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face à la menace de la crise et à l’endettement

Encadré 2 – Résilience énergétique de

Madagascar

Madagascar est dépendant pour son approvi-sionnement en énergie, bien que l’essentiel de ses besoins soient couverts par la biomasse (76 % de la consommation d’énergie primaire en 2016, soit loin devant le pétrole pour 19 %, selon Enerdata). Hors biomasse, le pays ne produit que 6,5 % de l’énergie qu’il consomme. De plus, le pays ne possède pas de raffinerie sur son territoire, le contraignant à importer des carburants raffinés.

Le solde commercial énergétique est toutefois considéré comme moyennement vulnérable (graphique 15) ; il s’établit autour de -4 % du PIB, mais ce solde a dépassé le seuil théorique de -5 % entre 2012 et 2015 (soit avant la chute des cours des hydrocarbures), faisant apparaître une vulnérabilité substantielle du solde énergétique de Madagascar. Cette situation est susceptible de se reproduire dans un contexte d’augmenta-tion des cours des hydrocarbures. Le carburant est utilisé comme intrant pour la production de toute une gamme de biens, tels que les produits alimentaires transformés et de services, tels que l’électricité et les transports. La production électrique a augmenté de près de 90  % entre 2000 et 2016, notamment tirée par le développe-ment de la production à partir de pétrole. Malgré un fort potentiel en énergies renouvelables, tels le solaire, l’éolien ou encore l’hydroélectricité, Madagascar ne produit quasiment pas d’élec-tricité d’origine renouvelable. Le déficit commer-cial lié à l’importation de pétrole s’élève ainsi à 4 % du PIB en 2019. Dans le même temps, le pays a une production relativement faible en intensité énergétique (classé 19e sur les 28 PFR). Cette dépendance constitue néanmoins une faiblesse à une industrialisation potentiellement intensive en énergie.

En outre, les subventions aux carburants visant à lisser le prix des carburants par rapport aux fluctuations des cours internationaux du pétrole ont pris fin en 2019. Néanmoins, le marché de la distribution est peu concurrentiel (notamment à cause de la fixation des prix du pétrole au niveau national) et ne permet pas l’arrivée de nouveaux acteurs. De plus, une entente sur le prix permet, selon l’étude « Évaluation de l’industrie » menée par Beicip-Franlab, aux opérateurs associés en groupement au niveau du territoire, de dégager des marges plus élevées que dans d’autres pays de référence. Ainsi, les coûts finaux pour les consommateurs sont plus élevés.

Sources : AFD, Enerdata, FMI.

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2012 20142011 2013 2015 20172016 202020192018

-6 -5 -4 -3 -2 -1 0

Madagascar Seuil alerte 1

Graphique 15 - Solde commercial énergétique (en % du PIB)

4.2 – Les besoins de financement externe sont couverts grâce au soutien des bailleurs de fonds

Structurellement, les besoins de finance-ment sont réduits par d’importants transferts privés (3,6 % du PIB en moyenne sur la période 2017-2019) et grâce à la constance des aides budgétaires (0,5 % du PIB en moyenne sur la période 2017-2019) qui compensent le déficit commercial. Le déficit de la balance courante s’est ainsi réduit jusqu’en 2018 pour atteindre un excédent de 0,7 % du PIB en 2018. En 2019, la balance courante s’est creusée à nouveau (-1,8 % du PIB) en raison de la baisse des transferts privés des non-résidents qui habituelle-ment compensent le déficit commercial. Suivant cette tendance, le déficit courant projeté par le FMI pour 2020 serait alors de 4,2 % du PIB, dû essentiellement au creusement de la balance des biens et services (tourisme, extraction minière) mais également à un niveau des transferts privés demeurant amoindri (graphique 16).

Les financements des bailleurs de fonds ainsi que les IDE faibles mais stables couvrent les besoins de financement, notamment liés au programme d’investissements du PEM. La balance du compte financier a également été proche de l’équilibre en 2019 : la ligne « Autres investisse-ments », qui regroupe notamment les revenus en devises non rapatriés et les flux de dettes en devises du secteur privé participe de la sortie nette de capitaux de Madagascar pour 3,3 points de PIB en 2019. Pour les entrées de devises, les IDE sont faibles mais restent stables (3,2 points de PIB en moyenne depuis 2015). Enfin, en plus des dons, les décaisse-ments des prêts concessionnels des bailleurs de fonds ont représenté une entrée de devises estimée à environ 3 points de PIB pour 2019. Ainsi, la balance des paiements s’est équilibrée en 2019 sur une très légère baisse du niveau des réserves après deux années de forte accumulation.

L’année 2020 est marquée par un besoin de financement extérieur exceptionnel dû au creuse-ment attendu du déficit courant à 4,2 % du PIB, selon les dernières projections du FMI établies en octobre 2020. Les exportations ont en effet plongé de 34 % en g.a. pour les mois d’avril et mai 2020 (corres-pondant à la période de confinement généralisé sur la Grande Île), tandis que les importations ont fléchi avec une ampleur moindre de 29 % sur la même période. La baisse des revenus d’exporta-tions (vanille, textile, mines) et en particulier des revenus touristiques devraient être durable, tandis que les IDE devraient chuter de 20 % en 2020 selon le FMI. Le plan de relance gouvernemental prévoit une augmentation des dépenses publiques en capital qui devrait engendrer un surplus d’importations.

Les bailleurs de fonds, qui participent pleinement au financement des dépenses exceptionnelles de l’État, viennent ainsi compenser les besoins de financement en devises en 2020, et ce dans des proportions records. Le soutien au budget par les bailleurs de fonds atteindrait le montant sans précèdent de 612 M USD en 2020 (soit 4,2 % du PIB) sous forme de prêts et de dons.

À l’avenir, compte tenu des besoins d’inves-tissement du pays et du faible taux d’épargne nationale, ainsi que de termes de l’échange moins favorables et d’une crise qui pourrait se prolonger, Madagascar devrait avoir recours à un financement extérieur croissant, couvert par les financements des bailleurs de fonds. Le FMI prévoit, à ce titre, un déficit de la balance courante qui se creuse pour les années à venir, couvert par l’emprunt public auprès des bailleurs (notamment un nouveau programme FEC du FMI), puis progressivement par des IDE. Le niveau et la qualité de ces investissements, les flux induits (importations, exportations, rapatriement de dividendes…) comme ceux de l’endettement contracté pour les financer (créanciers, conditions, maturité, rythme…) devront être suivis de près.

2006 20082007 2010 2011 2012 2016201520142009 2013 20182017 20202019

Revenus et transferts courants (% du PIB) Services (% du PIB)

Biens (% du PIB)

Compte courant (% du PIB)

Graphique 16 - La balance courante se creuse sous l’effet de la baisse des revenus touristiques et des transferts privés

Source : FMI, calculs AFD.

2010 2012 20142011 2013 2015 20172016 202020192018

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en mois d'importations (échelle gauche) Graphique 17 -

Niveau des réserves

Source : FMI, calculs AFD.

4.3 – La résilience des équilibres externes est dégradée par la crise

Le stock de réserves qui a atteint 4,2 mois d’importations à la fin de l’année 2019, a fortement augmenté pour atteindre 6 mois d’importa-tions en novembre 2020 selon la Banque centrale (graphique 17) suite aux décaissements des aides extérieures. Ce niveau que le FMI projette autour de 4,8 mois d’importations en fin d’année 2020 semble nécessaire eu égard aux vulnérabilités des équilibres extérieurs mentionnées. Le taux de change est flottant, et la Banque centrale n’a plus effectué d’interventions sur les marchés des changes ou à la marge pour lisser les fluctuations du taux de change. La crise de la Covid-19 a modifié ce paradigme. La Banque centrale est intervenue sur le marché des changes pour un montant cumulé de 57 M USD sur des ventes de devises à mi-juil-let 2020, soit l’équivalent de ses interventions tout au long de l’année 2019. Comme évoqué dans les sous-sections 4.1 et 4.2, une dégradation de l’équi-libre de la balance des paiements ne peut pas être

exclue. Le FMI estime que Madagascar est confronté à un problème prolongé de balance des paiements, avec un déficit de financement cumulé d’au moins 3,6 % du PIB sur la période 2021-2023. Ainsi, le risque de crise de change est modéré mais demeure en cas d’épuisement des réserves, en particulier en cas de chocs exogènes sur la balance commer-ciale déjà évoqués (cours de la vanille, des produits miniers, du pétrole), et/ou de troubles sociopoli-tiques, et/ou de reflux des ressources fournies par les bailleurs de fonds. Une dépréciation de la monnaie nationale – l’ariary – pèserait alors sur l’endettement extérieur (49,5 % du PIB en 2019, dont 27,3 % du PIB pour la dette publique et garantie par l’État, selon le FMI), bien que le service de la dette externe reste modéré à ce stade. Les dépassements de seuils observés dans l’AVD réalisée par le FMI ressortent néanmoins à des horizons lointains à partir de 2026 et seulement dans des situations de choc sur les termes de l’échange. D’un autre côté, des flux d’entrées de devises liés aux trafics illicites (pierres précieuses, or) échappent aux statistiques de la balance des paiements et soutiennent la monnaie nationale.

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