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2.2 Immeubles

2.2.3 Résidus et projections

2.2.3 Résidus et projections

Dans cette section, on va démontrer qu’un ensemble muni d’une W -distance est un immeuble au sens de la définition 2.2.18. Pour cela, on introduit la notion de résidus. On fixe encore une structure-miroir admissible Z.

Définition 2.2.30. Soit X un système de chambres sur S. Si T ⊂ S, la relation d’équiva-lence engendrée par les relations ∼s, pour s ∈ T , sera notée ∼T. Les classes d’équivalence de cette relation sont appelées résidus de type T , ou parfois T -résidu. Si WT est fini, les résidus de type T seront dit sphériques. Le rang d’un résidu de type T est le cardinal de T . Si X est de plus muni d’une W -distance δ, on a C ∼T D si et seulement si δ(C, D) ∈ WT. D’autre part, si Z est une structure-miroir, la définition de la Z-réalisation de X rend le lemme suivant évident.

Lemme 2.2.31. Soit X un système de chambres sur S. Si x ∈ Z(X) est de type T ⊂ S, alors l’ensemble des chambres C ∈ X telles que x ∈ Z(C) est un résidu de type T .

Réciproquement, l’intersection des Z(C), lorsque C parcourt un résidu, est ou bien vide, ou bien une facette de Z(X).

D’un point de vue géométrique, les résidus peuvent ainsi être vus comme des «links» de points de Z(X). Notons que, suivant le choix de Z que l’on a fait, il se peut que tous les résidus n’apparaissent pas de cette manière. Plus précisément, un résidu se réalise géo-métriquement comme une facette dans Z(X) ; le résidu est alors l’ensemble des chambres

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contenant cette facette. Le fait qu’un résidu apparaisse ou pas dans Z(X) ne dépend alors que de son type : un résidu de type T ⊂ S apparaît dans la réalisation géométrique Z(X) si et seulement si les facettes de type T sont représentées. On dit alors que les résidus de type T sont représentés dans Z(X).

Mentionnons la proposition suivante :

Proposition 2.2.32. Soit X un ensemble muni d’une W -distance et soit T ⊂ S. Alors, si R un résidu R de type T , la fonction δ|R×R est une WT-distance sur R.

Référence. Voir [AB08, Corollary 5.30]. 

Il en découle en particulier que, si l’immeuble X est localement fini, alors les résidus sphériques de X sont finis. Par conséquent, si Z est une structure-miroir propre et qui ne représente que les résidus sphériques, alors l’espace métrique Z(X) est un espace métrique propre. En effet, toute petite boule autour d’un point x ∈ Z(X) est contenue dans la réunion des chambres qui contiennent x [AB08, Lemma 12.9], qui sont en nombre fini par hypothèse.

À partir de maintenant et jusqu’à la fin de ce paragraphe, X est un ensemble muni d’une W -distance δ. Dans le paragraphe précédent, on a vu que, pour un immeuble au sens de la définition 2.2.18, la W -distance se lit comme le type d’une galerie minimale entre deux chambres. Si l’on veut démontrer l’équivalence des définitions, le lemme suivant paraît donc naturel.

Lemme 2.2.33. Soient C, D ∈ X et w = δ(C, D). Alors il existe une galerie minimale de

type w entre C et D. Réciproquement, s’il existe une galerie minimale de type w entre C et D, alors w = w.

Référence. Voir [AB08, Lemma 5.16]. La preuve repose sur une application répétée des

axiomes (WD2) et (WD3) à une écriture réduite de w. 

En particulier, il découle de ce lemme que la distance (dans le graphe des chambres X) entre deux chambres C et D est exactement la longueur de δ(C, D).

Proposition 2.2.34. Soit R un résidu et C une chambre. Alors il existe une unique

chambre C1 ∈ R telle que d(C, R) = d(C, C1). De plus, on a, pour toute chambre D ∈ R :

1. δ(D, C) = δ(D, C1)δ(C1, C) ,

2. d(C, D) = d(C, C1) + d(C1, D).

Référence. Voir [AB08, Proposition 5.34]. 

Définition 2.2.35. Soient R, S deux résidus de X et C une chambre. La chambre C1∈ R à distance minimale de C est appelée projection de C sur R et notée projR(C). On appelle également projection de S sur R et on note projR(S), l’ensemble {projR(D) | D ∈ S}.

On peut vérifier que projR(S) est lui-même un résidu :

Proposition 2.2.36. Soient R et S deux résidus. Alors projR(S) est un résidu.

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Enfin, définissons une partie M de X (ou plus généralement d’un système de chambres) comme convexe si M définit une partie convexe du graphe des chambres, c’est-à-dire si toutes les galeries minimales entre deux chambres de M sont dans M.

Lemme 2.2.37. Soient M une partie convexe de X et R un résidu de X qui intersecte M.

Alors, pour toute chambre D ∈ M, on a projR(D) ∈ M.

Preuve. Soit C ∈ R ∩ M. D’après la proposition 2.2.34, on a d(D, C) = d(D, projR(D)) + d(projR(D), C). Cela signifie qu’il existe une galerie minimale de D à C qui passe par projR(D), et la convexité de M implique que projR(D) ∈ M.  Une fois que nous aurons prouvé l’équivalence des définitions, il sera possible d’utiliser la proposition 2.2.27 pour démontrer que l’enveloppe convexe de deux chambres est incluse dans un appartement. Il résulte alors de la proposition 2.1.12 que cette enveloppe convexe est égale à l’intersection des racines qui contiennent les deux chambres. Plus généralement, la proposition 2.1.12 permet de vérifier qu’une partie convexe d’un appartement est égale à l’intersection des racines qui la contiennent.

On peut maintenant expliquer en quoi un immeuble X au sens de la définition 2.2.14, c’est-à-dire possèdant une W -distance, est un immeuble au sens de la définition métrique 2.2.18. On définit pour cela un appartement de X comme étant une partie en bijection W -isométrique avec W, où W est muni de la W -distance de l’exemple 2.2.15.

Remarque 2.2.38. Dans la définition 2.2.18, la donnée des appartements de X fait partie

de la structure d’immeuble, ce qui n’est pas le cas dans la définition 2.2.14. Un ensemble d’appartements sur un immeuble X vérifiant les axiomes (I1) à (I3) sera appelé système

d’appartements. De ce point de vue, les définitions ne sont pas tout à fait équivalentes ;

lorsqu’on utilise la définition 2.2.14, on utilise implicitement le système d’appartement

com-plet : tous les sous-systèmes de chambres isomorphes à W sont des appartements. Il n’est

pas évident a priori que ce système d’appartements vérifie l’axiome (I3), mais c’est toujours le cas. Les systèmes d’appartements non complets peuvent avoir une utilité, notamment dans l’étude de groupes algébriques sur des corps valués non complets [BT72], mais nous n’utiliserons ici que le système d’appartements complet.

Le lemme ci-dessous n’est pas surprenant, surtout au vu de la proposition 2.2.27. Lemme 2.2.39. Soit X un ensemble muni d’une W -distance et soit A un appartement de X. Alors A est convexe.

Référence. Cela résulte de [AB08, Proposition 5.47]. 

Proposition 2.2.40. Le système d’appartements décrit ci-dessus fait de X un immeuble.

Preuve. (Voir [AB08, Theorem 5.91]). L’axiome (I1) découle de la définition des apparte-ments. Le second axiome est démontré dans [AB08, Corollary 5.74]. Plus précisément, ce corollaire démontre que deux chambres quelconques sont dans un appartement ; comme un point de Z(X) est dans l’adhérence d’une chambre et que les appartements sont fermés, l’axiome (I2) est vrai.

Le corollaire [AB08, Corollary 5.68] prouve une variante de (I3”) : pour deux apparte-ments A et A contenant une chambre D, il existe un isomorphisme strict φ entre les deux

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qui fixe toutes les chambres de l’intersection. Pour vérifier (I3”), il faut vérifier que Z(φ) fixe tout Z(A) ∩ Z(A). Soit x ∈ Z(A) ∩ Z(A) et soit T le type de x. L’ensemble des chambres contenant x est un résidu R de type T , qui intersecte A et A par construction. Pour vérifier que φ fixe x, il suffit de vérifier que x ∈ Z(C), avec C ∈ A ∩ A. Pour cela, on peut prendre C = projR(D) : c’est une chambre de A ∩ A′ par le lemme 2.2.37.  Cette proposition est loin d’être évidente : avec la seule définition d’une W -distance, il n’est pas clair a priori qu’il existe des appartements dans X ! La preuve de la proposition fait intervenir en particulier un lemme de J.Tits [Tit81, §3.7.4], qui a un intérêt propre : Proposition 2.2.41. Soit X un ensemble muni d’une W -distance δ. Alors tout partie de X qui est W -isométrique à une partie de W est contenue dans un appartement.

Référence. [AB08, Theorem 5.73]