisme, soit de la dégradation du matériau par les enzymes ou les acides qu’ils produisent. Ces composés peuvent être détectés même en l'absence de moisissure apparente.

4 POLLUTION DE L’AIR INTERIEUR ET SANTE ALLERGIQUE ET RESPIRATOIRE 76 les allergènes, les COVm et des mycotoxines (20). Des études expérimentales sur des animaux ont observé que les COVm pourraient conduire à l'inflammation et l'irritation des voies aériennes. Néanmoins, l’utilisation de ces composés comme marqueur de l'exposition aux moisissures est encore controversée (74).

Tableau 5. Odds ratios ajustés (1) et intervalles de confiance (à 95%) de l’association entre les symptômes respiratoires et les moisissures

Moisissures

Asthme dans les 12 derniers mois

Rhinite dans les 12 derniers mois

Toux au réveil en hiver

Crachats au réveil en hiver

Déclaration des habitants 1,91(1,18-3,1)* 1,08(0,8-1,46) 1,03(0,63-1,7) 1,20(0,73-1,99) Indice COVm(2) 1,38(0,82-2,32) 1,12(0,81-1,53) 1,49(0,9-2,46) 1,71(1,03-2,83)*

(1)

Les Odds ratios sont ajustés sur le sexe, le statut tabagique, la saison de mesure, la présence d’animaux domestiques, la cuisson au gaz, le plus haut niveau d’éducation des individus du logement et la pollution extérieure.

(2)

Composés Organiques Volatils d’origine microbienne

*p<0,05