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4. Resistance bactérienne

4.5. Mécanisme de résistance aux antibiotiques

4.5.2. Résistance aux quinolones

4.5.2.1. Généralité sur les quinolones

Les quinolones forment une large classe d'antibactériens de synthèse, bactéricides et très utilisés en thérapeutique (Cattoir, 2012). La première molécule de ce groupe fut l'acide nalidixique et fut introduite pour un usage clinique dans les année 1960 (Ball, 2000). Cependant, les premières quinolones développées ont eu une application clinique limitée (infections urinaires) due à leur faible absorption lors d’une administration orale, à une activité antibactérienne modérée, à une liaison aux protéines importantes et à une toxicité importante (Bryskier, 2005). L’addition d’une molécule de fluor en position 6 et la substitution pipérazine en position 7 a augmenté l’activité de ces composés (Ball, 2000). Ces molécules sont alors designées fluoroquinolones car elles portent un groupement fluor sur le noyau quinolone. Elles présentent un spectre d’activité élargi et sont devenues très utilisées en médecine humaine et vétérinaire au fur et à mesure de l’émergence de la résistance aux antibiotiques. Par conséquent, les fluoroquinolones sont indiquées par voie orale ou parentérale dans le traitement de nombreuses infections (Van Bambeke et al., 2005).

Les quinolones sont classées en quatre générations sur la base de leur activité et leur spectre d’action. En médecine vétérinaire, seules les 3 premières générations de quinolones sont utilisées, les fluoroquinolones de 4ème génération étant réservées à la médecine humaine (Kesteman, 2009).

55 ✓ Les quinolones de première génération comme l’acide nalidixique ou l’acide oxolinique

étaient réservées aux infections urinaires du fait de leurs faibles concentration sériques. ✓ Les quinolones de deuxième génération (fluoroquinolones) comme la ciprofloxacine, la

norfloxacine ou l’ofloxacine utilisés en médecine humaine et la fluméquine utilisés en médecine vétérinaire ont une activité plus importante sur les bactéries à Gram négatif ainsi que contre certains pathogènes atypiques.

✓ Les fluoroquinolones de troisième génération (fluoroquinolones) comme la gatifloxacine, la grepafloxacine, la levofloxacine, la moxifloxacine ou la sparfloxacine utilisés en médecine humaine et la danofloxacine, l’enrofloxacine, la difloxacine, l’orbifloxacine, l’ibafloxacine ou la marbofloxacine utilisés en médecine vétérinaire ont une activité étendue aux bactéries à Gram positif.

✓ Les fluoroquinolones de quatrième génération comme la gémifloxacine ou la trovafloxacine ont un spectre d’activité étendu aux bactéries anaérobies.

4.5.2.2. Mode d’action

Les quinolones inhibent la réplication et la transcription bactérienne en inhibant le fonctionnement des topoisomérases bactériennes de type II, l’ADN gyrase (cible principale chez les bactéries à Gram négatif) et la topoisomérase IV (cible principale chez les bactéries à Gram positif) (Hooper, 2000). Ces enzymes sont essentielles à la croissance bactérienne en contrôlant la topologie de l’ADN lors des étapes de réplication, de transcription, et de recombinaison de l’ADN. Ces enzymes tétramériques, homologues entre elles, sont constituées de deux sous-unités GyrA et GyrB (ADN gyrase) ou ParC et ParE (topoisomérase IV). L’ADN gyrase introduit un superenroulement négatif dans la double hélice d’ADN bactérien en amont de la fourche de réplication (Levine et al., 1998), ce qui est essentiel pour l’initiation de la réplication de l’ADN bactérien et pour la transcription. Quant à la topoisomérase IV, elle possède une activité de décaténation qui permet la séparation des chromosomes répliqués à la fin d’une séquence de réplication (Adams et al.,1992 ; Zechiedrich et

al., 1997).

Les quinolones se fixent sur le complexe ADN-topoisomérase. Ce complexe devient irréversible conduisant, d’une part, à la création des changements conformationnels qui entraînent l’inhibition de l’activité normale de l’enzyme (bactériostase) (Drlica et Zhao, 1997) et d’autre part, à la libération des cassures double brin de l’ADN activant le système SOS ou produisant un effet toxique pour la bactérie, responsable de la bactéricidie intense des quinolones. L’effet bactéricide varie en fonction de la molécule et de l’espèce bactérienne considérées (De Lastours et Fantin, 2014).

56 4.5.2.3. Mécanisme de résistance aux quinolones

Plusieurs types de mécanismes de résistance ont été décrits, à savoir les mécanismes de résistances chromosomiques et des mécanismes de résistances plasmidique (Figure 5).

➢ Mécanismes de résistances chromosomiques

La résistance aux quinolones est principalement chromosomique, due à une diminution de l’affinité de l’antibiotique pour sa cible (Ruiz, 2003). Ceci est lié à des mutations chromosomiques dans les gènes de structure des topoisomérases, le plus souvent dans les gènes gyrA ou parC, plus rarement les gènes gyrB ou parE (De Lastours et Fantin, 2014). La première mutation survient généralement au niveau de la topoisomérase pour laquelle la quinolone a la plus grande affinité, ce qui peut varier en fonction de l’espèce bactérienne et en fonction de la quinolone (Cambau et al., 2009 ; Cattoir et al., 2006). De plus, deux autres mécanismes de résistance chromosomiques permettent un défaut d’accumulation des quinolones dans les bactéries ; il s’agit de la diminution de la perméabilité de la paroi des bactéries à Gram négatif par diminution quantitative des porines et de l’hyper-expression des pompes d’efflux chez les Gram négatifs (Poole, 2000). Ces mécanismes ne sont pas spécifiques des quinolones car ils concernent aussi l’influx et l’efflux d’autres molécules de petit poids moléculaire, plutôt hydrophiles comme les bêta-lactamines, les aminosides et les sulfamides (Poole, 2000 ; Poole, 2007).

➢ Mécanismes de résistances plasmidiques

Pendant longtemps, le seul support connu de résistance aux quinolones était de type chromosomique (Martínez-Martínez et al., 1998), plus récemment des mécanismes de résistances plasmidiques ont été décrit chez les bactéries à Gram négatif, généralement associé aux mécanismes

57 Figure 5: Mécanisme de résistance aux quinolones (Ferran, 2009)

58 chromosomiques (Cattoir et Nordmann, 2009). Trois types de résistance plasmidique ont été décrits à ce jour il s’agit de la protection de la cible due aux protéines Qnr décrite en 1998 (Martínez-Martínez et al., 1998), l’inactivation enzymatique due à l’acétyltransférase AAC (6’) -Ib-cr identifiée en 2005 (Robicsek et al., 2006) et l’efflux actif médié par la pompe QepA rapporté en 2007 (Yamane

et al., 2007 ; Perichon et al., 2007).

Les protéines Qnr, codées par le gène qnr, agissent en protégeant les topoisomérases de l’action des quinolones. Ainsi, la présence d’un gène qnr confère un bas niveau de résistance aux quinolones en élevant la CMI de façon modeste. Depuis la première description de qnrA (Martínez-Martínez et

al., 1998), de nombreux autres gènes qnr ont été décrits. Ces gènes sont actuellement de dissémination

mondiale (Martínez-Martínez et al., 2008). En plus des plasmides portant les gènes qnr, plusieurs pompes d’efflux plasmidiques ont été décrites et majoritairement sur des plasmides portés par des souches d’origine vétérinaire. Ceci suggère que l’utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire jouerait un rôle important dans la sélection et la dissémination des mécanismes plasmidiques de résistance aux quinolones. De plus, le gène qepA codant pour une de ces pompes à efflux a été décrit en 2007 (Perichon et al., 2007). Sa présence a pour conséquence une moindre sensibilité aux quinolones hydrophiles, avec une augmentation des CMI. Enfin, le mécanisme de résistance par inactivation des quinolones n’avait jamais été décrit avant 2006 et la description du gène aac (6)-Ib-cr, capable d’acétyler à la fois les aminosides et les fluoroquinolones (Robicsek et al., 2006b). Une notion très importante pour les fluoroquinolones est que la résistance est croisée et implique donc toutes les molécules de cette classe d’antibiotiques, même si les niveaux de résistance peuvent varier d’une molécule à l’autre.

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