• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1. Introduction

1.1 Régulation de l’expression des gènes dans les organelles des plantes

1.1.5 Réplication, recombinaison et réparation de l’ADN des organelles

1.1.5.2 Réplication

Les mécanismes de réplication de l’ADN des organelles de plantes demeurent mal compris. La réplication de l’ADNmt en particulier a été très peu étudiée. Des évidences récentes suggèrent l’existence d’un mécanisme de réplication par cercle roulant (rolling circle) pour le génome de cette organelle (66). La réplication de l’ADNpt est un peu mieux comprise. Ainsi, l’observation par microscopie électronique de structures semblables à des boucles D et des cercles roulants, des intermédiaires réplicatifs bien connus, a permis d’établir le modèle classique pour la réplication de l’ADNpt (67). Celui-ci propose l’existence de deux origines de réplication sur le génome monomérique circulaire qui donnent naissance à des boucles D initiées sur des brins opposés. En polymérisant l’ADN, les boucles convergent l’une vers l’autre et sont converties en une bulle réplicative bidirectionnelle. Les deux fourches de réplication de la bulle finissent par se rencontrer à 180° des origines de réplication et à cet endroit, la réplication cesse. Ceci donne naissance à deux duplexes circulaires contenant chacun un bris simple-brin. Ce bris peut être réparé par ligation, produisant un nouveau génome circulaire monomérique ou encore l’extrémité 3’-OH peut être allongée par une ADN polymérase, ce qui résultera en un cercle-roulant capable de produire des génomes concatémériques (Figure 4). Ce modèle a lancé une course à la découverte des origines de réplication de l’ADNpt. Le clonage de fragments de génomes couplé à des essais de réplication in vitro ont permis d’identifier un certain nombre

d’origines de réplication potentielles dans l’ADNpt de plusieurs espèces de plantes (revue dans (44)). Les études les plus précises à ce jour ont établi que dans le chloroplaste de tabac, deux origines de réplication (OriA et OriB) se trouvaient dans les régions répétées inversées (68). Cependant, l’abolition ou la mutation de ces origines de réplication in vivo n’affecte pas substantiellement les niveaux d’ADNpt dans la plante, suggérant que d’autres origines de réplication existent et/ou sont utilisées en absence de OriA et OriB. Il est aussi possible que le mécanisme de réplication de l’ADNpt ne nécessite pas d’origine de réplication particulière (69, 70). Récemment, la découverte de structures complexes branchées dans l’ADN des plastides et des mitochondries a permis de proposer un mécanisme de réplication de l’ADN des organelles dépendant de la recombinaison (RDR). Ce mode réplicatif est semblable à celui utilisé normalement par le bactériophage T4 ou celui de la bactérie lorsque la réponse SOS aux dommages à l’ADN est induite (38, 41, 42, 71, 72) (Figure 4). Il est en effet maintenant bien établi que la réplication et la recombinaison ne constituent pas des mécanismes indépendants mais sont plutôt fortement interconnectés (73). Un tel mécanisme pourrait facilement produire des concatémères, des cercles, des molécules linéaires et des structures branchées et complexes qui autrement sont difficiles à expliquer en utilisant le modèle de réplication classique ori-dépendent.

La compréhension définitive du mécanisme de réplication de l’ADN dans les organelles de plante ne pourra être possible que lorsque les acteurs protéiques de ce processus auront été identifiés. Encore une fois, la plupart de ces protéines demeurent inconnues. Chez Arabidopsis, deux ADN polymérases (At3g20540;AtPolγ1 et At1g50840l;AtPolγ2) de type γ sont ciblées aux plastides et aux mitochondries. Ce type de polymérase est responsable de la réplication et de la réparation de l’ADN dans les mitochondries des animaux et des levures (74). AtPolγ1 encode un PT qui la cible aux deux organelles tandis qu’AtPolγ2 produit deux PT différents en utilisant des codons d’initiation alternatifs (75). Récemment, deux homologues de ces protéines dans le tabac NtPolI-like1 et NtPolI-like 2 ont également été montrés comme étant ciblés aux deux organelles (76).

Origine du cercle roulant Réplication Invasion Boucle D Progression de la fourche Résolution

Invasion Boucle D Réplication

Réplication Établissement de la fourche réplicative

A

B

C

D

Figure 4. Modèles pour la réplication de l’ADN plastidique. A. Modèle des deux boucles D. B. Réplication en cercle-roulant initiée par une brisure simpli-brin (nick). C. Réplication dépendante de la recombinaison sur une matrice circulaire produisant un cercle contenant une bulle réplicative unidirectionnelle avec une queue. D. Réplication dépendante de la recombinaison sur une matrice linéaire produisant une molécule branchée. Pour plus de détail voir la description de chacun des mécanismes dans le texte (Figure adaptée de (44)).

Dans cet article, les auteurs classifient les polymérases d’organelles de plantes comme faisant partie des polymérases de type I plutôt que du type γ. Les polymérases eubactériennes de type I sont considérées comme étant le prototype à partir duquel les homologues eucaryotes nucléaires et mitochondriaux ont évolué. La preuve génétique de l’implication de ces polymérases dans la réplication, la recombinaison ou la réparation de l’ADN des organelles n’a cependant pas encore été produite.

Les gyrases sont des topoisomérases de type II d’origine eubactérienne qui régulent le niveau de surenroulement de l’ADN et qui sont donc importantes pour la réplication, la recombinaison, la réparation ainsi que la transcription. Elles peuvent créer de l’ADN surenroulé négativement ou relaxer l’ADN surenroulé positivement en utilisant l’ATP comme source d’énergie (revue dans (77)). Les gyrases s’assemblent généralement sous forme de tétramères contenant deux sous-unités de chacune des gyrases A et B. Des homologues des 2 types de gyrases ont été trouvés chez les plantes et sont localisés dans les organelles (78, 79). Chez Arabidopsis, l’homologue de la gyrase A (At3g10690) encode une protéine ciblée aux deux organelles. Deux homologues des gyrases B sont aussi ciblés aux organelles: At3g10270, dont la protéine est doublement ciblée grâce à l’utilisation de codons d’initiation alternatifs et At5g04130, dont la protéine est localisée uniquement dans les plastides (75, 79). La délétion de ces gènes peut être létale au niveau embryonnaire (gyrase A) ou encore produire des plantes difformes, naines et incapables de se reproduire (gyrases B). Ceci souligne l’importance de ces gènes pour la survie de la plante (79). L’utilisation de la technique du « virus-induced gene silencing » (VIGS) chez Nicotiana benthamiana, un proche parent du tabac, a permis de mieux comprendre les rôles des gyrases dans les organelles de plantes (78). Les gyrases A et B de cette espèce possèdent aussi des PT qui ciblent ces protéines aux deux organelles. Une diminution des niveaux d’expression de ces gènes par VIGS perturbe le développement des chloroplastes, ce qui se traduit par la formation de secteurs jaunes et blancs à la surface des feuilles dans les régions où le virus a été injecté. La visualisation des mitochondries de ces secteurs a montré qu’elles avaient aussi une morphologie altérée. Le contenu en ADN des organelles dans les secteurs affectés était plus élevé que dans les régions vertes des feuilles et des analyses par

électrophorèse en champ pulsé ont établi que la structure de l’ADN des chloroplastes était fortement modifiée. Les auteurs de cette étude suggèrent que les gyrases d’organelles seraient importantes pour la partition des nucléoïdes entre organelles-filles ainsi que pour la résolution des structures branchées produites par la réplication et la recombinaison. L’implication des gyrases dans la réplication de l’ADNpt est également supportée par l’inhibition de ce processus par des inhibiteurs spécifiques de l’activité des gyrases (80). À ce jour, les gyrases sont les protéines impliquées dans la réplication de l’ADN des organelles de plante les mieux caractérisées. De façon intéressante, elles constituent également des cibles pharmacologiques de choix dans la lutte contre le paludisme. En effet, l’apicoplaste (plastide non-photosynthétique) de Plasmodium falciparum, l’agent pathogène causant la malaria, utilise des homologues de gyrases dans le métabolisme de son ADN et des inhibiteurs de gyrases inhibent la croissance de cet organisme (revue dans (81)).

Le mécanisme exact de réplication de l’ADN des organelles de plantes demeure nébuleux. Il est probable que plusieurs mécanismes différents permettent la passation de l’information génétique aux organelles-filles. D’autres études seront nécessaires avant de pouvoir identifier précisément quels mécanismes sont utilisés, dans quelles circonstances et quels sont les acteurs protéiques qui régulent la réplication.

Documents relatifs