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Résistance aux anti-androgènes

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Les anti-androgènes présentent une efficacité limitée dans le temps. Dans le cancer de la prostate avancé, cette perte d’efficacité peut s’expliquer par exemple par une action agoniste paradoxale des anti-androgènes sur le RA du fait d’apparition ou par une majoration de représentation de clones cellulaires porteurs de mutation du RA, ou bien par amplification du RA (226). Ceci a mené au développement des anti- androgènes de nouvelle génération. Dans le cancer de la prostate évolué ce stade est appelé en pratique clinique, stade de résistance à la castration (CRPC) (227). Plusieurs mécanismes ont été décrits pour expliquer cette évolution.

Premièrement, la surexpression du RA liée à une amplification du gène du RA (228). Deuxièmement, l’apparition de mutation dans le domaine de liaison du ligand (LBD) du gène du RA (T877A, L701H, W741L, ou F876L). Celles-ci induisent une

91 diminution de l’affinité et de la spécificité des ligands pour le RA. Ces mutations peuvent induire une liaison d’autres hormones telles que les glucocorticoïdes sur le RA et induire une activé paradoxale de type agoniste des anti-androgènes sur le RA (229).

Les résultats d’analyses d’ADN circulant sur prélèvement sanguin montrent que les mutations du RA et/ou les altérations du nombre de copies du gène RA sont respectivement détectées dans 48% et 60% des échantillons avant et après traitement (230).

Troisièmement, la résistance à la déprivation androgénique est fréquemment associée à l'émergence de variants d'épissages du RA dont le variant AR-V7. Cet isoforme du RA a perdu son Ligand Binding Domain et est constitutionnellement actif entrainant une résistance notamment à l’abiratérone et à l’enzalutamide (231).

D’autre part, un autre mécanisme de résistance est lié aux récepteurs aux glucocorticoïdes (GR). Ceux-ci peuvent se substituer aux RA et activer un ensemble de gènes proches de ceux activés par le RA (232).

Enfin, la résistance aux anti-androgènes a été décrite comme pouvant être en lien avec une activation ligand-indépendante du RA (233).

Ces différents mécanismes de résistance aux anti-androgènes expliquent les progressions observées dans les cancers de prostate malgré les traitements par multiples thérapeutiques anti-androgènes disponibles.

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2. Données précliniques sur modèles moléculaires apocrines

Les travaux validant la découverte par Farmer et al. du sous-groupe des tumeurs moléculaires apocrines ont apporté des informations préliminaires sur l’intérêt de traiter ces tumeurs par des anti-androgènes à l’aide d’expérience sur modèle cellulaire, principalement sur la lignée MDA-MB-453. Ainsi, Doane et al. (36) montrent que cette lignée est sensible au flutamide (anti-androgène) ; sensibilité prouvée par une réduction de prolifération non retrouvée avec des anti-estrogènes (36). Le même résultat est obtenu avec le bicalutamide par Lehmann et al. qui montrent que parmi l’ensemble des lignées de phénotypes triple négatifs, celles qui sont sensibles au bicalutamide sont majoritairement celles qui expriment le RA (27). Les données précliniques sur l’enzalutamide montrent qu’il induit comme dans les tumeurs prostatiques, une diminution de la localisation nucléaire du RA et une inhibition de la croissance androgène dépendante. Cet effet pourrait passer, selon les auteurs de ce travail, par une induction d’apoptose comme montré par l’augmentation du taux de caspases 3 clivées (153). Il y a donc un effet qui semble attendu et spécifique des anti-androgènes dans ces modèles (principalement la lignée MDA-MB-453).

Les preuves d’efficacité des anti-androgènes en monothérapie ont permis la réalisation de tests précliniques de combinaison à base d’anti-androgènes. Les données générées par l’équipe de Naderi et al. retrouvant une boucle de rétrocontrôle positive entre le RA et ERK (voie de signalisation MAPK) dans le sous- type moléculaire apocrine a permis la réalisation de tests fonctionnels de cette hypothèse. Les auteurs ont ainsi combiné un anti-androgène, le flutamide, à un inhibiteur de ERK (CI-1040) et ont retrouvé une action synergique de cette association sur la lignée cellulaire MDA-MB-453 in vitro et in vivo (234).

Comme retrouvé par l’équipe de Lehmann et al., les tumeurs MA sont mutées dans environ 40% des cas pour PIK3CA (150). La même équipe a testé fonctionnellement cette cible thérapeutique potentielle. Un ensemble de traitements ciblant la voie PI3K a été testé. La lignée MDA-MB-453 est retrouvée sensible à ce type de drogues quand on compare aux autres lignées de tumeurs triple négatives testées (IC50 de

93 l’ordre du nM). De plus, les auteurs retrouvent un effet synergique quand les inhibiteurs de PI3K sont combinés avec un anti-androgène, le bicalutamide. Ces résultats sont toutefois modestes quand le test est réalisé in vivo par mesure de volume tumoral avec un effet de type additif, moins important qu’en in vitro. Une autre étude retrouve également un effet additif modeste de l’association enzalutamide et rapamycine (inhibiteur de mTOR) aussi bien in vitro qu’in vivo sur la lignée MDA-MB-453 (235).

Les cellules MDA-MB-453 semblent sensibles aux inhibiteurs du cycle cellulaire de type inhibiteurs spécifiques de CDK4/6, comme le palbociclib. La sensibilité de la lignée MDA-MB-453 est supérieure à la majorité des lignées de cancers du sein, tout phénotype confondu (236). Ceci a mené a démontré l’intérêt probable de combiner l’enzalutamide au palbociclib dans le modèle cellulaire MDA-MB-453. Il est retrouvé une majoration de la réduction de la viabilité cellulaire et de l’arrêt du cycle cellulaire en phase G1 par l’adjonction de palbociclib à l’enzalutamide (237).

Au contraire des antagonistes du RA tel que l’enzalutamide, il n’y a pas de données dans la littérature concernant l’utilisation de l’abiratérone dans un modèle préclinique de tumeurs moléculaires apocrines.

Ces données précliniques constituent le rationnel scientifique d’essais cliniques publiés en cours dans le sous-groupe moléculaire apocrine.

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3. Données cliniques relatives aux tumeurs moléculaires apocrines

Différentes données cliniques sont disponibles dans le domaine des traitements spécifiques aux tumeurs moléculaires apocrines (tableau 6). Ces études rapportent les résultats de traitements anti-androgènes dont l’utilisation est validée et routinière dans le cancer de la prostate : le bicalutamide, l’enzalutamide et l’acétate d’abiratérone. Nombre de patientes éligible et évaluable Age médian Nb médian de lignes antérieures de chimiothérapie Taux de bénéfice clinique à 6 mois (IC95%) Réponses objectives Bicalutamide 26 66 1 (0–8) 19 % (7–39) N=5 Aucune Abiraterone acetate Essai AMA Essai SHIVA 30 4 62,5 45,5 2,5 (0–9) - 20 % (7,7–38,6) N=6 0 N=4 1 RC, 1 RP Aucune Enzalutamide 78 59 1 (0–5) 28 % (19–39) N=22 1 RC, 5 RP

Tableau 6. Principaux résultats des essais cliniques évaluant un anti- androgène dans les tumeurs moléculaires apocrines HER2 non-amplifiées.

D’après les publications (122–124) et les données issues de l’essai SHIVA, Pr Le Tourneau (238). RC : réponse complète ; RP : réponse partielle (selon RECIST V1.1).

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