B. Les stéroïdes sexuels
II. Expression et régulation des récepteurs
2. Régulation de l’expression
L’incubation d’explants testiculaires en présence de Fsh et de Lh, à moyen terme,
résulte en une augmentation des transcrits des récepteurs, fshr et lhcgr. Chez l’anguille, un
extrait hypophysaire de saumon induit une augmentation significative des transcrits fshr et
lhcgr, suggérant l’implication des gonadotropines dans la régulation de leur expression (Jeng
et al. 2007). La régulation par les gonadotropines de leurs propres récepteurs témoigne d’une
boucle de régulation positive qui participerait à un système d’amplification efficace des effets
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trophiques des gonadotropines. De plus, nous montrons que cette régulation est dépendante de
la production de stéroïdes, puisqu’elle est supprimée en présence de trilostane. Par ailleurs,
chacune des gonadotropines régule positivement les 2 récepteurs, ce qui est tout à fait
compatible avec le mode d’action des hormones via les stéroïdes. Bien que notre étude ne
nous permette pas d’incriminer un stéroïde en particulier, nos données sont cohérentes avec
l'augmentation, induite in vitro par les androgènes, des niveaux de fshr et lhcgr dans le
testicule de poisson-chat africain (Schulz et al. 2008). La forte augmentation de l'expression
des transcrits fshr et lhcgr observée chez la truite à la fin du cycle reproducteur (Sambroni et
al. 2007)(et Figure 10B) peut s’expliquer par les régulations mises en évidence in vitro,
puisque la fin du cycle est caractérisée par des taux plasmatiques élevés de gonadotropines et
de stéroïdes sexuels (androgènes et progestagènes) (Gomez et al. 1999).
III. Rôle physiologique des récepteurs
Chez la truite, puisque les gonadotropines interagissent préférentiellement avec leurs
récepteurs respectifs, l’auto-immunisation dirigée contre le récepteur de Fsh ou de Lh est un
moyen intéressant pour étudier in vivo le rôle physiologique respectif des gonadotropines et
de leurs récepteurs dans les fonctions testiculaires. Cette méthode, moins coûteuse et plus
rapide à mettre en place, a été préférée aux méthodes de KO de gènes qui n’étaient pas
développées chez les poissons quand le travail a été initié.
Nous avons montré que la vaccination contre le récepteur de Fsh (anti-FSHR) chez la
truite mâle pré pubère, inhibe fortement l’élévation des taux plasmatiques de testostérone et
de 11KT, effet particulièrement visible en fin de cycle. Ces résultats confirment que le signal
Fsh/Fshr est bien impliqué dans la régulation de la stéroïdogenèse. La vaccination contre Fshr
empêche l’entrée en maturation d’une proportion faible mais significative des mâles, alors
que l’inactivation du signal Lh/Lhcgr n’a pas eu cet effet. Cela montre que seul le signal
Fsh/Fshr est nécessaire pour le développement initial des cystes en spermatogenèse active.
Cependant, les 2 vaccinations engendrent une diminution tardive des niveaux plasmatiques
d’androgènes. Cela suggère que l’action spécifique du signal Fsh/Fshr ne passe pas seulement
par la production de stéroïdes, mais implique des facteurs régulés plus directement par Fsh,
importants pour le contrôle des phases précoces du cycle. Du reste, les données sur les effets
comparés de Fsh et de Lh sur l’expression testiculaire des gènes en début de cycle appuient
très fortement cette allégation. En effet, de nombreux gènes régulés par Fsh, mais pas par Lh,
le sont indépendamment de la production de stéroïdes (III et IV).
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Parmi ces gènes, on trouve amh et igf1b qui sont impliqués dans la prolifération et la
différenciation des spermatogonies A.
Quand l’immunisation est initiée à un stade plus tardif du cycle sexuel, seule la double
vaccination contre les deux récepteurs à la fois (anti-FSHR+LHR) entraîne un retard de
développement de la spermatogenèse, essentiellement attribuable à un arrêt des cellules
germinales au stade pré méiotique. Cela suggère une coopération entre les 2 voies de
signalisation dans le contrôle de la progression de la méiose. Comme chez le pré pubère, la
vaccination entraîne une diminution des taux plasmatiques de testostérone. Chez la truite, il a
été montré que l'administration in vivo d'androgènes à des truites mâles immatures a tendance
à stimuler l'expression de gènes spécifiques des cellules germinales impliqués dans la
différenciation méiotique (Rolland et al. 2013). On peut donc proposer que les androgènes
sont les médiateurs majeurs de l’action des gonadotropines sur la progression de la méiose.
Ce mécanisme de régulation est à rapprocher de la situation chez la souris où les mâles KO
pour LH/CGR ou pour les récepteurs aux androgènes (ARKO) sont totalement stériles à cause
de l’arrêt de la spermatogenèse au cours de la méiose, démontrant clairement le rôle majeur
des androgènes (pour revue, (Zhou 2010).
Notre dispositif expérimental nous a permis de mesurer certains indicateurs du bon
fonctionnement testiculaire : taille des testicules, présence de chaque type de cellules
germinales, avancement de la maturation spermatogénétique et stéroïdogenèse, mais ne nous
informe pas sur les cellules de Sertoli. Or, on peut spéculer qu’une part importante de l’action
de Fsh s’effectue sur les cellules de Sertoli. On sait chez les mammifères que la FSH est le
facteur majeur qui contrôle l'expansion de la population de cellules de Sertoli qui a lieu au
cours du développement fœtal et cesse au cours de la première vague de la spermatogenèse,
lorsque les spermatocytes primaires se multiplient activement. Chez les poissons
(poisson-chat africain et tilapia), la prolifération des cellules de Sertoli accompagne la prolifération
rapide des spermatogonies permettant l’accroissement des cystes lié à la multiplication des
cellules germinales (Schulz et al. 2005). L’étude de la prolifération des cellules de Sertoli
chez les animaux dont on a bloqué spécifiquement le signal Fsh/Fshr pourrait fournir des
arguments pour établir un lien fonctionnel entre l’élévation des taux plasmatiques de Fsh au
début du cycle et la prolifération des cellules de Sertoli.
Outre l’intérêt d’acquérir des connaissances fondamentales sur le rôle spécifique de
chacun des récepteurs, notre objectif majeur était le développement pour l’aquaculture, d’une
méthode de vaccination efficace pour rendre les animaux d’élevage stériles ou au minimum
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retarder la puberté chez ceux qui atteignent la maturité sexuelle trop précocement, au
détriment de la croissance et de la qualité de la chair. En dépit de l’utilisation d’un adjuvant et
de la fréquence des injections, les vaccinations n’ont induit qu’une faible réponse immunitaire
chez la truite, phénomène qui pourrait être lié à la température d’élevage qui avoisine les
10°C. Une alternative intéressante à la vaccination classique pourrait être les vaccins ADN
qui présentent un double avantage : ils sont peu coûteux à produire et sont très efficaces.
Autre avantage non négligeable du vaccin ADN : une seule inoculation suffit. Depuis
quelques années, cette méthode de vaccination s’est révélée efficace en aquaculture pour
protéger les poissons contre différents rhabdovirus (Heppell et al. 2000; Lepa et al. 2010).
IV. Mécanisme d’action des gonadotropines
Dans le but de différencier les rôles respectifs de Fsh et de Lh dans le contrôle des
fonctions testiculaires, nous nous sommes intéressés à leurs actions moléculaires en étudiant
les modifications du transcriptome testiculaire induites in vitro par un traitement avec de la
Fsh et de la Lh. Chez de nombreuses espèces saisonnières, Fsh est la seule gonadotropine
sécrétée dans le plasma au cours des phases précoces du cycle. De plus Fsh stimule fortement
la production de stéroïdes. Or, chez l’anguille japonaise la 11KT est capable à elle seule
d’induire toutes les étapes de la spermatogenèse dans des testicules immatures, depuis la
prolifération des spermatogonies jusqu’à la spermiogénèse (Miura et al. 1991; Ohta et al.
2007). L’action majeure de Fsh dans la régulation de la spermatogenèse est-elle limitée à la
stimulation de la production de stéroïdes par les cellules de Leydig, comme pouvaient le
laisser suggérer les travaux chez l’anguille ? Ou existe-t-il une action de Fsh sur les cellules
de Sertoli qui ne passerait pas par la production de stéroïdes ? C’est à cette question que nous
avons cherché à répondre en réalisant des incubations d’explants testiculaires en présence de
Fsh seule ou en combinaison avec le trilostane, un inhibiteur connu de la 3 β-hydroxy stéroïde
déshydrogénase.
Dans le document
Contribution à l’étude du rôle et du mode d’action de Fsh et de Lh dans le testicule de truite
(Page 176-182)