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Régulation de l’utilisation des acides aminés dans l’aire splanchnique par la demande en

Chez les Ruminants, les besoins en AA par l’organisme sont particulièrement intenses chez la vache laitière en lactation (ou en gestation) ou chez les bovins en forte croissance. Un exemple extrême d’augmentation de l’utilisation des AA par les tissus périphériques est le traitement à l’hormone de croissance (GH) (ou somatotropine) qui favorise la croissance et l’efficacité d’utilisation des AA alimentaires vers l’accrétion protéique musculaire (Caperna et coll., 1991; Etherton & Bauman, 1998). Nous nous intéresserons à savoir dans quelle mesure des modifications de besoin en AA des tissus périphériques influencent les prélèvements nets d’AA par les tissus splanchniques puis les voies métaboliques et les tissus ou organes potentiellement responsables des modulations de prélèvement. La majorité des études rapportées dans cette partie concernent l’impact de la GH sur l’utilisation des AA (catabolisme et synthèse protéique); les données comparatives entre vaches en lactation et vaches taries sont en effet moins nombreuses.

Toujours chez la vache en lactation, les besoins en glucose sont également intenses, ce qui peut avoir des répercussions sur l’utilisation des AA pour la néoglucogenèse. Ces phénomènes ont été étudiés chez des vaches laitières en période pré- et post-partum ou sur des modèles expérimentaux d’animaux excrétant des quantités importantes de glucose dans l’urine (injection de phlorizine) (Overton et coll., 1998).

4.1. Emission nette et catabolisme splanchnique des AA

Sauf conditions nutritionnelles particulières (ex : niveau d’alimentation inférieur à l’entretien), l’apparition nette d’AA en veine porte et le captage hépatique d’AA répond globalement à une loi d’action de masse. C'est-à-dire que plus les AA sont fournis dans l’alimentation, plus on voit apparaître d’AA en veine porte et plus ils sont captés par le foie. Ceci conduit à des taux stables d’extraction hépatique d’AA en fonction de l’apparition nette portale (Reynolds, 2006) (Tableau 7). Il existe cependant des cas pour lesquels l’extraction hépatique d’AA est clairement diminuée : lorsque les vaches sont en lactation ou lorsque des animaux sont en forte croissance et/ou soumis à un traitement à la GH (Reynolds, 2006). En effet, chez des taurillons, le pourcentage de prélèvement hépatique d’AA passe de 76 à 36 % de l’apparition nette portale suite à un traitement à la GH ou de 63 à 27 % à faible niveau d’alimentation (Reynolds et coll., 1992a). De même, les taux d’extraction hépatique sont de l’ordre de 20 - 40 % chez des vaches en lactation (Reynolds, 2006; Blouin et coll., 2002) alors que ces valeurs sont plus élevées chez les vaches taries ou les bouvillons en croissance (de 40 à 100 %, Reynolds et coll., 1991 et 1992a; Reynolds, 2006;

Taniguchi et coll., 1995; Lapierre et coll., 2000) (Tableau 7). Ceci se traduit par une émission nette splanchnique très importante en AA pour fournir les AA nécessaires aux processus anaboliques et ainsi favoriser la croissance ou la lactation (Figure 36). En parallèle d’une émission splanchnique d’AA accrue, l’émission hépatique d’urée est diminuée (Reynolds et coll., 1992a; Bruckental et coll., 1997) sans modification majeure du recyclage de l’urée ni de la digestibilité de la ration (Bruckental et coll., 1997). Une diminution du catabolisme des AA, comme de la phénylalanine (en particulier dans le foie), a d’ailleurs été démontrée suite aux traitements à la GH chez le porcelet perfusé avec de la phénylalanine marquée (Bush et coll., 2003) ainsi qu’une réduction de l’activité des enzymes de l’uréogenèse hépatique (carbamyol phosphate synthase I, arginosuccinate synthase …) (Bush et coll., 2003). Concernant le tube digestif, l’impact du traitement à la GH est mineur relativement aux effets sur le foie. Les apparitions nettes portales d’AA (Reynolds et coll., 1992a; Bruckental et coll., 1997) mais aussi les activités d’enzymes cataboliques (données sur porcelet : Bush et coll., 2002) étaient peu modifiées.

Figure 36 Effet de la demande des tissus périphériques sur a) le bilan net en azote α-aminé (mmol/h) au niveau splanchnique (tissus drainés par la veine porte (TDVP), foie et tissus splanchniques (TSP = TDVP + Foie)) b) l’apparition nette portale et l’émission nette splanchnique d’azote α-aminé (mmol/h) chez des bouvillons (d’après Bruckental et coll., 1997). L’infusion de hormone de croissance (GH) engendre une demande accrue des tissus périphériques en nutriments.

Ainsi, une profonde réorientation de l’utilisation des AA entre l’aire splanchnique (et en particulier le foie) et les tissus périphériques (mamelle, muscle) s’est mise en place d’une manière totalement indépendante de l’afflux alimentaire de substrats. Cependant, l’effet de la GH sur le foie et les muscles peut être modulé en fonction de l’état nutritionnel des animaux (Reynolds et coll., 1992a; Davis et coll., 2004) ainsi que par de nombreux autres facteurs (âge des animaux, mode d’apport de la GH et durée du traitement….) (Davis et coll., 2004). Une étude récente de Wilson et coll. (2008) montre en effet, chez des porcelets, par une technique de clamps en glucose, insuline et AA, qu’un apport en AA correspondant à un état nourri était nécessaire pour permettre une stimulation de la synthèse protéique musculaire par la GH. L’augmentation de la synthèse protéique musculaire étant substantielle, un apport accru de substrats (AA) au muscle est nécessaire et il est probable que les réponses splanchniques sus-citées dépendent du niveau d’apport alimentaire azoté. Il faut rappeler ici que, bien que cohérents avec les hypothèses formulées chez les ruminants (Reynolds et coll., 1992a), les résultats présentés sur Monogastrique concernent le porcelet et ne sont pas nécessairement extrapolables au Ruminant.

4.2. Synthèse protéique splanchnique

L’impact de la GH sur la croissance et la synthèse des protéines musculaires n’est plus contesté chez les Ruminants et les Monogastriques dans un bon état nutritionnel (Eisemann et coll., 1989; Fryburg & Barrett, 1993; Boisclair et coll., 1994; Bush et coll., 2003), ce qui crée un besoin intense en AA pour ces tissus. En parallèle, la synthèse protéique dans les TDVP est augmentée chez le porcelet sans impact sur la dégradation (Bush et coll., 2003). Chez les bouvillons traités à la GH, une augmentation de la synthèse protéique absolue (en g / jour) dans l’intestin grêle a été montrée sans aucun impact sur le foie (Eisemann et coll., 1989). Cependant, le poids du foie est augmenté après traitement à la GH, suggérant une diminution de la dégradation protéique. Par conséquent, comme pour l’oxydation développée plus haut, la synthèse protéique splanchnique répond à l’apport de GH de manière différente selon les tissus et semble agir principalement sur le foie.

Il existe très peu de données concernant le métabolisme protéique des tissus splanchniques en fin de gestation ou de lactation chez les ruminants. Cependant, il a été montré chez la vache laitière (Bell, 1995) et le rat (Ling et coll., 1987), une augmentation de la synthèse des protéines hépatiques dans la période de mise bas malgré une absence de modification majeure de l’ingéré (Figure 37). Les modifications importantes de l’état inflammatoire et le stress métabolique liés à la

parturition peuvent expliquer cette augmentation de synthèse protéique hépatique, en particulier les protéines de la réaction inflammatoire.

Figure 37 Synthèse protéique fractionnaire (% / j) dans le foie de vaches Holstein à différents stades du cycle reproduction-lactation. (Bell, 1995)

4.3. Néoglucogenèse

Des agnelles soumises à une perfusion de phlorizine présentent une excrétion urinaire de glucose représentant environ 50 % de leur flux corporel (Overton et coll., 1998), ce qui, expérimentalement, crée un besoin en glucose important chez ces animaux. De même, chez des agnelles en début de lactation, la production de glucose corporel augmente pour subvenir aux besoins en glucose de la mamelle (Wilson et coll., 1983; Bell, 1995). Le traitement à la phlorizine se traduit par une augmentation de l’urée plasmatique, suggérant un catabolisme (en particulier hépatique) accru des AA. Une augmentation de l’utilisation des AA pour maintenir la néoglucogenèse chez ces animaux a été confirmée sur hépatocytes d’agnelles traitées ou non à la phlorizine. En effet, après 72 heures de traitement à la phlorizine, la conversion de l’alanine en glucose augmente plus (+ 285 % vs témoin) que celle du propionate en glucose (+166 % vs témoin), suggérant une contribution accrue des AA pour la néoglucogenèse lorsque la demande en glucose augmente fortement. L’augmentation d’utilisation des AA pour la néoglucogenèse peut s’expliquer par une augmentation de l’expression de la pyruvate carboxylase qui intervient dans la synthèse de glucose à partir du lactate et des AA néoglucogéniques (comme l’alanine) (Bradford & Allen,

2005). Or, l’expression de la pyruvate carboxylase est fortement corrélée à l’activité de cette enzyme (Greenfield et coll., 2000). Une forte augmentation de l’ARNm de la pyruvate carboxylase est également constatée dans les jours qui suivent la mise bas chez la vache laitière sans modification de l’ARNm de la phosphoenol pyruvate carboxykinase (Greenfield et coll., 2000) (Figure 38). Ceci implique une modulation du métabolisme hépatique du glucose en faveur d’une utilisation accrue du lactate et/ou des AA pour la néoglucogenèse.

Figure 38 Effet du jours pré ou post vêlage sur l’abondance des ARNm de la phosphoenolpyruvate carboxykinase (PEPCK ; ●) et de la pyruvate carboxylase (PC ; ■) (Greenfield et coll., 2000).

Les lettres majuscules différentes indiquent des différences (P<0.05) entre les jours pour la quantité d’ARNm de PEPCK. Les lettres minuscules différentes indiquent des différences (P<0.05) entre les jours pour la quantité d’ARNm de PC.

Dans le cas où les besoins des tissus périphériques en AA ou en glucose sont augmentés (ex : lors d’une forte croissance ou lors du pic de lactation), une modification importante de l’utilisation splanchnique des AA est constatée, essentiellement au niveau hépatique avec une diminution forte du catabolisme des AA (et donc de l’uréogenèse). Les modifications de synthèse protéique dans l’aire splanchnique sont plus modérées. Lors d’une augmentation des besoins en glucose, les données convergent vers une augmentation de l’utilisation hépatique des AA à des fins de néoglucogenèse. Dans ces situations de besoins accrus en nutriments, le métabolisme splanchnique répond moins à l’apport de nutriments. Les mécanismes de régulation mis en jeu sont différents de ceux intervenant lors de modifications de l’ingéré.

Comme nous l’avons vu à diverses reprises dans cette revue bibliographique, les facteurs nutritionnels et les besoins en nutriments des tissus périphériques (mamelle et muscle) ont des répercussions sur la biodisponibilité en nutriments. Cependant, des modifications de niveaux hormonaux et/ou de sensibilité des tissus ou organes aux hormones ont été constatés en parallèle. La régulation du captage des nutriments est donc complexe. Les nutriments sont-ils capables de réguler directement leur propre utilisation par les tissus et organes ? Quels en seraient les mécanismes ? Et quel est le rôle des hormones dans ce contexte ? Ces questions sont abordées dans la dernière partie de cette revue bibliographique.

5. Mecanismes de régulation de l’impact des facteurs nutritionnels sur le