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Le gel-dégel dans les roches

Axe 3 Forte résistance à notre essai de gel

Figure 36. ACP3 : représentation des paramètres sur les 1er et 3ème axes.

L’ACP4 (cf. détails en annexe 1) s’intéresse davantage au coefficient d’Hirschwald

(S48) c’est-à-dire à la teneur en eau naturelle de la roche. Or, l’analyse de données sur

l’ensemble des calcaires, dont nous avons la valeur du S48, révèle un fort lien entre le module

d’Young et le coefficient d’Hirschwald (Figure 37). Cette tendance, issue de la manipulation statistique, est difficile à expliquer physiquement d’autant qu’elle n’induit pas de conclusion particulière vis-à-vis de la résistance au gel.

Figure 37. ACP4 : représentation des paramètres sur les 2ème et 4ème axes.

MVA

Coefficient d'absorption capillaire Porosité sous vide

Vlsec Ic Df Rc sèche Rt brésilien -1 1 -1 1

Nbre de cycles de gel

Axe 1

Axe 3

Axe 2

L’ACP5 (cf. détails en annexe 1) s’attache plus à comparer les différents paramètres

mécaniques : module d’Young (E), coefficient de Poisson (νννν) et résistance en traction (Rt). L’analyse de données indique que les calcaires les plus résistants à notre essai de gel sur

cylindres surcarottés présentent un juste équilibre entre la raideur et la résistance à la traction (Figure 38 ). Un calcaire avec un module d’Young trop élevé est trop raide pour résister à la sollicitation en traction induite par le changement de phase de l’eau dans l’entaille. Il se caractérise par la propagation d’une fissure dans la paroi la plus fine, au sein de la matrice rocheuse (Vilhonneur banc 2, 7 et 12 : Figure 38 ). D’autres calcaires ont certes une résistance en traction évaluée assez élevée (Tournai-allain : Figure 38 ) mais la même remarque peut être faite que pour Df : la taille de l’éprouvette dans l’essai brésilien ne prend pas en compte les défauts espacés de la matrice rocheuse (selon les recommandations de la norme NF P 94-422 - Janvier 2001, nos éprouvettes cylindriques testées avaient un diamètre de 40mm pour une hauteur de 40 à 50mm). Par conséquent, des roches avec une forte

résistance en traction peuvent être fortement sensibles à notre essai de gel car le paramètre mécanique est surévalué dans le cas où le calcaire se rompt selon une fissuration existante.

Figure 38. ACP 5 : projection des 14 calcaires selon les 2ème et 4ème axes.

Enfin, l’ACP6 a pour objectif d’évaluer le rôle des paramètres mécaniques mesurés

sur des calcaires à l’état saturé. Néanmoins, la forte corrélation de ces paramètres avec les

paramètres mesurés à l’état sec n’ajoute pas de réflexions supplémentaires à celles déjà faites (r Rc sec/Rc saturé = 0.92 ; r MVA/ Vl saturée = 0.89).

Chamesson

Courville Farges

Grenoble-UrgonienLarrys-Moulin d'Arlot Pierre de Caen Pierre de Lens Roquemaillère Tournai-Allain Tournai-Pont à Rieu Tournai-Vaulx&Chercq Vilhonneur-banc 2Vilhonneur-banc 12 Vilhonneur-banc7 -2.3 0.96 -2.5 3.1 Rt important

Forte résistance à notre essai de gel

En conclusion de cette analyse de données, on peut noter qu’aucun paramètre

mécanique ou relatif au réseau poreux ne peut être à lui seul un indicateur de l’altération due au gel. Cela corrobore les études de Kasim et al (1996) sur la résistance en

compression, celles de Goudie (1999) sur le module d’Young ou encore celles de Archimbaud et al (1971) sur la porosité. Cela vient du fait que ces facteurs sont intrinsèquement liés : la taille des minéraux et le degré de cimentation jouent en particulier sur la résistance mécanique de la roche (Dessandier et al, 2000). En outre, ils interviennent ensemble dans le processus d’altération par le gel : dans une roche fissurée, les fissures sont les dernières à être maintenues saturées si bien que l’intensité de l’action du gel dans une fissure est conditionnée par la saturation de la matrice calcaire environnante (Tharp, 1987).

On remarque aussi que les défauts dans la matrice s’avèrent être autant de points de

faiblesse vis-à-vis de l’action du gel. Les calcaires réputés résistants mécaniquement en sont

les premières victimes car, pour des calcaires moins résistants, d’autres facteurs prédominent (Nicholson et al, 2000). Il se pose alors le problème du choix de l’échelle d’étude : même si l’augmentation du réseau de fissures sous l’effet du gel s’observe aux échelles macroscopique (échelle du massif) et mésoscopique (échelle du laboratoire), la propagation s’opère dans un premier temps à l’échelle microscopique (échelle de la matrice). Les paramètres

mécaniques évalués à l’échelle du laboratoire ne sont alors plus adaptés pour rendre compte de la résistance de la roche à l’échelle de la propagation de la fissuration.

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La similitude entre la géomorphologie des modelés hérités du Quaternaire froid et la géomorphologie des massifs montagneux actuels en France notamment tend à souligner l’importance du processus d’altération par alternance de périodes de gel et de dégel. La mise en évidence d’une corrélation entre les alternances de périodes de gel-dégel et les chutes de pierres et de blocs confirment le caractère prépondérant de ce processus d’altération. Dans le cadre de notre étude, nous avons donc retenu et étudié ce processus d’altération dans des massifs rocheux.

Le gel se manifeste en fait à deux échelles, la microgélivation qui affecte les réseaux de pores et la macrogélivation qui concerne les réseaux de fissures. La microgélivation génère et exploite les joints entre les minéraux et autres pores selon un mécanisme qui diffère suivant les conditions environnementales et les caractéristiques de la roche. L’échelle microscopique à laquelle ce processus d’altération intervient a permis d’étudier facilement ce dernier à l’échelle mésoscopique du laboratoire, contrairement à la macrogélivation. Cette dernière, qui conduit à l’élargissement et à la propagation des réseaux de fissures existants jusqu’aux détachements de blocs rocheux, pose un problème à la fois temporel et spatial dans la définition d’un VER (Volume Elémentaire Représentatif). Ce processus d’altération a donc essentiellement été étudié in situ dans toute la complexité que les conditions naturelles peuvent impliquer. L’absence d’expérimentations simplifiées en laboratoire a conduit à l’analyse des données de terrain sur la base des concepts établis pour la microgélivation : ces théories ne sont pas adaptées à l’échelle macroscopique qui doit tenir compte de l’hétérogénéité du massif rocheux. On retrouve dans cette distinction de mécanisme, la divergence de point de vue quant à la gélivité d’une roche que peuvent avoir les différentes disciplines étudiant le processus d’altération des roches par gel-dégel. Pour la géomorphologie et les travaux de génie civil tels que les terrassements, les enrochements et les tunnels, il s’agit du mécanisme de macrogélivation qui nous importe alors que dans le domaine de la construction ou encore des granulats, c’est plutôt le mécanisme de microgélivation. Dans le cadre de notre étude de la génération de chutes de pierres et de blocs, nous nous intéresserons plus particulièrement à la macrogélivation.

Une première expérimentation a donc été menée en laboratoire afin d’évaluer la sensibilité à la fissuration par le gel de différentes roches à la texture plus ou moins homogène. Nous avons choisi de ne travailler qu’avec des roches calcaires pour s’affranchir du facteur minéralogique. Un cylindre de chacun des calcaires, entaillé par surcarottage et saturé en eau, a été soumis à des cycles successifs de gel-dégel. Le nombre de cycles avant l’initiation d’une fissure dans la paroi des entailles n’a pas de corrélation évidente avec les différents paramètres physiques et mécaniques évalués pour chacun des calcaires. Cela souligne la complexité de l’interaction de l’ensemble des facteurs intervenant dans le processus de macrogélivation. En fait le mécanisme d’altération par le gel dans le réseau de fissures est très certainement le résultat non seulement de la sollicitation mécanique en traction induite par le changement de phase de l’eau, mais aussi du processus de microgélivation affectant la roche environnant les fissures. C’est ainsi que des roches a priori non microgélives peuvent être macrogélives à l’échelle du massif.

Devant la complexité du processus d’altération à modéliser, une évaluation de la contrainte générée par le gel dans une fissure s’avère nécessaire dans un premier temps (chapitre III). Comme ce phénomène n’est pas simplement d’origine mécanique, la connaissance des facteurs influençant cette contrainte (chapitre IV) permettrait à la fois de mieux comprendre le processus et de prévoir l’initiation de la rupture et la propagation de la fissuration sous l’effet du gel (chapitre V).

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Chapitre -

III