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RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE

Vous m’avez transmis le 7 janvier dernier, pour réponse, un chapitre relatif à « L’hébergement et le logement des personnes sans domicile pendant la crise sanitaire du printemps 2020 » destiné à figurer dans le rapport public annuel 2021 de la Cour des comptes.

Je vous prie de bien vouloir trouver ci-après les éléments dont je souhaite vous faire part.

Je tiens en premier lieu à souligner la qualité du travail en profondeur réalisé par la Cour, qui met en avant, à juste titre, la multiplicité des actions entreprises par l’État en faveur des personnes sans domicile pendant la période de confinement sanitaire et au-delà.

Face à cette crise, la préoccupation constante du Gouvernement a été de protéger nos concitoyens les plus précaires et les plus démunis en lien avec les associations, les collectivités locales et leurs services, conformément aux souhaits du Président de la République. Je tiens également à souligner l'engagement constant des services de l’État, tant au niveau central qu’au niveau déconcentré, pour assurer la continuité d’activité des opérateurs du secteur tout en définissant et mettant en œuvre des dispositifs exceptionnels de soutien.

La mobilisation des associations, des préfets avec leurs services, des personnels de santé et des collectivités locales mérite tout spécialement d’être saluée : avec une bonne articulation, elle a permis d’assurer une réelle réactivité et d’accompagner et soutenir les initiatives prises par l’ensemble de ces acteurs.

I - Gestion de la crise et actions engagées au printemps 2020 Durant cette période, sous la responsabilité du ministre chargé de la ville et du logement puis de la ministre déléguée chargée du logement, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) ont joué un rôle d’initiative et de coordination particulièrement important. Très rapidement, comme la Cour le souligne, il a été possible de mobiliser un grand nombre de places en hôtels ou en résidences pour permettre aux préfets et leurs services de soutenir les actions de mise à l’abri tout en réduisant très fortement les expulsions locatives afin de ne pas créer de nouvelles situations de précarité. Un dispositif exceptionnel et subsidiaire de chèques services de 50 millions d’euros ainsi que des subventions complémentaires ont permis d’assurer le renforcement des dispositifs d’aide alimentaires destinés aux publics en grande difficulté. Ces actions ont eu des résultats visibles comme par exemple, ainsi que l’a constaté la Cour, une chute drastique des demandes d’hébergement au 115, signe d’une réponse forte aux besoins.

Des liens renforcés ont été également construits avec l’ensemble des réseaux d’acteurs, notamment les gestionnaires de foyers de travailleurs migrants, d’aires d’accueil des gens du voyage, de structures de logement adapté, des dispositifs “Un chez-soi d’abord” et les opérateurs intervenant auprès des personnes vivant en bidonvilles ou encore les délégués du Conseil national et des Conseils régionaux des personnes accueillies et accompagnées (CNPA/CRPA). Comme le souligne le rapport, ce mode d’action a eu, grâce au concours des services territoriaux de l'État, des résultats concrets très positifs sur le terrain. Il est à noter que des conférences particulièrement fréquentes avec l’ensemble des parties prenantes, animées par les ministres eux-mêmes, ont permis un pilotage resserré et le traitement le plus rapide possible des difficultés rencontrées par les opérationnels. L’organisation en cellules de crise - par exemple à la DGCS dès le 27 février - et les liens étroits créés entre les acteurs et les décideurs ont permis de nombreux ajustements au fil de l’eau. Cette interaction, à la fois auprès des bénéficiaires et des équipes, a par exemple abouti à l’émission de fiches réflexes adaptées au terrain et à la mise en place de cellules d’écoute dédiées, notamment sur les aspects de réduction des risques liés aux addictions et à la santé mentale.

Selon la Cour, les opérateurs du secteur de l’hébergement et du logement ont été soumis à des injonctions contradictoires et largement livrés à eux-mêmes pour assurer la continuité de leurs activités et la protection des personnes. Sur ce sujet, je voudrais insister sur le fait que la DGCS a transmis les premiers éléments d’information aux opérateurs (guide méthodologique de préparation des risques épidémiques covid-19) dès le 21 février 2020. À partir de cette date, ces mêmes opérateurs ont été régulièrement destinataires de fiches de recommandations spécifiques, tant de la part de la DGCS que de la DIHAL, pour adapter leur organisation et limiter les risques de propagation du virus dans leurs établissements. Ces recommandations ont fait l’objet d’ajustements deux fois par semaine, basés sur les retours d’expérience transmis.

Le rapport indique que l’organisation de la gestion de crise ne s’est pas suffisamment appuyée sur les outils opérationnels qui auraient dû être disponibles avant le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire. Ce constat doit être nuancé car les outils déployés se sont largement inspirés de ceux construits pour la pandémie de grippe H1N1.

De plus, les administrations ont pu s’appuyer, en amont de la déclaration d’urgence sanitaire, sur le réseau des référents de crise au sein de chaque administration centrale qui, en lien avec le CORRUS, a travaillé à la définition de consignes organisationnelles largement inspirées des expériences passées.

Le rapport évoque à travers un témoignage associatif,

« l’effondrement » des dispositifs de première ligne (accueils de jour, maraudes, aide alimentaire) non outillés au début de la crise pour maintenir leurs activités. Il doit être ici précisé que ces dispositifs reposent en grande partie sur des bénévoles souvent âgés de plus de 65 ans, considérés comme personnes à risques. Leur retrait a contraint les structures concernées dans un premier temps à limiter leurs activités, mais ensuite à se réorganiser. Contrairement à ce qui est indiqué dans le rapport, aucune fiche de recommandation ne conseillait aux structures de faire appel au15 pour les suspicions de covid-19. De même, la solution alternative à la mobilisation des urgences n’a pas été de contraindre les structures à garder les personnes malades sur place, la mise en place de centres d’hébergement spécialisés (CHS) s’effectuant dès le mois de mars.

II - Premier bilan des mesures exceptionnelles et préparation de l’avenir

Au niveau de la mobilisation hôtelière, des précisions méritent d’être apportées sur l’analyse des coûts réalisée par la Cour. En premier lieu, il importe de ramener les coûts au tarif par chambre pour établir des comparaisons. À ce titre, l’accord-cadre négocié avec l’Union des Métiers et Industries de l’Hôtellerie (UMIH) a permis d’obtenir des prix inférieurs à ceux pratiqués normalement, y compris dans le cadre par exemple de l’activité du Samu Social de Paris. Comme l’indique la Cour, c’est essentiellement le fait d’accueillir des isolés, là où ce sont des familles qui sont plus souvent hébergées, en raison de la crise sanitaire qui a abouti à un coût supérieur par personne. Ensuite, s’agissant des éventuels coûts cachés liés aux risques de dégâts, s’il est exact que l’accord-cadre conclu avec l’UMIH prévoyait une clause de remise en l’état des chambres en cas de dégradations, il peut être confirmé à la Cour que le risque estimé « en ordre de grandeur et sous toute réserve » de 50 millions d’euros pour l’État n’est en rien vérifié par les faits. En réalité, très peu de cas de dégradations ont été identifiés, sans conséquence financière au niveau central. Au contraire, il a été noté une occupation la plupart du temps paisible des locaux.

En ce qui concerne les chèques services, le retour d’évaluation organisé par la DIHAL montre que le besoin était réel, et que les chèques ont pleinement atteint leur cible en étant distribués aux personnes sans domicile et sans ressources ne pouvant accéder à un service de restauration par ailleurs. Je tiens à noter la grande responsabilité des acteurs chargés de la distribution de ces chèques services, dans un contexte particulièrement difficile et pour un dispositif exceptionnel, totalement inédit. Il est à souligner que le nombre d'incidents est très marginal au regard des effets particulièrement positifs du dispositif.

S’agissant du nombre de contaminations et de décès dans les foyers de travailleurs migrants, il est difficile d’apporter des éléments explicatifs à ce stade car la plupart des études sont encore en cours d’exploitation. Pour autant, il est avéré que la densité de population dans certains centres, la proximité et le temps passé dans l’établissement sont des facteurs de risque identifiés. La DGCS et la DIHAL se sont d’ailleurs concentrées sur l’accompagnement pour favoriser la prise en charge rapide des résidents malades, la fourniture de masques et de tests, l’élaboration de fiches-réflexe, ainsi que la mobilisation des équipes mobiles. À ce titre et pour l’ensemble du secteur de l’hébergement, un effort particulier a été fait pour desserrer les centres afin d’assurer autant que possible, une distanciation physique. Plus globalement, il est important de souligner le rapprochement bénéfique entre le secteur social et le secteur sanitaire qui s’est mis en place à la faveur de cette crise. Au-delà du partenariat entre les Agences régionales de santé et les centres hospitaliers spécialisés (CHS), des équipes mobiles sanitaires ont été mobilisées pour intervenir dans les centres d’hébergement, dans les campements et lors des maraudes.

Ces premiers enseignements se sont traduits par des mesures dans le cadre du Ségur de la santé, notamment la mesure 27 prévoyant de financer des équipes mobiles pluridisciplinaires renforcées, constituées autour d’un binôme “santé-social” (équipes mobiles psychiatrie-précarité et santé, ACT à domicile, SSIAD psychiatrie-précarité, LHSS et PASS mobiles), ou encore la création de 500 lits « halte soins santé » supplémentaires pour les patients les plus précaires confrontés aux addictions ou aux troubles psychiques. Enfin, s’il peut être noté la faible utilisation des CHS, il a été choisi de maintenir par précaution une capacité d’environ 900 places afin de répondre le cas échéant à un afflux de cas confirmés issus d’hébergements ou de campements.

S’agissant de la préparation de l’avenir, la crise sanitaire du covid-19 et le confinement ont démontré plus que jamais le rôle protecteur du logement, tant pour les personnes à titre individuel que pour la collectivité dans son ensemble. Pour les personnes en grande précarité sociale, en situation d’urgence sur le plan de la santé, la stratégie du « Logement d’abord » adoptée par le Gouvernement facilite la prévention et la gestion des risques. C’est pourquoi j’ai décidé de renforcer cette stratégie en 2021 comme l’a préconisé la Cour dans son rapport relatif au « Logement d’abord », par la mise en place d’une nouvelle gouvernance coordonnée et d’un service public de la rue au logement pour une action publique plus cohérente et plus efficiente dans la lutte contre le sans-abrisme. Au regard de ce projet, je ne peux que souscrire aux conclusions et recommandations de la Cour qui met en avant l’importance, « d’une transformation structurelle de la situation des personnes sans domicile, dans un effort national pour accélérer leur accès au logement ».

Ce nouveau cadre étant posé, je partage la recommandation de la Cour d’effectuer un retour d’expérience partagé sur la gestion des politiques en faveur des personnes sans domicile pendant l’état d’urgence sanitaire, en confiant cette mission étant interministérielle à la DIHAL. Des actions très concrètes ont d’ores et déjà été menées avec le financement d’une quarantaine de projets d’accompagnement vers un habitat adapté de personnes en grande marginalité échappant jusque-là aux mesures gouvernementales et rendues visibles lors de la crise. Pour ce qui concerne le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), la réforme en cours contribuera à une meilleure prise en charge de l'accompagnement des personnes sans domicile grâce à la simplification des procédures et un apport supplémentaire de 15 millions d’euros de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). De même, une réflexion sera engagée sur les moyens permettant de corriger les dysfonctionnements constatés sur les dispositifs d’accès au logement social par les personnes sans domicile, avec comme objectif d’éviter la saturation des dispositifs d’hébergement en cas de crise prolongée, ceci à mettre en regard avec les objectifs importants que fixe l’État en matière de production de logements sociaux PLAI pour les ménages très modestes.

RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE L’UNION SOCIALE POUR L’HABITAT (USH)