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De retour en France, j’ai voulu continuer cette thématique, d’autant plus que dès 2004, la qualité des faisceaux d’électrons s’était considérablement améliorée : les faisceaux étaient très collimatés, à haute énergie et parfois monoénergétiques (même si cette dernière caractéristique était encore trop erratique pour que l’on puisse vraiment compter dessus à l’époque). Les mesures que nous avions faites à Berkeley se concentraient essentiellement dans la gamme 100 µm − 1 mm, mais il me semblait que l’information utile devait plutôt se trouver dans une gamme

< 20 µm pour des paquets de la dizaine de femtosecondes. Pendant la thèse de

Yannick Glinec, nous avons donc monté une expérience de spectrométrie infrarouge en collaboration avec Guilhem Gallot du Laboratoire d’Optique et Bioscience, puis une expérience de spectrométrie visible.

Mesures dans l’infrarouge

Le montage expérimental est représenté en annexe A sur la figure A.4 : une

plaque d’aluminium de 100 µm est placée 3 mm après la sortie du de gaz, c’est là que le rayonnement de transition est émis. Le rayonnement infrarouge est détecté à l’aide d’une photodiode infrarouge (HgCdTe) dont la sensibilité spectrale s’étend jusqu’à 12 µm. Nous disposions de plusieurs filtres infrarouges de façon à pouvoir

3.3. Résultats du LOA 61 mesurer le rayonnement dans plusieurs gammes spectrales. Malheureusement, les lames prismatiques utilisées dans le transport (voir figureA.4) sélectionnaient une gamme spectrale étroite 8 − 10 µm. Nous avons donc été contraints de mesurer le rayonnement de transition à 8 − 10 µm, ce qui est une sévère restriction (nous nous sommes bien sûr rendu compte de cela après la réalisation de l’expérience). Néanmoins, les résultats de l’expérience sont très clairs [57] : la figure 3.3 montre que le niveau du signal infrarouge obtenu dépasse de cinq ordres de grandeur le niveau du signal incohérent attendu3. Le signal est partiellement cohérent et permet donc d’obtenir de l’information sur la distribution fzpar le biais du modèle présenté plus haut. 2 4 6 8 10 12 10−13 10−12 10−11 10−10 10−9 10−8 λ (µm) dW/d λ (J/µm) incoherent TR (model) measurement −1000 −50 0 50 100 0.5 1 t (fs) fz 2 4 6 8 10 10−14 10−12 10−10 10−8 λ (µm) dW/d λ (J/µm) Gaussian Lorentzian Gaussian Lorentzian a) b)

Fig. 3.3 – Gauche : comparaison entre le signal mesuré et le signal incohérent

estimé. Droite : deux formes du paquet d’électrons qui permettent de reproduire l’amplitude du rayonnement infrarouge mesuré.

Sur la partie gauche de la figure 3.3, on a considéré deux formes de paquets

d’électrons qui permettent de reproduire la mesure expérimentale (les profils tem-porels sont présentés en haut et la distribution spectrale est en bas). On constate que selon la forme choisie (gaussienne, lorentzienne...), il faut des durées de pa-quets entre 30 et 50 fs pour reproduire les mesures. En toute rigueur, il existe une infinité de formes qui peuvent reproduire des données et on manque d’informations expérimentales pour pouvoir en éliminer certaines. Finalement, la seule conclusion que l’on peut tirer de ces mesures, c’est qu’il existe des structures temporelles plus courtes que 50 fs dans le paquet d’électrons [57].

3Pour estimer l’amplitude du signal, la photodiode infrarouge a été calibrée de façon absolue et toutes les optiques ont été caractérisées au spectro-photomètre infrarouge. De plus, sur chaque tir, toutes les caractéristiques du faisceau d’électrons étaient mesurées. Cela permet donc de calculer exactement le spectre du rayonnement incohérent attendu.

3.3.1 Rayonnement de transition cohérent dans le visible

Pour des paquets d’électrons suffisamment courts (quelques femtosecondes), on s’attend à ce que le rayonnement de transition soit cohérent jusque dans le visible. Lors d’une nouvelle campagne expérimentale, nous avons donc mis en place un spectromètre visible ainsi qu’un diagnostic d’imagerie de la plaque d’aluminium (le montage est par ailleurs similaire à celui de la figure A.4). Sur la figure 3.4, on a représenté le niveau de l’émission dans le visible (0.4 − 1 µm) obtenu sur le diagnostic d’imagerie en fonction de L, distance de la source d’électrons à la plaque émettrice. Tout d’abord, le rayonnement est clairement cohérent : pour L = 1.5 mm, il dépasse de cinq ordres de grandeur le niveau du rayonnement incohérent. On constate également qu’à mesure que L augmente, le signal perd de la cohérence (lorsque L = 140 mm, le signal est presque incohérent). Cela est dû à deux facteurs : premièrement, le faisceau d’électrons étant divergent, sa taille transverse σr sur la plaque émettrice augmente lorsqu’on augmente L, c’est-à-dire lorsqu’on éloigne la plaque de la source. Cela se traduit par une diminution du facteur de forme Fr et en conséquence, par une baisse du signal cohérent. Deuxièmement, dans ces expériences, le faisceau n’est pas monoénergétique et le paquet d’électrons s’étale temporellement au cours de sa propagation, d’où une augmentation de la durée du

paquet qui se traduit par une forte baisse du facteur de forme Fz aux longueurs

d’onde visible. 000000000000000000000000000000 000000000000000000000000000000 000000000000000000000000000000 000000000000000000000000000000 111111111111111111111111111111 111111111111111111111111111111 111111111111111111111111111111 111111111111111111111111111111 10 10 10 10 10 10 −13 −11 −9 −7 −5 −3 Energy [J] 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Distance [mm]

Fig. 3.4 – Signal obtenu sur le diagnostic d’imagerie de la plaque métallique. Les

points expérimentaux représentent l’énergie du rayonnement de transition dans la gamme 0.4 − 1 µm en fonction de la distance entre la source et la plaque émettrice. Dans les cas où le signal est clairement cohérent (L = 1.5 − 30 mm), nous avons étudié son spectre pour tenter d’en déduire des informations sur la structure temporelle des paquets. Pour L = 30 mm, les spectres mesurés sont tracés sur la

3.3. Résultats du LOA 63 a) b) 400 500 600 700 800 0.0 1.0 2.0

Intensite normalisee [ua]

Longueur d onde [nm]

Fig. 3.5 – Spectres typiques du rayonnement de transition cohérent obtenu pour

L= 30 mm.

figure 3.5. On constate la présence de larges pics d’émission entre 550 et 700 nm.

On peut interpréter ces pics de plusieurs manières : (i) soit le faisceau d’électrons est extrêmement court (0.6 µm = 2 fs), (ii) soit l’enveloppe du faisceau est modulé à une longueur d’onde correspondant à 550 − 700 nm. C’est cette dernière

inter-prétation qui est la bonne comme les simulations l’ont montré [131]. À partir de

simulations PIC 3D couplées à un code permettant de calculer le rayonnement de transition, nous avons été capables de reproduire les spectres observés. Les sim-ulations montrent que le pic autour de 600 nm est dû à l’interaction entre les électrons et l’arrière de l’impulsion laser, ce qui se traduit par la modulation de l’enveloppe du paquet. La longueur d’onde de cette modulation est 600 nm (et non pas 800 nm comme on pourrait s’y attendre) car l’arrière de l’impulsion laser subit un décalage spectral vers le bleu dans son interaction avec les ondes plasma (voir

chapitre 1, figure 1.7). Dans le cas où L = 1.5 mm, nous avons parfois observé

des spectres d’allures différentes. La figure 3.6a) illustre ce cas précis : le spectre est toujours piqué autour de 600 nm mais il comprend également des franges d’in-terférence. Cette figure de battement dans le domaine spectral se traduit dans le domaine temporel par une structure en double paquet. À partir de l’interfrange, on peut remonter à la distance entre les deux paquets, soit 74 fs, proche de la période

plasma linéaire de 50 fs. La figure 3.6b) montre qu’en utilisant le modèle décrit

dans la section3.1.1, nous avons été capables de reproduire le spectre mesuré, avec ses interférences. Le profil temporel qui permet de reconstruire un tel spectre est représenté dans l’encart : on y voit deux paquets d’électrons, le premier a une durée de 10 fs FWHM et est modulé à 550 nm, le second apparaît 75 fs plus tard et ne mesure que 3 fs FWHM. Encore une fois, ce modèle ne permet pas d’obtenir une solution unique.

dW/d [au] λ λ b) a) 0 10 20