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CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.5 L’évaluation et contrôle de la qualité des glycoprotéines

2.5.3 La résonance plasmonique de surface

La résonance plasmonique de surface (SPR) est une technique qui permet de mesurer en temps réel l’interaction entre un analyte et son ligand.

Cette technologie se base sur un phénomène physique qui se produit lorsqu’une lumière polarisée est envoyée sur un milieu diélectrique délimité par une fine couche métallique (voir Figure 2.7). À un certain angle d’incidence du rayon lumineux, la lumière transfère une partie de son énergie aux électrons du métal ce qui se traduit par une diminution de l’intensité lumineuse réfléchie (De Crescenzo, Boucher, Durocher, & Jolicoeur, 2008; Englebienne, Hoonacker, & Verhas, 2003). Cet angle appelé angle de réfraction dépend des indices de réfraction des milieux de part et d’autre de la fine couche métallique. L’accumulation de matière à la surface du métal influence donc directement cet angle de réfraction et sa mesure permet de suivre en temps réel la dynamique de l’interaction entre un ligand immobilisé à la surface et un analyte injecté transitoirement sur la surface.

Parmi les différentes techniques d’immobilisation du ligand sur la surface SPR, le couplage par les liaisons amines est la plus simple et la plus rapide (Johnsson, Löfås, & Lindquist, 1991). Dans cette technique, les groupements carboxyles greffés sur la fine surface d’or sont activés par réaction avec le N-hydroxysuccinimide (NHS) et l’hydrochlorure de 1-Ethyl-3-carbodiimide (EDC) avant l’injection du ligand pour permettre la réaction avec les amines présentes sur la chaine polypeptidique. Cette méthode d’immobilisation ne permet pas de contrôler l’orientation du ligand sur la surface mais elle permet néanmoins d’avoir une immobilisation rapide avec un nombre généralement suffisant de ligands orientés correctement pour interagir avec l’analyte. Le résultat d’une expérience SPR se présente sous la forme d’un sensorgramme, c’est-à-dire un graphique représentant la variation de l’angle de réfraction, exprimé en unité de résonance (RU) (1000 RU ≈ variation de 0.1º) en fonction du temps. L’injection de l’analyte donne donc lieu à une augmentation du signal qui correspond à l’accumulation de masse sur la surface suite à l’interaction de l’analyte avec le ligand. Après l’injection de l’analyte, seul le tampon circule dans la cellule d’écoulement, ce qui permet d’observer une phase de dissociation (voir Figure 2.7 B). La dynamique d’association et de dissociation est directement dépendante de l’affinité entre le ligand et l’analyte. La surface peut par la suite être regénérée, c’est-à-dire débarrassée des protéines qui y sont liées de manière non covalente, grâce à l’injection d’une solution de régénération,

généralement un acide très peu concentré. Les expériences peuvent ainsi continuer tant que la capacité de la surface à lier le ligand est maintenue.

Figure 2.7: La résonance plasmonique de surface. Représentation schématique d'une cellule d'écoulement (A). Sensorgramme représentant l’interaction entre un analyte et son ligand (phase d’association), suivi de sa dissociation et de la régénération de la surface (B).

L’avantage de cette technique réside dans sa précision, dans la faible quantité de matériel nécessaire (protéines en concentration de l’ordre du nM) et surtout dans l’absence d’étapes d’étiquetage ou de modification chimique de l’échantillon. Elle nécessite donc très peu de prétraitements des échantillons à analyser ce qui la rend plus adaptée pour une utilisation rapide et routinière. La SPR est devenue un outil incontournable pour l’étude des interactions entre molécules. Elle est aujourd’hui utilisée dans plusieurs domaines tels que les études cliniques (ex :

le ciblage de molécules thérapeutiques), la sécurité alimentaire ou encore l’environnement (Shankaran, Gobi, & Miura, 2007). Cette technique a par exemple permis d’étudier l’influence de la qualité des anticorps sur leur interaction avec leurs récepteurs (Dakshinamurthy et al., 2017; Dorion-Thibaudeau et al., 2014). Dans une autre étude, Chavanne et ses collaborateurs (2008) ont connecté un bioréacteur à un biosenseur SPR pour le suivi, en temps quasi-réel, de la bioactivité d’un anticorps monoclonal se liant à l'antigène prostatique spécifique membranaire (PSMA). Le surnageant de culture issu du bioréacteur fut filtré par filtration tangentielle avant d’être analysé par un biosenseur Biacore 3000. Cette stratégie a permis le suivi de l’évolution de la bioactivité de l’anticorps au cours de culture par l’analyse de son interaction avec PSMA (Chavane, Jacquemart, Hoemann, Jolicoeur, & De Crescenzo, 2008). Cependant, cette méthode d’évaluation de la qualité devrait être considérée avec quelques réserves. En effet, la bioactivité mesurée par SPR en étudiant l’interaction entre une protéine et son récepteur pourrait s’avérer très différente de celle observée in-vivo. De plus, cette approche ne permet pas de détecter la présence éventuelle d’isoformes potentiellement immunogènes de la protéine. Pour ces raisons, il peut-être plus intéressant d’évaluer des caractéristiques structurelles de la protéine comme par exemple le profil de glycosylation pour évaluer la qualité de la protéine thérapeutique recombinante.

2.5.3.1 La résonance plasmonique de surface associée aux lectines.

L’association des lectines avec la résonance plasmonique de surface fournit un outil permettant de sonder les glycoprotéines dans le but de déterminer leur glycosylation. Par exemple, en utilisant un panel de 6 lectines différentes, Safina et ses collaborateurs (2011) ont démontré qu’il est possible de faire la distinction entre deux mêmes protéines présentant un profil de glycosylation différent mais très proche (ex :la fetuin et l’asialofetuin). Dans cette étude, les glycoprotéines ont été injectées sur la surface SPR contenant des lectines préalablement immobilisées (Safina, Duran, Alasel, & Danielsson, 2011). Dans une étude similaire mais dans laquelle c’est la glycoprotéine qui fut immobilisée, il fut également possible de différencier une même protéine présentant des profils de glycosylation qui diffèrent seulement d’un glycan (Okazaki, Hasegawa, Shinohara, Kamasaki, & Bhikhabhai, 1995). Cependant, il est important de noter que la dynamique d’interaction peut être très différente en fonction du choix du partenaire immobilisé, ce qui peut mener à des inconsistances dans les cinétiques mesurées. De plus, comme la plupart des lectines peuvent avoir plus d’un site de liaison aux glycans, l’affinité apparente observable lors d’une

analyse SPR peut être le résultat d’une interaction réalisée au travers de plusieurs liaisons. C’est le phénomène d’avidité. Celui-ci peut, par exemple, faire varier les constantes cinétiques de l’interaction lectin-glycan (Ka) d’un facteur 10,000 en réduisant significativement la constante de dissociation kdiss (Shinohara, Hasegawa, Kaku, & Shibuya, 1997). En outre, la présence du glycan cible en grand nombre augmente également de manière importante l’affinité de la lectine pour la structure glycane (Lundquist & Toone, 2002). C’est l’effet « cluster ». Enfin, pour le choix du partenaire d’immobilisation, les systèmes avec la lectine immobilisée sur la surface SPR sont généralement les plus reproductibles et fournissent les meilleurs résultats lors des mesures de l’affinité (Hirabayashi, 2014).

Figure 2.8: Détection de la glycosylation des protéines par résonance plasmonique de surface en exploitant l'affinité des lectines. Configuration dans laquelle les glycoprotéines sont immobilisées (A) et configuration dans laquelle les lectines sont immobilisées (B).

La SPR associée aux lectines peut également servir à analyser la qualité d’une glycoprotéine présente dans un mélange de protéines et de molécules diverses; comme c’est par exemple le cas dans un surnageant de culture. Il s’agit d’une caractéristique très intéressante puisque la plupart des techniques actuelles requièrent de passer par des étapes de purification et/ou de modification chimique de la protéine. Cependant, cette analyse à partir d’un mélange complexe de protéines nécessite deux étapes : une étape de capture de la glycoprotéine d’intérêt à partir du mélange et ensuite l’analyse de la glycosylation à l’aide de lectines. La première étape, qui représente une sorte de purification in situ, doit permettre de retenir la glycoprotéine avec une relativement bonne intensité pour limiter la dissociation. Cela peut être réalisé à l’aide d’un anticorps spécifique à la glycoprotéine d’intérêt. Cette stratégie a été utilisée pour étudier le profil de glycosylation d’une protéine présente dans le plasma sanguin afin de détecter des marqueurs du cancer de la prostate (Kazuno et al., 2011). La glycoprotéine d’intérêt, l’haptoglobine, a été capturée à partir du serum

à l’aide d’un anticorps anti-haptoglobine puis sondée à l’aide de lectines, ce qui a permis de corréler le niveau de sialylation à la pathologie. L’absence d’étape de purification, de modification chimique ou encore d’étiquetage de l’échantillon rend cette méthode très prometteuse pour le développement d’une technique de suivi de la glycosylation en cours de culture. À cette fin, une investigation sur l’utilisation de la SPR associée aux lectines pour l’analyse de la glycosylation d’une protéine recombinante à partir du surnageant a été réalisé (voir l’annexe A).

CHAPITRE 3

PRÉSENTATION DU TRAVAIL ET DÉMARCHE DU