• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE ET PROBLÈMATIQUE DE LA THÈSE

1. Bases moléculaires de l’interaction hôte-pathogène

1.2. Résistance des plantes aux bio-agresseurs

1.2.2. Résistance hôte

1.2.1. Résistance non-hôte ou résistance non-spécifique

Comme vu précédemment, la plupart des plantes sont résistantes à la plupart des agents pathogènes [48]. Dans ce cas précis, on parle de résistance hôte. Bien souvent, les résistances non-hôtes sont gouvernées par une large gamme de mécanismes régulés par de multiples gènes [49]. La résistance non-hôte est mise en œuvre à plusieurs niveaux lors de l’infection par un microorganisme [50] (Figure 5).

Le premier niveau de contrôle empêche le pathogène de pénétrer dans la plante grâce aux défenses préexistantes (constitutives) de la plante [51]. Ce niveau de contrôle se situe à l’interface entre l’hôte et son environnement, c’est-à-dire sur la surface des organes cibles (feuilles, racines, tiges, etc.). Ces défenses sont composées à la fois de barrières physiques (cire, cuticule, épiderme, stomates, parois cellulaires, etc.) et de barrières chimiques (composés antimicrobiens inhibant le développement des pathogènes telles que les phytoanticipines) [52]. Le second niveau de contrôle se déroule une fois que l’agent pathogène a pénétré dans la région apoplastique afin d’y extraire les nutriments issus du métabolisme carboné [53]. Cette étape implique elle aussi des défenses préexistantes couplées à des défenses induites telles que l’apposition de callose, lignine et subérine ou la synthèse de novo de composés chimiques (phytoalexines) [54-56]. Le troisième niveau de contrôle se situe au niveau cellulaire et implique uniquement des défenses inductibles déclenchées spécifiquement par le cytosol, le noyau, la membrane plasmique ou la paroi végétale. S’ajoutent aux défenses préformées et inductibles, la perception de PAMPs (« Pathogen Associated Molecular Patterns »), renommés MAMPs (« Microbe Assocated Molecular Patterns ») [57], d’effecteurs et d’autres molécules de réponses qui seront plus amplement détaillées [15, 58]. L’additivité des défenses naturelles de la plante font de cette résistance un obstacle de taille à l’infection et la colonisation de la plante par l’agent pathogène [51].

1.2.2. Résistance hôte

Lorsque le pathogène a réussi à s’adapter et est capable de surmonter les barrières imposées par la résistance non-hôte, il se retrouve alors confronté à la résistance hôte. La résistance hôte est composée de la résistance cultivar-race spécifique, qui n’est efficace que vis-à-vis de certaines souches du parasite, et/ou de la résistance race-non-spécifique qui est efficace vis-à-vis de l’ensemble des souches connues du parasite [59].

14

1.2.2.1. La résistance hôte race-non spécifique

Ce type de résistance est, dans la plupart des cas, une résistance seulement partielle c’est-à-dire qui ne permet pas de contrôler totalement l’agent pathogène. Cette résistance est la résultante des effets additifs cumulés de plusieurs gènes à effet partiel (nommés également QTLs de résistance) [60], qui peuvent par ailleurs interagir entre eux de façon positive ou négative (effets épistatiques). Ce type de résistance, appelée encore résistance horizontale, est a priori plus durable qu’une résistance conférée par un gène majeur [61]. La raison étant principalement qu’un plus grand nombre de mutations sont nécessaires au pathogène pour contourner une résistance polygénique par rapport à une résistance monogénique [62].

De nombreuses études ont permis de démontrer le caractère quantitatif des résistances chez les plantes. Ce type de résistance se traduit par la diminution du nombre de symptômes, ce qui provoque chez l’agent pathogène une perte de performance sur une ou plusieurs composantes de son cycle de développement, allant de l’efficacité d’infection à la sporulation en passant par la période de latence. Cette résistance, qui permet en général de ralentir significativement une épidémie sans la stopper entièrement, peut néanmoins se révéler d’une efficacité presque totale quand plusieurs QTLs sont accumulés dans un même génotype, comme l’illustre le cas de la variété d’orge ‘17-5-16’ vis-à-vis de Puccinia hordei [63]. Cependant, la sélection de telles résistances polygéniques est un processus plus long, plus lourd et plus coûteux que la sélection des résistances reposant sur des gènes majeurs dominants.

1.2.2.2. La résistance hôte cultivar-race spécifique

La résistance race-spécifique est souvent conférée par un gène majeur de résistance ou gène R [64, 65]. Les gènes impliqués dans ce type de résistance sont impliqués dans une relation dite « gène-à-gène » conceptualisée par Flor en 1971 [44] (Figure 6). Le produit d’un gène de résistance interagit avec le produit d’un gène d’avirulence issu du pathogène et déclenche une cascade de signaux, qui conduit à l’activation de réactions de défense de la plante. Cette reconnaissance s’accompagne classiquement d’une réaction hypersensible (HR) qui circonscrit le pathogène à son site primaire d’infection. Ainsi, un gène bactérien reconnu sera appelé gène d’avirulence (avr) tandis qu’un gène non reconnu sera nommé gène de virulence (vir). Lorsque la réaction incompatible se produit, elle confère à la plante une résistance totale à l’agent pathogène, empêchant celui-ci de se développer [66]. Cette résistance est cependant souvent considérée comme non durable dans la mesure où l’effet du gène R peut être neutralisé par la perte de fonction du gène d’avirulence correspondant chez l’agent pathogène par simple(s) mutation(s).

15

Figure 6. Illustration de l’interaction de type « gène-pour-gène ». Lorsque le gène dominant de résistance

(gène R) est présent chez la plante hôte et que l’allèle d’avirulence (Avr) correspondant est présent chez l’agent pathogène, il y a reconnaissance et mise en place de la réaction hypersensible (HR). L’interaction est dite incompatible. La combinaison des autres allèles ne conduira pas à la mise en place des défenses de la plante et permettra le développement de la maladie. D’après [44]. Ce concept est illustré ici en utilisant le cas de l’interaction Xanthomonas oryzae pv. oryzae sur le riz.

Figure 7. Principales classes de gènes de résistance des plantes basée sur l’arrangement de leur domaine fonctionnelle. Abréviations : LRR : Leucine-Rich Repeats ; NBS : Nucleotide-Binding Site ; TIR :

Toll/Interleukin-1-Receptors ; C-C : Coiled Coil ; TrD : Transmembrane domain ; PEST : protein degradation Domain (proline-glycine-serine-threonine) ; ECS : Endocytosis Cell Signaling domain ; NLS : Nuclear Localization Signal ; WRKY : Amino acid domain ; HM1 : Helminthosporium carbonum toxin reductase enzym. D’après [67].

16

1.1.1.1. Les différentes classes de gènes de résistance

Les agents pathogènes capables de supprimer les défenses basales sont spécifiquement reconnus par des gènes de résistance. Ces gènes R sont présents en grand nombre chez les plantes ; plus de 300 gènes de résistance putatifs aux maladies ont été annotés chez Arabidopsis thaliana (selon https://www.arabidopsis.org/index.jsp). Le domaine « Leucin Reach Repeat » (LRR) est présent dans la majorité des protéines R et joue un rôle important pour la reconnaissance spécifique des gènes avr (Jones, 2001). Les gènes de résistance sont divisés en huit groupes en fonction de l’organisation de leurs domaines fonctionnels (Figure 7) [67].

La première classe de gènes R comprend des gènes codant des protéines cytoplasmiques avec un domaine NBS de liaison aux nucléotides impliqués dans la signalisation cellulaire en C-Terminal, un domaine LRR et un domaine homologue au domaine TIR

(« Toll-Interleukin-1 Receptor » présent chez les mammifères) en N-Terminal. Un exemple de cette classe est le gène de résistance RPM1 chez Arabidopsis thaliana reconnaissant le gène avrRpm1 de Pseudomonas syringae [68] ;

‐ La seconde classe de gènes de résistance consiste en des protéines cytoplasmiques possédant des motifs NBS et LRR et un motif en super hélice (« Coiled Coil » [CC]) en N-Terminal. Chez le tabac, le gène N conférant une résistance au TMV est un représentant de cette famille de gènes de résistance [69] ;

‐ La troisième classe de gènes de résistance ne présente pas de motif NBS mais un domaine extracytoplasmique riche en leucine (eLRR) attaché à la membrane par un domaine transmembranaire (« Transmembrane Domain » [TrD]). Les domaines eLRR sont connus pour jouer un rôle important chez certaines protéines de défense telles que les protéines inhibant les polygalacturonases (PGILPs) [70] même si elles ne sont pas directement impliquées dans la reconnaissance et l’activation des gènes de défense [71]. Le gène de résistance Cf-9 précédemment décrit illustre la structure de cette famille de gènes de résistance [37] ;

‐ La quatrième classe de gènes de résistances est caractérisée par un domaine extracellulaire LRR, un domaine TrD et un domaine extracellulaire de type sérine-thréonine kinase (KIN). Le gène de résistance à Xanthomonas Xa21 chez le riz est un exemple de cette quatrième classe de gènes de résistance [72] ;

‐ La cinquième classe de gènes de résistance est caractérisée par un TrD fusionné à un domaine CC comme l’illustre la protéine de résistance RPW8 chez A. thaliana [73] ;

‐ La sixième classe de gènes de résistances est caractérisée par un domaine extracellulaire putatif LRR, un domaine TrD, un domaine PEST (Proline-Glutamine-Serine-Thréonine) permettant la dégradation des protéines et un motif protéique court (« Endocytosis Cell Signaling » [ECS]) ciblant les protéines pour l’endocytose. Les gènes Ve1 et Ve2 chez la tomate sont des exemples de cette classe de gènes de résistance [74], récemment décrit comme étant des récepteurs à PAMPs [75] ;

17

Figure 8. Stratégie de déploiement des résistances des plantes. (1) Déploiement traditionnel d’un seul gène de

résistance (gène R) à chaque cycle de culture. (2) Rotation des gènes de résistance dans le temps. Chaque gène R est déployé pendant un nombre limité d’année ou sur une surface limitée puis est retiré avant que le gène de virulence correspondant atteigne une forte fréquence dans la population pathogène. (3) Utilisation de cultivars en mélange ou en mixture. (4) Approche de pyramidage de gènes de résistance, tous les gènes R sont transférés dans un même cultivar. (5) Déploiement régional et approche épidémiologique du paysage. Différents gènes R sont déployés dans différentes régions.

1. Un seul gène

4. Pyramidage de gènes

2. Rotation de gènes dans le

temps

3. Mélange ou mixture de

gènes de résistance

5. Déploiement régional et

épidémiologie du paysage

Documents relatifs