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I. LA MITOCHONDRIE

I.2. B IOENERGETIQUE MITOCHONDRIALE

I.2.3. Régulation de la phosphorylation oxydative

I.2.3.5. Régulation par les sirtuines

Depuis une dizaine d’années, de nombreuses études ont montré l’implication de la famille des sirtuines dans la régulation du métabolisme énergétique. Le premier membre de la famille des sirtuines mis en évidence chez Saccharomyces cerevisiae est la protéine Sir2 (silent information regulator 2), une histone déacétylase dépendante du NAD+ (Imai et al., 2000; Landry et al., 2000; Smith et al., 2000).

Les mammifères possèdent 7 sirtuines (SIRT1-7) qui sont caractérisées par un domaine central évolutivement conservé (Frye, 1999). Ce domaine contient l'activité catalytique et le site impliqué dans la liaison au NAD+. Toutes les sirtuines présentent deux grandes activités

enzymatiques : une activité déacétylase NAD+-dépendante et une activité

ADP-ribosyltransférase. Les sirtuines sont localisées dans différents compartiments sub-cellulaires. SIRT1, SIRT6 et SIRT7 se trouvent dans le noyau, SIRT2 est principalement cytosolique et SIRT3, SIRT4 et SIRT5 se trouvent dans les mitochondries.

Les sirtuines déacétylases catalysent une réaction couplant la déacétylation d'une lysine à l'hydrolyse du NAD++. Le fait que le fonctionnement des sirtuines soit dépendant du NAD++suggère que cette activité enzymatique est directement liée au statut énergétique cellulaire (Bitterman et al., 2002; Lin et al., 2000; Lin et al., 2002). Les niveaux de NAD+ et NADH sont intimement liés à la production d'énergie mitochondriale et régulent l'activité des sirtuines mitochondriales. Contrairement à NAD+, le NADH n’est pas un co-substrat des sirtuines. En effet, un changement du ratio NAD+/NADH peut changer l'état redox de la cellule et modifier l'activité des sirtuines (Canto et al., 2009). De plus, il a été montré que le 2-déoxyglucose (2-DG), un inhibiteur de la glycolyse, régule positivement l’expression de SIRT1 en réduisant la liaison du répresseur transcriptionnel HIC1 (hypermethylated in cancer

1) à CtBP (C-terminal binding protein), un co-répresseur transcriptionnel (Zhang et al., 2007). Ainsi, l’activation de la glycolyse diminuerait l’expression de SIRT1.

Les sirtuines mitochondriales SIRT3-5 (Haigis et al., 2006; Michishita et al., 2005; Onyango et al., 2002), participent à la régulation de la production d'ATP, le métabolisme cellulaire, l'apoptose et la signalisation cellulaire. Contrairement à la protéine SIRT1 de 100 kDa, les sirtuines mitochondriales sont de petite taille, allant de 30 à 40 kDa. Ainsi, leur séquence d'acides aminés se compose essentiellement d'une séquence d’adressage mitochondrial N-terminal et un domaine central. La fonction déacétylase NAD+-dépendante de SIRT3 et SIRT5 est bien définie; en revanche, il n'a pas été identifié de substrat acétylé de SIRT4 et il n’a été montré qu’une activité ADP-ribosyltransférase.

De toutes les protéines mitochondriales, les complexes de la phosphorylation oxydative sont parmi les plus fortement acétylés. De nombreux résidus lysine des complexes I-IV et l'ATP synthase sont ainsi modifiés par acétylation (Kim et al., 2006), laissant entendre qu'une sirtuine mitochondriale pourrait déacétyler ces résidus. Dans les mitochondries de foie de souris SIRT3-/-, l'acétylation du complexe I est augmentée et associée à une diminution de la consommation d'oxygène mitochondriale liée aux substrats du complexe I (glutamate + malate). Ceci suggère que SIRT3 pourrait être impliquée dans la régulation du fonctionnement mitochondrial via la déacétylation du complexe I (Ahn et al., 2008) Plus récemment, il a été montré que SIRT3 interagit non seulement avec le complexe I mais également avec le complexe II (Cimen et al., 2010).

Certains stress cellulaires conduisent les mitochondries à envoyer différents signaux dans le cytosol et le noyau pour alerter la cellule d’une modification de la fonction mitochondriale. En réponse, des modifications post-transcriptionnelles activent des mécanismes de défense à ce stress ou réparent les dommages cellulaires. Par exemple, la biogenèse mitochondriale exige un programme complexe de transcription capable de répondre aux besoins énergétiques de la cellule en coordonnant l'expression des gènes nucléaires et mitochondriaux (Scarpulla, 2002). Contrairement au contrôle transcriptionnel antérograde des

mitochondries par des régulateurs de transcription nucléaire comme PGC-1α (PPAR gamma

coactivateur 1 α), la voie de signalisation rétrograde de la mitochondrie vers le noyau est mal connue chez les mammifères. Bien qu'il n'y ait pas de preuve reliant directement les sirtuines à une voie de signalisation rétrograde, des changements d'activité des sirtuines

SIRT1 déacétyle et active PGC-1α, un facteur clé dans la régulation transcriptionnelle des gènes impliqués dans l'oxydation des acides gras et la phosphorylation oxydative (Gerhart-Hines et al., 2007; Rodgers et al., 2005). PGC-1α est aussi un régulateur transcriptionnel ayant un rôle central dans la biogenèse mitochondriale (Kelly and Scarpulla, 2004) Les modifications post-traductionnelles occupent aussi une place prépondérante dans la régulation de cette activité. Il a été montré que la déacétylation de PGC-1α augmente son activité activatrice de gènes impliqués dans le fonctionnement mitochondrial du tissu adipeux brun et du muscle squelettique (Lagouge et al., 2006). Les sirtuines mitochondriales et nucléaires ont donc un rôle régulateur du métabolisme cellulaire et pourraient ainsi être des cibles intéressantes dans la stratégie thérapeutique de nombreuses pathologies impliquant des anomalies du métabolisme cellulaire.

De nombreuses études ont mis en évidence que le resvératrol pouvait prévenir ou ralentir la progression d'une large variété de pathologies telles que le cancer (Jang et al., 1997), les maladies cardio-vasculaires (Bradamante et al., 2004), les ischémies cérébrales (Wang et al., 2002) et pouvait également améliorer la résistance au stress et augmenter la durée de vie de nombreux organismes, de la levure aux vertébrés (Howitz et al., 2003; Valenzano et al., 2006). Les mécanismes par lesquels le resvératrol exerce ces effets bénéfiques ne sont pas encore complètement identifiés. Hormis son activité antioxydante intrinsèque (Lopez-Velez et al., 2003; Tadolini et al., 2000), le resvératrol régule l'activité de différentes enzymes, incluant la sirtuine SIRT1 dont il est activateur allostérique. Le resvératrol se présente sous deux formes isomères, trans- et cis-, avec un passage de la forme trans- à la forme cis- par irradiation UV. Le trans-resvératrol est donc une molécule photosensible qu’une simple exposition à la lumière suffit à transformer de manière irréversible dans son isomère cis. L'isomère trans est la forme bioactive. Le resvératrol est un composé naturel polyphénolique retrouvé principalement dans la peau du raisin rouge et dans le vin rouge. Il augmente l'activité de SIRT1, augmentant ainsi la déacétylation de certaines protéines cibles de SIRT1 telles que PGC-1α (Lagouge et al., 2006). L'augmentation de l’activité de PGC-1α conduit à l’augmentation de l'expression du gène codant pour NRF-1. NRF-1 active TFAM et à son tour augmente la réplication et la transcription de l'ADN mitochondrial (Scarpulla, 2002). Le resvératrol via SIRT1 semble ainsi augmenter la biogenèse mitochondriale.

Le resvératrol aurait également un rôle protecteur dans le développement des maladies neurodégénératives. Une étude réalisée dans une lignée cellulaire de neuroblastome a montré

qu’il pourrait empêcher les effets toxiques de l’alpha-synucléine dans la maladie de Parkinson (Albani et al., 2009). Dans un modèle murin de la maladie d'Alzheimer, l'administration de resvératrol entraînerait une diminution de la formation de la plaque β-amyloïde (Karuppagounder et al., 2009). Le resvératrol pourrait également permettre la réduction de la neurodégénérescence dans l'hippocampe et empêcher la réduction des capacités d’apprentissage (Kim et al., 2007; Vingtdeux et al., 2008). Cependant, malgré ces effets bénéfiques, les résultats concernant le resvératrol sont contradictoires et il a été montré qu’il avait également, selon les concentrations utilisées, des effets oxydants. Cet effet pro-oxydant est susceptible d'être tenu responsable des effets cytotoxiques, anti-prolifératifs et même pro-apoptotiques de ce composé (Ahmad et al., 2003; de la Lastra and Villegas, 2007).

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