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EN POLOGNE

Anna FIRKOWSKA MANKIEWICZ

Pour mieux comprendre le contexte polonais, laissez-moi vous présenter ce graphique pour vous montrer à quel point la situation est compliquée. Il n’y a pas de responsabilité très précise entre les différents ministères. Les ministères ne se sentent pas responsables sur certains aspects de la vie des personnes handicapées.

Nous avons eu par exemple cette situation aberrante jusqu'en 1996 où les enfants handicapés intellectuellement profonds n’avaient pas le droit d’être éduqués ! On a pensé que ces enfants ne pouvaient pas profiter de l’éducation et donc il n’y avait pas de système d’éducation pour les enfants handicapés profonds. Le ministère de la Santé et le ministère de l’Éducation ne s’occupaient pas de ces enfants. Mais, grâce au lobbying très fort des parents, ce droit a été accordé aux enfants handicapés intellectuellement profonds.

Par ailleurs, laissez-moi vous rappeler quelques points de notre histoire. Pendant notre occupation (pendant cent vingt-trois ans, la Pologne n’existait pas sur la carte de l’Europe, elle était divisée entre trois occupants : la Lituanie, l’Autriche et la Russie), l’approche envers les personnes handicapées était plutôt philanthropique.

Lorsque la Pologne a gagné son indépendance en 1918, et ce jusqu'à la deuxième guerre mondiale, on pouvait voir les initiatives premières en faveur des personnes handicapées. C’est la création des premières écoles pour les enfants handicapés légers et les premiers établissements qui engageaient les instituteurs spécialisés.

D’ailleurs, le logo de l’académie actuelle où je travaille a été créé en 1922 (dont le fondateur Maria GRZEGORZEWSKA a fait sa thèse de doctorat à la Sorbonne à Paris). Comme vous le savez tous, pendant la deuxième guerre mondiale, nous avons connu l’extermination des personnes ayant différentes déficiences. Ensuite, après la guerre jusqu'en 1989, nous avons connu la période que nous appelons

« socialisme réel ». Au début de cette période, seuls les invalides de guerre étaient

Europe et désinstitutionnalisation Quelle place pour l’enfant à besoins spécifiques au sein de la société civile ?- 14 & 15 mars 2013 - Paris 25 acceptés comme personnes handicapées, d’autant plus que le traitement des personnes déficientes intellectuelles était aberrant puisque l’on pensait que dans le système si magnifique que les Russes nous ont offert, il n’y avait pas de place pour les handicapés mentaux... Alors on prétendait que ces personnes n’existaient pas ! Puis, à partir de 1963, les parents ont commencé à réclamer des droits pour ces enfants, surtout pour l’éducation. Il faut savoir que c’était quelque chose sans précédent dans les pays du bloc communiste. Plusieurs organisations pour personnes handicapées (notamment pour les personnes aveugles ou sourdes) ont été acceptées par le gouvernement. Les premières initiatives en matière d’éducation pour les personnes handicapées « mentaux profonds » se sont appelées « écoles de vie ». Il convient aussi de mentionner les Polish Schools Of Rehabilitation, reconnues dans le monde. Cette approche médicale concentrée sur la réhabilitation physique était déjà très développée. D’autre part, sur le plan scientifique, il y avait une activité importante des comités d’habilitation et d’adaptation de l’académie polonaise des sciences (où j’ai travaillé pendant trente ans), avec une première publication significative sur la situation des différents types de handicaps en Pologne. Ensuite, le changement de notre système politique vers la démocratie fut une période de développement très rapide pour les différentes ONG qui défendaient les droits des personnes handicapées. Je dois dire l’attitude envers les personnes handicapées en général s’est améliorée. Mais bien sûr, pour nous qui travaillions sur le sujet, ce n’était pas suffisant ! En tout cas, il faut bien avouer que la situation va quand même dans la bonne direction.

Je terminerai par quelques dates qui sont également importantes. D’abord, c’est la date de notre entrée dans l’Union européenne qui nous a permis de bénéficier de différents programmes pour personnes handicapées. Ce soutien financier a été vraiment apprécié par les gens travaillant dans le domaine du handicap ! Autre date, la Pologne a ratifié en septembre dernier la convention des droits de la personne handicapée. Pour nous, c’était un énorme défi et le président de l’association des personnes handicapées mentales a très fortement lutté pour obtenir la ratification de cette convention. C’est pour nous, aujourd’hui, un grand espoir d’avoir la possibilité de faire pression sur le gouvernement en faveur des personnes handicapées. D’ailleurs, c’est l’occasion lors de ces deux jours de pouvoir échanger sur les expériences de vos pays qui ont ratifié cette convention plus tôt que nous. Est-ce que cela marche vraiment ? Est-ce que la situation des personnes handicapées s’améliore dans vos pays ?

Pour terminer, quelques mots sur le rôle des différents acteurs en Pologne. Sur le plan national, c’est le gouvernement et ses différents ministères qui sont responsables de la prise en charge des personnes handicapées. Le State Fund for Rehabilitation of Disabled Persons a fait beaucoup dans le domaine du handicap.

Europe et désinstitutionnalisation Quelle place pour l’enfant à besoins spécifiques au sein de la société civile ?- 14 & 15 mars 2013 - Paris 26 Cette institution a subventionné de nombreuses initiatives pour améliorer la situation des personnes handicapées en Pologne. Bien sûr, le gouvernement discute toujours à ce sujet car il s’agit de réclamer des pénalités aux entreprises qui n’embauchent pas de personnes handicapées, et, puisque c’est une somme relativement importante, le gouvernement veut toujours récupérer cet argent… Par ailleurs, nous avons un porte-parole chargé d’observer les droits des personnes en général (Ombudsman), et pas seulement les personnes handicapées. Sur le plan régional, nous avons des conseils qui interviennent dans les régions, et, sur le plan local, nous avons les communautés locales. Enfin, la société civile collabore évidemment au travers de différentes organisations non gouvernementales. Si je devais résumer, c’est donc l’État qui est responsable de la législation, du financement et des politiques en matière d’éducation et de santé. Puis, au niveau régional, la région est responsable de la formation des enseignants, et, au niveau des districts, ils sont responsables de l’éducation spéciale pour le niveau élémentaire et un peu plus élevé. Enfin, au niveau communal, la commune est responsable de l’éducation en général. Vous voyez que cette division des responsabilités n’est pas très bonne pour la situation des enfants handicapés, car il est très facile de passer la responsabilité de l’un à l’autre sans vraiment avancer…

Maintenant, parlons des méthodes d’évaluation des besoins. Tout d’abord, l’évaluation se fait dans les cliniques obstétriques où c’est le médecin qui diagnostique si l’enfant a une déficience ou pas. Ensuite, cette évaluation continue tout au long de l’école maternelle. Aujourd’hui, nous avons également un modèle de système d’évaluation précoce dont le modèle a été conçu par notre association pour les personnes handicapées. Cependant, leur nombre n’est pas suffisant : seuls 10% des enfants de cet âge ont un accès à cette évaluation. Durant la scolarisation, l’évaluation est faite dans les centres pédagogico-éducationnels, centres de conseil où les équipes composées de différents spécialistes définissent les besoins des enfants qui doivent être respectés par l’école. Je dois dire aussi que les parents ont le droit de ne pas être d’accord avec cette évaluation, mais ils sont très peu à exercer ce droit car bien souvent ils ne sont pas préparés à discuter avec des professionnels de santé. Je précise aussi que la qualité de l’évaluation varie en fonction des compétences des personnes qui interviennent. J’ajoute enfin qu’il y a souvent des pressions pour ne pas effectuer ces évaluations, en particulier dans des régions où il n’y a pas de structures adaptées pour ces programmes d’intégration…

Europe et désinstitutionnalisation Quelle place pour l’enfant à besoins spécifiques au sein de la société civile ?- 14 & 15 mars 2013 - Paris 27 EN SUEDE

Ylva BRANTING et Bitte FRITZON

Pour commencer, nous aborderons le financement de la politique de handicap.

L’immense majorité des financements provient des impôts. En Suède, la fiscalité est du ressort des municipalités et des régions, elle est proportionnelle aux revenus (à peu près 30% des revenus). Il y a un principe en Suède : les personnes ayant des besoins spécifiques ne doivent pas payer plus que les autres en fonction des difficultés rencontrées. On paie donc sa nourriture, on paie son logement, on paie comme tout le monde mais pas ce qui est lié aux services spécifiques en relation à la déficience.

Sur le plan national, c’est l’État qui décide de la législation par le biais de la direction des Affaires sociales qu’elles représentent, mais c’est le Riksdag (l’assemblée nationale suédoise) et le gouvernement qui décident en dernière instance de la législation. Même si la prise en charge se fait au niveau des régions et des départements, elles ne décident pas de la législation. C’est aussi l’État qui a la responsabilité financière de l’assurance sociale, des retraites, des allocations handicap, etc.

Sur le plan régional, sur la base des décisions de la législation élaborée par l’État, la région décide du niveau de fiscalité à mettre en œuvre pour récolter les fonds. Elle est donc responsable des affaires sanitaires et sociales à son niveau. Quant à la commune, elle est responsable de l’école maternelle, de l’école primaire, des services d’aide à domicile, des logements spéciaux et des personnes âgées. Dans le cadre de la législation de l’État, ces régions et départements ont une grande liberté d’élaboration de leurs règlements, des priorités et des services rendus. Par exemple, c’est l’État qui définit la politique sur les personnes à besoins spécifiques, mais c’est à la région et à la commune de décider de la mise en œuvre. À ce titre, nous parlerons de l’assistance personnelle. C’est un dispositif qui permet à beaucoup de personnes porteuses de déficiences de vivre dans leur propre logement. Cette assistance personnelle ne concerne pas uniquement le lieu de travail ou le logement, elle peut aussi intervenir pour partir en vacances avec la personne en difficulté. Afin d’avoir une vie qui s’approche de la normale, c’est la personne qui décide – avec l’aide du dispositif bien sûr – du nombre d’heures d’assistance personnelle dont elle a besoin par jour. C’est un des dispositifs les plus importants de la législation actuelle en Suède. Cet assistant personnel permet à la personne de vivre une vie qui s’approche le plus possible de la normale : c’est la définition de la normalisation. Le nombre d’heures d’assistance est calculé par semaine. La commune prend en charge les vingt premières heures, ensuite c’est l’État qui complète. Il est possible d’avoir jusque vingt-quatre heures d’assistance

Europe et désinstitutionnalisation Quelle place pour l’enfant à besoins spécifiques au sein de la société civile ?- 14 & 15 mars 2013 - Paris 28 personnelle par jour. Même si les communes trouvent ce dispositif très coûteux (l’État aussi d’ailleurs !), c’est un bon système pour les personnes concernées.

Parlons maintenant un peu d’histoire. Voici une photo qui date de 1968. Jusqu’à cette période, on s’occupait de ces personnes dans le cadre de grosses institutions.

Puis, à partir de la fin des années 1960 début des années 1970, des études ont été effectuées pour déterminer les dommages institutionnels. C’est à ce moment-là que le principe des petits groupes a été lancé. Puis, c’est en 1968 que le principe a été fixé selon lequel la personne porteuse de déficiences devait être intégrée dans la société ordinaire. Ce principe a donné naissance à une nouvelle loi (ancêtre de la législation actuelle dont on va parler) stipulant que les enfants ne doivent pas être intégrés dans des institutions. Les institutions ont donc disparu petit à petit, les gens ont été déménagés dans des petites unités jusqu'à la loi de 1994, qui est toujours en vigueur à l’heure actuelle. Par exemple, les adultes doivent habiter dans des unités qui n’excèdent pas quatre ou cinq appartements regroupés dans des immeubles ordinaires. Cela ne doit pas ressembler à des institutions mais à leur propre appartement. Enfin, à partir de 1968, les enfants porteurs de déficiences ont été soumis à la même obligation de scolarité dans les écoles que les autres enfants.

Les principes sont certainement les mêmes que dans beaucoup de pays : normalisation, autodétermination, besoins couverts et intégrité de la personne. Ils sont basés sur les standards de l’ONU et les nouvelles conventions en vigueur à l’heure actuelle.

Par ailleurs, il existe en Suède deux organisations parapluies. C’est en 1942 que la fédération des personnes handicapées a été créée. Elle regroupe trente-neuf organisations. Ce sont des organisations qui sont aussi bien des organisations de personnes déficientes elles-mêmes que des organisations de personnes qui défendent les intérêts des personnes déficientes. En 2009, une nouvelle organisation a été fondée qui s’appelle Equally Unique ; elle ne chapeaute pas beaucoup d’organisations (cinq pour l’instant), mais elle s’occupe plutôt des questions liées à l’accessibilité. Par ailleurs, en vertu de la loi suédoise, les gens qui s’occupent de tout ce qui touche à la personne déficiente doivent le faire après avoir consulté ces deux organisations parapluies. Quand elles rédigent une loi par exemple, elles sont obligées de prendre conseil auprès d’elles.

Concernant les familles, il a fallu au moment de la désinstitutionnalisation, organiser un soutien plus important aux familles. Pour ce faire, on a comparé des familles avec des enfants sans besoins spécifiques mais de la même classe d’âge. Il s’agissait d’organiser la famille ayant des enfants à besoins spécifiques pour qu’elles puissent avoir une vie comme celle des familles avec des enfants sans besoins spécifiques, c’est-à-dire que les parents puissent travailler, avoir du temps libre et dormir la nuit. La question est de savoir si nous atteignons nos objectifs ? Le

Europe et désinstitutionnalisation Quelle place pour l’enfant à besoins spécifiques au sein de la société civile ?- 14 & 15 mars 2013 - Paris 29 problème est que parfois la famille est entourée de tellement de spécialistes qu’elle a du mal à coordonner tous les conseils qu’on lui donne. Les statistiques montrent que les parents d’enfants à besoins spécifiques sont plus souvent en arrêt maladie, car c’est fatiguant. Par ailleurs, le problème qui se pose au niveau des communes, c’est lorsque les familles demandent leurs droits, des soupçons s’éveillent, on se demande si la famille ne demande pas plus que ce dont elle a besoin. En fait, ce qui est remis en question, c’est le grand principe selon lequel la personne déficiente définit elle-même ce dont elle a besoin, car il y a quand même beaucoup d’argent en jeu. La personne à besoins spécifiques a le droit de recevoir de l’argent pour payer elle-même l’assistance personnelle et donc cela peut attirer les vampires...

Bref, beaucoup de discussions tournent autour des dépenses que cela occasionne bien sûr. Mais très peu d’indications portent à croire que la législation va être changée car elle est très soutenue et l’opposition n’est pas vraiment coordonnée.

Par ailleurs, politiquement, il ne serait pas de bon ton de s’y opposer. Cependant, les contrôles sont plus pointus en matière d’allocation et d’assistance personnelle.

Pour l’instant, il n’existe pas de critère particulier quant à la spécialité de la personne en mesure d’entériner les besoins exprimés par la personne : cela peut être un psychologue, un médecin, cela peut être n’importe qui. Par contre, en ce qui concerne les besoins spécifiques en matière de scolarité, on a besoin d’un certain nombre d’avis de personnes bien définies tels que des pédagogues, des psychologues, etc.

EN NORVEGE

Yves BOUTROUE

D’abord, tout porte sur la grande réforme des responsabilités décrétée en 1991, entérinée en 1993, puis atteinte en 1999. Cela ne paraît rien mais c’est d’une brutalité extraordinaire : en l’espace de cinq ou six ans, 5 000 personnes ont été déménagées de leurs institutions et envoyées dans leurs communes d’origine. Il s’agissait parfois de grosses institutions, la dernière comptait huit cents personnes.

Ces institutions se sont développées après-guerre, elles ont atteint leur développement maximal dans les années 1960. Toutes ces personnes déficientes ont donc été renvoyées, entre 1992 et 1999, dans leurs communes d’origine, dans des logements individuels plus ou moins adaptés, la responsabilité principale incombant à la commune. Donc imaginez cette révolution dans un petit pays : cinq mille personnes vivant pour beaucoup depuis leur plus tendre enfance en institution, parachutées tout à coup dans des petites communes aux alentours.

Imaginons aussi les fonctionnaires municipaux voyant débarquer toutes ces personnes dont ils ignoraient jusqu'à l’existence parfois. Cette réforme est encore

Europe et désinstitutionnalisation Quelle place pour l’enfant à besoins spécifiques au sein de la société civile ?- 14 & 15 mars 2013 - Paris 30 en vigueur à l’heure actuelle (même s’il y a des hauts et de bas, mais on en reparlera).

Les grands principes sont donc l’inclusion et non l’intégration. En fait, l’intégration consiste à permettre à un groupe d’individus d’intégrer des dispositifs généraux.

Quant à l’inclusion, elle consiste à faire en sorte que la société soit conçue de telle manière que tous les individus, quel que soit leur point de départ et quelle que soit leur particularité, aient leur place sans dispositif spécial. J’évoquerai un autre terme important : la normalisation. La normalisation, c’est de faire en sorte que, quel que soit le problème, la personne puisse vivre une vie qui se rapproche le plus possible de la normale – je n’ai pas dit la norme, j’ai dit la normale. Le principe est de considérer comme normal d’être déficient, cela fait partie des différences entre les gens. C’est un grand principe de la fameuse loi des responsabilités. Il y a beaucoup de discussions, notamment au niveau des installations culturelles sur la manière de faire pour que cela soit de l’inclusion et non de l’intégration, non pas de faire des aménagements mais d’avoir dès le départ des conceptions universelles. Tous les humains, quelles que soient leurs différences, doivent pouvoir avoir accès aux musées, à l’opéra, etc. Beaucoup de discussions prennent place à l’heure actuelle en Norvège, notamment sur les stratégies de recrutement : par exemple pourquoi ne pas recruter dans un musée une personne atteinte de déficience ? L’objectif est d’habituer les gens à ce que la personne soi-disant déficiente fasse partie du paysage. Cette loi compte beaucoup sur le temps : on estime qu’en l’espace de quelques générations, il n’y aura pas un seul Norvégien, pas un seul Suédois qui jamais, au cours de sa scolarité par exemple, n’aura pas eu affaire avec une personne déficiente à ses côtés. C’est un genre « d’habituation », j’allais dire. Il y a des hauts et des bas bien sûr, nous sommes en pleine période de libéralisme (la place au plus fort ou au plus malin), et bien évidemment les personnes atteintes de déficience ne sont pas forcément les plus fortes ou les plus malignes. Nous sommes donc à l’heure actuelle dans une période relativement difficile pour les personnes qui sont du côté des faibles (mais cela vaut pour tout le monde, même en France, le pays de la démocratie). Et donc, même en Norvège qui est un pays riche et où il y a moins de différences entre les plus riches et les plus pauvres (pourvu que cela dure), il y a aussi des problèmes pour faire respecter cette loi. Il y a de fortes pressions politiques actuellement pour remettre cette réforme sur les rails, en particulier par les municipalités qui, par de savants calculs ont peut-être découvert

Quant à l’inclusion, elle consiste à faire en sorte que la société soit conçue de telle manière que tous les individus, quel que soit leur point de départ et quelle que soit leur particularité, aient leur place sans dispositif spécial. J’évoquerai un autre terme important : la normalisation. La normalisation, c’est de faire en sorte que, quel que soit le problème, la personne puisse vivre une vie qui se rapproche le plus possible de la normale – je n’ai pas dit la norme, j’ai dit la normale. Le principe est de considérer comme normal d’être déficient, cela fait partie des différences entre les gens. C’est un grand principe de la fameuse loi des responsabilités. Il y a beaucoup de discussions, notamment au niveau des installations culturelles sur la manière de faire pour que cela soit de l’inclusion et non de l’intégration, non pas de faire des aménagements mais d’avoir dès le départ des conceptions universelles. Tous les humains, quelles que soient leurs différences, doivent pouvoir avoir accès aux musées, à l’opéra, etc. Beaucoup de discussions prennent place à l’heure actuelle en Norvège, notamment sur les stratégies de recrutement : par exemple pourquoi ne pas recruter dans un musée une personne atteinte de déficience ? L’objectif est d’habituer les gens à ce que la personne soi-disant déficiente fasse partie du paysage. Cette loi compte beaucoup sur le temps : on estime qu’en l’espace de quelques générations, il n’y aura pas un seul Norvégien, pas un seul Suédois qui jamais, au cours de sa scolarité par exemple, n’aura pas eu affaire avec une personne déficiente à ses côtés. C’est un genre « d’habituation », j’allais dire. Il y a des hauts et des bas bien sûr, nous sommes en pleine période de libéralisme (la place au plus fort ou au plus malin), et bien évidemment les personnes atteintes de déficience ne sont pas forcément les plus fortes ou les plus malignes. Nous sommes donc à l’heure actuelle dans une période relativement difficile pour les personnes qui sont du côté des faibles (mais cela vaut pour tout le monde, même en France, le pays de la démocratie). Et donc, même en Norvège qui est un pays riche et où il y a moins de différences entre les plus riches et les plus pauvres (pourvu que cela dure), il y a aussi des problèmes pour faire respecter cette loi. Il y a de fortes pressions politiques actuellement pour remettre cette réforme sur les rails, en particulier par les municipalités qui, par de savants calculs ont peut-être découvert