• Aucun résultat trouvé

B- Les Fluoroquinolones

IV- 1. Résistances chromosomiques

IV-1.1. Modification de la cible enzymatique (Figure 13a)

À la suite d’une exposition aux FQ, il a été observé que les bactéries généraient des mutations sur gyrA et gyrB (ou parC et parE), mutations qui se traduisent par des modifications (Insertions/ Délétions/Substitutions) au niveau des acides aminés. Chez les bactéries à Gram négatif, la gyrase est plus susceptible d'être inhibée par les FQ que la topoisomérase IV, alors que chez les bactéries à Gram positif, la topoisomérase IV est habituellement la cible principale. Chez les bactéries à Gram négatif, ces mutations sont essentiellement retrouvées au niveau de régions spécifiques des ADN gyrases appelées « Quinolone Resistance Determining Region » QRDR-A (pour GyrA) et QRDR-B (pour GyrB) (140).

55

Figure 13. Mécanismes de résistance aux FQ (d’après Correia et al. 2017)

Les QRDR-A et -B sont localisées dans la QBP et il est évident que des mutations dans cette région peuvent altérer la structure de la protéine et altérer l’affinité de l’antibiotique à sa cible. Ainsi, le domaine QRDR-A décrit chez E. coli se situe entre les acides aminés 67 et 106 avec des « hot spots » de mutations au niveau des acides aminés en position 83 et 87 (144). Cette région est proche de la tyrosine 122 impliquée dans la liaison covalente de l’enzyme au groupement phosphate de l’ADN. Chez E. coli, le fort taux de mutations observé sur la sérine en position 83 peut s’expliquer par le fait que cette mutation n’affecte que légèrement l’activité catalytique de l’enzyme alors que les mutations présentes au niveau des résidus acides entrainent une diminution de l’activité enzymatique de 5 à 10 fois (140,143). Lorsqu’une première mutation au niveau de gyrA réduit la sensibilité d’une bactérie à Gram négatif aux FQ, des mutations additionnelles sur gyrA ou encore sur gyrB ou parC augmentent le niveau de résistance de la souche.

A ce jour, aucune bactérie du genre Francisella résistante aux FQ n’a été isolée à partir de patient infecté. Les seules souches résistantes ont été générées in vitro après exposition des bactéries aux FQ. In vitro, la mutation c248t (substitution T83I) a été identifiée dans le QRDR-A d'une souche de F. tularensis subsp holarctica ayant acquis une résistance aux quinolones (isolat URFtCIPR) (145). Cette même mutation, accompagnée de la substitution g259t (D87Y) a également été observée chez une souche SCHU S4 de F. tularensis résistante aux FQ et obtenue après exposition à des concentrations croissantes de ciprofloxacine (121). Plus

56

récemment, une étude d’évolution expérimentale menée au laboratoire sur les différentes souches de Francisella a généré un grand nombre de mutants résistants avec des mutations sur les gyrases, dans le QRDR mais aussi en dehors de cette région (119). La même approche a été réalisée avec la souche LVS avec des résultats comparables (120). Nous reviendrons sur

les conséquences fonctionnelles des mutations identifiées notamment au niveau de gyrA et

gyrB dans la suite de ce manuscrit.

IV-1.2. Diminution de la concentration intracellulaire

Une diminution de la concentration intracellulaire en FQ peut être la conséquence d’une réduction du nombre de porines ou de l’altération de l’activité de diverses pompes à efflux.

Perméabilité réduite (Figure 13b)

Pour atteindre leurs cibles, les quinolones doivent traverser la paroi cellulaire et la membrane cytoplasmique des bactéries à Gram positif. Dans le cas des bactéries à Gram négatif, les quinolones doivent traverser une membrane externe supplémentaire. La plupart des FQ traverse de manière passive la membrane externe des bactéries à Gram négatif via les porines OmpD, OmpF et OmpC (chez E. coli).

Par conséquent, les mutations qui entraînent une diminution ou une perte de l’expression des porines (OmpF, OmpC, OmpD et OmpA) ou une modification de la taille ou de la conductance du canal porine entraîneront une diffusion limitée et sensiblement plus lente des quinolones dans la cellule à l’origine d’une résistance aux antibiotiques généralement de bas niveau. De plus, la surexpression d'OmpX, qui a été décrite comme un régulateur négatif de l'expression des porines, entraîne une diminution de l'expression des porines OmpC, OmpD, OmpF, LamB et Tsx, entraînant une résistance accrue à une variété d'antibiotiques, dont les quinolones (Figure 13, b1) (146).

Enfin, un autre aspect qui peut être associé à la réduction de la perméabilité de la membrane est l'altération de l'organisation de la membrane externe (Figure 13, b2). Il a en effet été montré que des modifications de la structure du LPS avaient un impact sur la résistance aux antibiotiques.

57 Pompes à efflux (Figure 13c)

Les bactéries à Gram négatif et positif disposent de systèmes actifs d’efflux non spécifiques. L’augmentation de l’activité de ces pompes entraîne une diminution de la concentration intra-cellulaire en antibiotiques qui peut être à l’origine d’une augmentation de la résistance aux FQ.

Concernant les bactéries à Gram négatif, la majorité des pompes à efflux impliquées dans la résistance aux FQ appartiennent à la famille RND, « resistance-nodulation-division ». Il s’agit de complexes protéiques tripartites composés d’un transporteur protéique de la membrane interne, d’un canal protéique de la membrane externe et d’une protéine de fusion situé au niveau de l’espace périplasmique reliant les protéines des membranes externe et interne (147). Du fait de leur structure, ces pompes peuvent directement excréter les molécules telles que les FQ dans le milieu extérieur. Chez E. coli, il s’agit de la pompe AcrAB-TolC, des mutations

survenant dans le gène acrR (répresseur de acrAB) augmentent l’activité de la pompe à

l’origine de la résistance aux FQ (148). D’autres pompes à efflux de type RND impliquées dans la résistance aux FQ ont été identifiées chez de nombreuses espèces bactériennes. Les pompes de type MFS, « major facilitor superfamily » et MATE, « multidrug and toxic compound extrusion » capables d’extruder les FQ, ont également été identifiées chez des bactéries à Gram négatif et peuvent être impliquées dans la résistance aux FQ.

Documents relatifs