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Les mouvements étudiants latino-américains ont sans doute cherché à être des acteurs actifs sur la scène politique et sociale de leurs nations. De la réforme de Córdoba en 1918, en passant par les différents congrès latino-américains des étudiants, nous avons pu constater, chez les militants étudiants, un niveau de politisation élevé allant même jusqu’à un certain radicalisme politique et idéologique caractérisé par un désir de transformer structurellement leurs sociétés. Chaque étape analysée nous permet d’observer une relation dialectique entre les contextes nationaux et internationaux et la nature politique et idéologique de la rhétorique étudiante. C’est-à-dire que les militants étudiants sont influencés par les contextes dans lesquels ils évoluent, mais ils affichent aussi une volonté d’être à l’avant-garde des luttes sociopolitiques cherchant, par leur prise de parole et leurs actions, à transformer leurs réalités nationales, régionales et internationales. Certes, il ne s’agit pas de l’ensemble des étudiants ni de l’ensemble des organisations étudiantes. Par contre, il y a au sein des gauches étudiantes une détermination politique et idéologique d’être des acteurs actifs dans les processus organisationnels des étudiants universitaires latino-américains. Dans la première moitié du XXe siècle, ce militantisme de gauche, bien que minoritaire, gagnait du terrain comme

on a pu l’observer dans les chapitres précédents. En 1966 lors du congrès de La Havane, ces gauches étudiantes parviennent à se constituer en une large coalition de plus de 22 organisations étudiantes.

L’espace de convergence des gauches latino-américaines que représente l’OCLAE devient possible grâce au contexte de la Guerre froide. L’interventionnisme étatsunien

dans la région et ses répercussions sociales, politiques et économiques provoquent un élargissement des secteurs qui se réclament de l’antiimpérialisme. Ce positionnement devenait ainsi un sentiment répandu et partagé par divers secteurs sociaux et politiques. Comme, on peut le lire dans la revue de l’OCLAE « à l’époque de Córdoba [1918], le sentiment et la décision antiimpérialistes étaient des attitudes de groupes politiquement éclairés; à notre époque [1967], la lutte antiimpérialiste est une pensée dominante et énergique qui s’est emparée des masses étudiantes1 ». En effet, l'être latino-américain

devient une accumulation d'expériences historiques douloureuses et traumatisantes, mais aussi une expérience de résistances, de transgressions et de resymbolisations permettant l'élaboration de réseaux transnationaux comme l'OCLAE. Ce type de mouvement a permis une déterritorialisation du national en se servant d'espaces multinationaux pour exercer son opposition et véhiculer un projet latino-américain d'unité.

L’OCLAE, par le biais d’événements comme les Congrès latino-américains des étudiants (CLAE) et par l’intermédiaire d’espaces de diffusion comme sa revue créée en janvier 1967, s’est donnée comme mandat d’être un espace de convergence de la contestation politique et sociale en plus d’un lieu de dénonciation des politiques jugées injustes et répressives à l’égard des étudiants et des sociétés latino-américaines. L’objectif de ce chapitre est donc de mettre en évidence le rôle joué par l’OCLAE comme « espace public » dans le sens habermassien 2 du terme. C’est-à-dire, un espace politique à partir

1 [Traduction libre] «Una nueva etapa en el movimiento estudiantil latinoamericano» [Une nouvelle étape

dans le mouvement étudiant latino-américain], Revista mensual de la Organización Continental

Latinoamericana de Estudiantes, année 1, no1 (janvier 1967), p. 45-48.

2 Ce qui nous intéresse ici est de voir l'«espace public» comme ayant une fonction politique qui, pour

Habermas, apparaît d'abord en Angleterre au tournant du XVIIe siècle, avec des secteurs sociaux qui

cherchent à orienter ou avoir une influence sur le pouvoir. Pour ce faire, ces secteurs sociaux font appel « à un public qui fait usage de sa raison, afin de légitimer devant ce nouveau forum certaines de leurs exigences ». Assurément, les mouvements étudiants latino-américains trouvent dans les campus

duquel les étudiants organisés cherchent à avoir une influence sur les pouvoirs politiques, mais aussi à orienter leur public cible, les étudiants, dans le but de prendre la parole et mener des actions contre l’ordre établi. Par conséquent, ce chapitre se concentre sur l’analyse de la revue de l’organisation apparue en janvier 1967 et de différents documents émanant des CLAE tenus après la fondation de l’OCLAE.

Dès la première année, la revue de l’OCLAE se positionne en tant qu’espace public à partir duquel les militants étudiants participent à la construction d’un discours contre- hégémonique. On peut lire : « La revue de l'OCLAE s'est donné la grande mission de lier les étudiants progressistes de notre Amérique, de confronter les mensonges traditionnels3 ». Il s’agit, comme le disait Michel de Certeau à propos des mouvements

étudiants de mai 1968 en France, d’une prise de parole cherchant à transgresser et à ébranler le pouvoir établi. Plus encore, les mouvements étudiants, à travers cette prise de parole, veulent transformer l’ordre établi4. C’est une quête de pouvoir pour les militants

étudiants, puisque comme nous l’avons vu au cours du chapitre précédent, la réforme de l’éducation passe nécessairement par la révolution. Cette volonté révolutionnaire est explicitement définie dès le premier numéro du périodique de l’OCLAE. La revue

universitaires ce public : les étudiants. À partir de cet espace universitaire, ils tissent divers moyens de communication pour véhiculer leur programme politique, idéologique, voire culturel. Ils y trouvent une voie pour transmettre leur « publicité » et participer à la construction d'une opinion publique favorable et légitimant leurs revendications. Voir Jurgen Habermas, L'espace public, Paris, Payot, 1992 (1962), p. 67.

3 [Traduction libre] Secretariado permanente de la OCLAE, «Nuestro primer saludo» [Notre première

salutation], Revista mensual de la Organización Continental Latinoamericana de Estudiantes, année 1, no 1

(janvier 1967), p.1.

4 « Toute nouveauté commence par être une transgression signalisée par quelques vocables surprenants à la

surface d’une société établie. Une répression lui répond aussitôt. […] Mais […] la parole déjà autre […] peut devenir l’indice de deux exigences complémentaires, en réalité indissociables : celle de la représentation, celle du pouvoir. Dans la mesure où des hommes entendent courir, sous cette double forme, le risque d’exister, dans la mesure où ils s’aperçoivent que, pour avoir la parole, il faut s’en assurer le pouvoir, ils donneront à leur identité la figure historique d’une nouvelle unité culturelle et politique. Sinon, ils seront nécessairement “repris” ou exilés, réintégrés dans le système ou voués à n’être que des fugitifs, prisonniers d’une répression ou aliénés dans une régression ». Michel de Certeau, La prise de parole et

cherche : « à porter et à mener un message tant d'inquiétude que d'encouragement révolutionnaire jusqu'au dernier recoin de nos terres héroïques5 ».

La Guerre froide crée un climat d’instabilité en Amérique latine. Cette instabilité se manifeste dans l’instauration de dictatures militaires qui, suite à la révolution cubaine, prennent la forme de coups d’État « préventifs » avec comme objectif avoué d’empêcher l’instauration de nouveaux gouvernements révolutionnaires, voire socialistes, issus de la guerre de guérilla. D’ailleurs la lettre écrite par Che Guevara à la Tricontinentale de 1966 exprimait bien ce contexte : « Le slogan : “Nous ne permettrons pas un autre Cuba”, dissimule la possibilité de commettre impunément des agressions […] les troupes yankees sont disposées à intervenir n’importe où en Amérique où l’ordre établi est troublé, mettant en péril les intérêts américains6 ».

La Guerre froide en Amérique latine est truffée de luttes révolutionnaires et de gouvernements répressifs qui se servent de la « guerre sale » comme méthode de contrôle social et politique afin de maintenir le pouvoir. Dans cette situation, les espaces publics nationaux de contestation se trouvent alors fermés ou largement contrôlés. Face à cette conjoncture antidémocratique où les canaux traditionnels d'opposition politique tels les partis politiques ou les mouvements syndicaux et sociaux sont clos, rendus illégaux, le rôle de l’OCLAE devient celui d’un espace transnational à partir duquel les mouvements étudiants latino-américains vont dénoncer les despotismes étatiques.

5 [Traduction libre] Secretariado OCLAE, «Nuestro primer saludo», Revista OCLAE, p.1.

6 [Traduction libre] Ernesto Che Guevara, «Crear dos, tres… muchos VietNam, es la consigna» [Créer deux,

trois... de nombreux Vietnam, voilà le mot d’ordre], dans Ulises Estrada et Luis Suárez, éd., Rebelión

tricontinental: las voces de los condenados de la tierra de Áfrixa, Asia y América Latina» Tricontinental et

L’OCLAE et la contestation de la doctrine de la « sécurité nationale ».

La revue, déjà à partir de son tout premier numéro en janvier 1967, se positionne comme un espace par excellence pour la dénonciation de la répression en Amérique latine. On dénonce d’abord la violence qui résulte de la prise de pouvoir des militaires en Amérique du Sud en réaction aux turbulences sociales causées par les conséquences de la Révolution cubaine. Dans un article intitulé « Brésil : des étudiants en lutte contre la tyrannie 7», on dénonce la dictature du général Castelo Branco qui a pris le pouvoir en

1964 suite à un coup d’État contre le gouvernement démocratique de Joao Goulart. Les militaires se succéderont au pouvoir jusqu’en 1985 au Brésil. Le coup d’État brésilien de 1964 est le premier coup d’État préventif suite au triomphe de la révolution cubaine. Il survient dans un contexte où le gouvernement démocratique de João Goulart, ancien ministre du Travail sous le président populiste Getúlio Vargas, avait pris un virage à gauche en manifestant vouloir mener à terme une réforme agraire (réforme agraire qui était pourtant dans les plans de l’Alliance pour le progrès). Selon Jose del Pozo, il était loin de constituer un véritable danger politique et idéologique pour les classes dominantes brésiliennes ou pour les États-Unis. Il écrit :

Goulart n’était pas un leader de gauche, et à aucun moment il ne montra des tendances favorables à la création d’un mouvement de masses en sa faveur. Il n’existait pas dans le pays de groupes armés susceptibles de constituer une menace sérieuse, comme les guérillas en Amérique centrale. On peut voir le coup de 1964 plutôt comme une action préventive, destinée à empêcher un éventuel mouvement révolutionnaire8.

7 [Traduction libre] «Brasil: estudiantes en lucha contra la tiranía» [Brésil: les étudiants en lutte contre la

tyrannie], Revista mensual de la Organización Continental Latinoamericana de Estudiantes, année 1, no 1

(janvier 1967), p. 19-21.

8 José del Pozo, Histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes de l’indépendance à nos jours, Québec,

Marcos Roitman Rosenmann, pour sa part, parle du gouvernement dictatorial de Castelo Branco en disant que cette dictature : « Introduit le principe d’“objectifs nationaux”, espace de pouvoir où prend forme la doctrine de la sécurité nationale qui vise à combattre la menace extérieure et l’ennemi intérieur, dont l’URSS, le communisme et la subversion. Dans cette dictature, pour la première fois, se pratique la torture systématique9 ».

Un climat répressif règne sur le Brésil où l’on s’attaque aux secteurs sociaux, dont le mouvement étudiant. L’Union des étudiants du Brésil (UNEB) fait partie intégrante des forces de contestation et de dénonciation de la dictature, ce qui en fait une des cibles du despotisme militaire. Dans son article de janvier 1967, la revue de l’OCLAE fait état de la résistance face à la dictature menée par l’UNEB. On y dénonce également la répression dont est victime la militance étudiante brésilienne. On peut lire, « En septembre [1966] […] les universitaires brésiliens sortaient dans les rues […] pour répudier le régime militaire qui gouverne le pays et pour revendiquer la réouverture des centres académiques et que cesse la persécution policière10 ». De plus, on apprend dans l’article que des

mesures spécifiques contre l’UNEB ont été prises par le régime en place. Le gouvernement a déclaré illégale l’organisation étudiante forçant ainsi à l’exil ou à la clandestinité les leaders et militants étudiants11. Les conséquences de cette mesure

9 [Traduction libre] Marcos Roitman Rosenmann, Tiempos de obscuridad: historia de los golpes de Estado

en América Latina [Temps d’obscurité: histoire des coups d’État en Amérique latine], Madrid, Ediciones

Akal, 2013, p. 137.

10 [Traduction libre] « Brasil : estudiantes en lucha », Revista OCLAE, p. 19-21.

11 « Du mois de mars 1964 à septembre 1966, au bout de deux ans et demi de dictature, les étudiants

résistaient aux excès du régime […] Le régime rendait illégal l’UNEB ainsi que d’autres organisations étudiantes […] et obligeait les leaders universitaires à abandonner le pays ou à passer à la clandestinité ». [Traduction libre] Ibid.

attestent de l’importance sur le plan social et politique du militantisme étudiant dans la mobilisation populaire contre le régime militaire.

Les étudiants continuent malgré tout à s’organiser aux côtés d’autres secteurs sociaux comme les mouvements syndicaux, ce qui dénote de la détermination des étudiants de maintenir active leur organisation nationale. Certes, le mouvement étudiant brésilien doit agir dans la clandestinité et c’est avec l’appui d’un secteur de l’Église catholique que « le 28 juin [1966] dans un couvent franciscain de Belo Horizonte, plus de 300 universitaires contournant une féroce vigilance policière, ont réalisé clandestinement le vingt-huitième congrès étudiant, caractérisé par le rejet de la dictature et la disposition à lutter contre celle-ci12 ». C’est donc par le biais des institutions religieuses que le

mouvement étudiant réussit à transgresser les limites imposées par la dictature. N’oublions pas que l’Église brésilienne était considérée comme très progressiste au sein de l’Église catholique universelle. On n’a qu’à penser à la figure de Dom Hélder Pessoa Câmara, archevêque hautement engagé dans la lutte pour la défense des droits de la personne durant la dictature militaire brésilienne (1964-1985) et une des figures nationales importantes de la théologie de la libération13.

Les actions anti-régime des militants étudiants et des autres secteurs sociaux atteignent un niveau important de mobilisation et d’agitation sociopolitique dans la

12 [Traduction libre] Ibid.

13 Durant la Guerre froide, même l’Église catholique vit des tensions polarisantes. Le concile Vatican II et

les conférences épiscopales de Medellín (1968) et Puebla (1979) réflètent l’expérience catholique de ces processus de radicalisation de la société typique à la dynamique de la Guerre froide. La théologie de la libération est un bon exemple d’un phénomène politico-social et culturel particulier à l’Amérique latine où la lecture des problèmes sociaux latino-américains s’élabore à partir d’une perspective marxiste juxtaposée à la doctrine sociale de l’Église catholique de « l’option préférentielle pour les pauvres ». Ce courant catholique n’est pas monolithique. Il va de la résistance pacifique jusqu’à l’appui et à la participation à la lutte armée. Les prêtres vivent des processus de conversion aux courants idéologiques du moment sans abandonner la foi en l’évangile.

deuxième moitié de 1966. Cela se traduit par une persécution politique accrue. C’est ainsi que « la situation devient explosive en septembre [1966] alors que la police a détenu, à Sao Paulo, 176 étudiants qui tenaient un congrès de l’Union des Étudiants de Sao Paulo14 ». En dépit de la persécution politique, les mobilisations se multiplient dans les

principales villes du Brésil. Un article publié en janvier 1967 dans la revue mensuelle de l’Organización Continental Latinoamericana de Estudiantes (OCLAE), nous permet de saisir un élément important, soit la solidarité étudiante latino-américaine durant une période de grande instabilité politique. Lors de la manifestation dénonçant l’arrestation de 176 étudiants « les universitaires de Sao Paulo descendent dans la rue au cours d’une importante manifestation durant laquelle se tient une minute de silence en hommage à l’étudiant Santiago Pompillón assassiné par la police de Córdoba [Argentine] le 7 septembre [1966]15 ». Ce fait confirme comment l’expérience commune des dictatures

pendant la Guerre froide contribue à tisser un réseau de solidarité entre les militants étudiants de l’Amérique latine; les associations étudiantes étaient confrontées à des situations nationales semblables.

Indubitablement, l’Amérique latine se trouve immergée dans des luttes révolutionnaires et contrerévolutionnaires. Nous l’avons déjà mentionné lors de l’introduction, les États-Unis avaient édifié la dénommée École des Amériques pour participer à l’entrainement des militaires latino-américains16. Cependant, il faut

14 [Traduction libre] «Brasil estudiantes en lucha», Revista OCLAE p. 19-21. 15 [Traduction libre] Ibid.

16 « Établi en 1946 dans la zone américaine du canal de Panama, le centre de formation militaire le plus

important d’Amérique latine a permis aux États-Unis d’entraîner et de former idéologiquement plus de 60 000 militaires. Depuis 1984, et en vertu des accords Carter-Torrijos, l’École des Amériques a été transférée à Fort Benning (Géorgie). Parmi ses élèves, quelques noms tristement célèbres : les généraux putschistes argentins Viola, Videla et Galtieri, les dictateurs Pinochet (Chili), Somoza (Nicaragua), Manuel Noriega (Panama), Stroessner (Paraguay), Hugo Banzer (Bolivie), Juan Melgar Castro et Policarpio Paz

comprendre que l’introduction du postulat de l’ennemi interne, le communisme, avait conféré aux militaires un rôle messianique de défense de la démocratie et de l’ordre social. Utilisant l’exemple péruvien, Gerardo Rénique explique le rôle des États-Unis dans la formation des militaires latino-américains :

Between 1950 and 1966 almost four thousand Peruvian military personal were trained either in the United States or in the Panama Canal Zone—slightly fewer than the number of Brazilian trainees during the same period. Between 1949 and 1969 more than eight hundred officers received additional specialized training in the infamous School of the Americas. Overall up to 20 percent of each graduating class from the Escuela Militar was estimated to have received training in the United States17.

Dans un tel contexte, les étudiants engagés politiquement et les institutions universitaires deviennent la cible du despotisme militaire. C’est le cas de l’assassinat de l’activiste étudiant argentin Santiago Pompillón à Córdoba. Celui-ci survient quelques mois après le coup d’État fait par le général argentin Juan Carlos Oganía contre le gouvernement démocratique d’Arturo Umberto Illia. Ce renversement « répond à une sorte de coup d’État dans lequel les forces armées se considèrent fondatrices d’un ordre social. Elles n’agissent pas pour restaurer ou replacer les vieillies oligarchies et les bourgeoisies modernisatrices18 ». C’est-à-dire que les militaires et leurs institutions ne sont pas

désormais un instrument de contrôle social et politique d’une classe sociale dominante,

Garcia (Honduras), Carlos Humberto Romero (Salvador)… Produit de la Guerre froide, instrument de la Doctrine de sécurité nationale, l’École a toujours eu pour but clairement affiché de permettre la résistance des armées latino-américaines face au « communisme » et aux poussées révolutionnaires du continent. L’action anti-insurrectionnelle y passe par l’endoctrinement idéologique, les liens personnels, l’apprentissage de l’American way of life. La déclassification par l’administration Clinton de nombreux documents a permis de découvrir les méthodes préconisées dans ses manuels d’enseignement: torture, exécutions, chantage, détention des proches des suspects comme méthodes d’interrogatoire, emploi de méthodes clandestines comme la “disparition“; autant de violations de droits humains qui ont affecté le continent ». Voir [s.d.] « L’École des Amériques », dans Monde diplomatique, cahier spécial sur

l’Amérique latine, sur le site du Monde diplomatique, consulté en janvier 2016, https://www.monde- diplomatique.fr/cahier/ameriquelatine/ecoleus

17 Gerardo Rénique, « “People’s War,” “Dirty War” Cold War Legacy and the End of History in Postwar

Peru », Greg Grandin et Gilbert M. Joseph, ed., A Century of Revolution: Insurgent and Counterinsurgent

Violence During Latin America’s Long Cold War, Durham, Duke University Press, 2010, p. 325.

mais ils s’érigent comme une force politique, autonome et qui arrive même parfois à se concevoir comme les seuls capables de gouverner et diriger la destinée de la nation.

En avril 1967, l’OCLAE publie un article faisant état de la situation en Argentine. Dans cet article, l’organisation dénonce la persécution politique des étudiants et des professeurs universitaires. En effet, la dictature s’attaque aux universités par le biais de la loi 16912 ayant comme objectif de contrôler les universités et éviter toute activité politique à l’intérieur des institutions d’éducation supérieure. Comme l’expliquent les historiennes Romina de Luca et Natalia Alvarez Prieto :

En ce qui concerne l’université, le problème qui était identifié comme le principal [par la dictature] fut la politisation et, pour la combattre, une des premières mesures ayant été adoptées fut l’intervention des hautes maisons d'études. En ce sens, le 1er août 1966 fut sanctionnée la loi numéro 16912. Cette loi établissait “le gouvernement provisoire des universités nationales ”. Dans cette loi, on peut souligner deux points.

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