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Régulation des canaux de types T

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Chapitre I | Physiologie de la douleur

6. Régulation des canaux de types T

Les canaux de type T sont finement régulés que ce soit dans leur expression, leur maintien à la membrane ou encore leur activité. Ces régulations peuvent avoir lieu par interactions protéiques, modifications post-traductionnelles, via des voies de signalisations cellulaires ou par épissage alternatif. L’épissage alternatif peut augmenter l’expression à la membrane et donc le nombre de canaux à la surface (Zamponi et al., 2015), mais aussi modifier les propriétés biophysiques des canaux. Il est essentiel chez les trois membres des sous-unités Cav3 et permet d’augmenter leurs diversités fonctionnelles (Swayne and Bourinet, 2008). Par exemple pour Cav3.2, l’épissage des exons 25 et 26 dans la boucle III-IV modifie les cinétiques d’activation et d’inactivation (Ohkubo et al., 2005; Senatore and Spafford, 2012) alors que certains variants d’épissage entrainent la production d’un canal non fonctionnel. Au total, 14 sites d’épissages alternatifs ont été identifiés sur le canal Cav3.2 (Zhong et al., 2006).

6.1 Régulation de l’expression membranaire

Les mécanismes contrôlant l’expression des canaux T à la membrane sont encore faiblement détaillés. En effet, comme décrit précédemment, les canaux de type T ne possèdent pas de site de liaison à la sous-unité régulatrice , leur adressage membranaire implique donc d’autres mécanismes. L’étude de la boucle I-II de la sous-unité 1 des canaux Cav3.2 a mis en évidence son importance dans la régulation de leur expression à la surface membranaire (Baumgart et al., 2008; Vitko et al., 2007). D’autres études ont montré que la glycosylation de Cav3.2 module son expression à la membrane (Weiss et al., 2013). De plus, en condition neuropathique, une déglycosylation du canal entraine la diminution des symptômes douloureux hyperalgésiques (Orestes et al., 2013).

Récemment, l’implication de la protéine Stac1 dans l’expression du canal Cav3.2 à la membrane a été démontrée (Figure 42). Cette protéine se fixe au domaine N-terminal de la sous-unité principale. Des études sont encore nécessaires afin de déterminer son mécanisme d’action. Cette protéine pourrait diminuer la rétention dans le réticulum endoplasmique, augmenter le traffic, la stabilité à la membrane ou diminuter la dégradation du canal (Iftinca and Altier, 2017; Rzhepetskyy et al., 2016).

Pour finir, l’ubiquitination et la déubiquitination régulent le maintien des canaux Cav3.2 à la membrane. En conditions neuropathique et inflammatoire, l’enzyme USP5 est sur-régulée entrainant une augmentation de l’activité des canaux de type T. L’utilisation de peptides découplants de type TAT réverse le phénotype douloureux (García-Caballero et al., 2014).

6.2 Régulation de l’activité

Les canaux de type T sont modulés par des neurohormones et des neurotransmetteurs. Cette modulation est soit directe (Chemin, 2001), induite par la fixation du ligand sur son récepteur (Abdulla and Smith, 1997), soit indirecte via l’activation de protéines G couplées aux récepteurs membranaires entrainant une cascade de signalisation (Figure 43).

6.2.1 Neurotransmetteurs et neurohormones

Certains des neurotransmetteurs régulant ces canaux sont impliqués dans les voies de la douleur. La dopamine (Drolet et al., 1997 ; Lledo et al., 1990), les agonistes Mu (Schroeder et al., 1991; Schroeder and McCleskey, 1993), la neurotensine (Margeta-Mitrovic et al., 1997), l’acétylcholine (Formenti and Sansone, 1991) ont des effets inhibiteurs alors que la substance P facilite l’activité du canal Cav3.2 (Ryu and Randic, 1990). D’autres neurotransmetteurs ont des actions inhibitrices ou excitatrices selon le type cellulaire, les récepteurs et voies de signalisation engagées. De façon intéressante, la sérotonine inhibe les courants de type T par les récepteurs 5HT1A et 1D (Sun and Dale, 1997) et les active par les récepteurs 5HT 7 (Kim, 2006). Ces deux types de récepteurs sont essentiels dans la modulation de la nociception par la sérotonine. Enfin, la noradrénaline inhibe les courants de type T dans les DRGs (Marchetti and Brown, 1988).

Figure 42 | Fixation de Stac1 au canal Cav3.2 et maintien de son expression à la membrane plasmique. D’après (Iftinca and Altier, 2017)

6.2.2 Mécanismes de modulation

Des études ont permis de décrire les voies de signalisation intracellulaire pouvant moduler ces canaux. Les modulations des canaux sont dépendantes du type cellulaire. C’est pourquoi selon les études et les conditions expérimentales une même voie de signalisation peut avoir une action potentialisatrice ou inhibitrice.

Comme décrit précédement, la boucle II-III des canaux de type T est un site clé dans sa régulation (DePuy et al., 2006; Kim, 2006; Welsby et al., 2003; Wolfe et al., 2003). Cette boucle présente un motif QXXER auquel les sous unités de protéines G couplées à un récepteur membranaire se fixent pour inhiber l’activité du canal (Wolfe et al., 2003).

Le canal est également modulé par les protéines kinases. L’action de la protéine kinase A (PKA) passe aussi par la boucle II-III (Kim, 2006). Cette action peut être potentialisatrice (Chemin et al., 2007; Kim, 2006) ou inhibitrice sur les canaux de type T (Harraz and Welsh, 2013). Le canal Cav3.2 peut également être modulé par la PKC de façon positive (Bkaily et al., 2005; Chemin et al., 2007) ou de façon négative dans les DRGs (Marchetti and Brown, 1988). Enfin, la PKG induit une augmentation des courants T (Kawai and Miyachi, 2001).

Pour finir, l’activité des canaux est modulée par la concentration interne de calcium. Celle-ci est dépendante de la calmoduline (CaM) et de la calmodulin-dependent protein kinase II (CaMKII). La potentialisation par la CaMKII induit un déplacement de la courbe d’activation vers des potentiels plus négatifs, en ne modifiant pas la courbe d’inactivation (Welsby et al., 2003), ce qui a pour effet d’augmenter le courant de fenêtre.

Figure 43 | Voies de signalisation de modulation des canaux de type T.

Certains neurotransmetteurs (Nt) peuvent moduler les canaux de type T directement ou par la fixation à leurs récepteurs. Ceci induira les cascades de signalisation des protéines G. Les sous unités modulent directement les canaux, alors que les sous-unités induisent des voies de signalisation impliquant les protéines kinases (PKA, PKC). Enfin, les canaux peuvent être modulés par la PKG et le calcium intracellulaire libéré par le réticulum endoplasmique (ER) par une action de la calmoduline (CaM) et de la calmodulin-dependent protein kinase II (CamKII). Adaptée de (Chemin et al., 2006).

7. Pharmacologie des canaux de type T

Les cellules expriment de multiples types de canaux ioniques et même calciques. D’autre part, l’implication des canaux de type T dans les différentes fonctions et mécanismes en font des cibles thérapeutiques potentielles. Il est donc nécessaire pour leurs études et pour des approches thérapeutiques de posséder des inhibiteurs spécifiques des canaux T et plus particulièrement des sous-unités. Ces bloqueurs peuvent être des ions métalliques divalents, des toxines, ou encore de petites molécules organiques de synthèse.

7.1 Ions divalents

Les ions divalents sont de puissants inhibiteurs des canaux de type T et montrent une certaine spécificité. Par exemple, le nickel (Kang et al., 2006) et le zinc (Lee et al., 1999; Traboulsie et al., 2007) présentent une affinité plus importante pour le canal Cav3.2 que pour les autres canaux de type T. Cette spécificité pour le canal Cav3.2 est due à la présence d’un résidu histidine H191 dans le domaine I entre les segments S3-S4 modulé par des ions inorganiques comme le nickel et le zinc (Voisin et al., 2016). Ce même résidu permet l’action inhibitrice de l’acide ascorbique sur le canal Cav3.2 (Nelson et al., 2007).

7.2 Toxines

Des toxines isolées de venins d’araignée bloquent également les canaux de type T. La kurtoxine isolée du venin de scorpion Parbuthus transvaalicus présente une forte affinité pour les canaux de type T avec une IC50 de l’ordre de la dizaine de nanomolaires (Chuang et al., 1998).

Cependant, à la même concentration, elle bloque les canaux HVA (Sidach and Mintz, 2002). La protoxine II isolée du venin de Thrixopelma pruriens tarantula semble avoir une affinité plus importante pour le canal Cav3.2 (Bladen et al., 2014; Edgerton et al., 2010). De la même manière, le peptide PsPTx3 isolé du venin de Paraphysa SP3 tarantula est sélectif des canaux Cav3.2 par rapport aux autres canaux de type T. Ces toxines ne sont cependant pas spécifiques des canaux de type T et bloquent également d’autres canaux tels que les canaux sodiques Nav1.7, ou potassiques Kv4.3.

L’utilisation des ions et des toxines est principalement observée comme outils de recherche et non comme approche thérapeutique. Des mutations dirigées de ces toxines pourraient cependant augmenter leurs spécificités, pour alors envisager de les utiliser dans une approche thérapeutique.

7.3 Molécules organiques de synthèse

Les premiers bloqueurs synthétiques des canaux T découverts sont des bloqueurs non- spécifiques. L’amiloride, diurétique décrit en 1988 (Tang et al., 1988) est non spécifique des canaux de type T (Kleyman and Cragoe, 1988; Manev et al., 1990) mais présente une plus grande affinité pour le canal Cav3.2 (Lopez-Charcas et al., 2012). L’éthosuximide est un agent anti-épileptique, bloqueur à faible affinité pour les trois types de canaux de type T (Gomora et al., 2001; Huguenard, 2002).

Le mibéfradil, bloqueur des canaux T à des concentrations faibles, initialement utilisé pour le traitement de l’hypertension, a finalement été retiré du marché à cause de son interaction avec le cytochrome P450 (Mullins et al., 1998). Enfin, certains agonistes des cannabinoïdes endogènes (anandamide), ou synthétiques (NMP-7) inhibent également les canaux T (Barbara et al., 2009; Chemin, 2001; Gadotti et al., 2013; You et al., 2011).

L’étude des piperidines a permis la découverte d’inhibiteurs sélectifs des canaux de types T à des concentrations de l’ordre du nanomolaire (Bladen et al., 2015). Ainsi, le laboratoire Merck a synthétisé le TTA-A2 maintenant l’état inactivé des canaux, et le TTA-P2 inhibant les canaux indépendamment de leurs états (Choe et al., 2011; Dreyfus et al., 2010; Shipe et al., 2008). Le composé Z944 (Bladen et al., 2014; Tringham et al., 2012) a lui, été synthétisé par le laboratoire Neuromed (maintenant racheté par Zalicus). Il est actuellement en cours d’essais cliniques pour le traitement de la douleur. L’ABT-639 synthétisé par les laboratoires Abbott, ayant une activité inhibitrice pour le canal Cav3.2 mais à des doses importantes, a également été testé lors de deux essais cliniques. Cependant, les résultats de ces études n’ont pas montré d’effet de l’ABT-639 sur les douleurs neuropathiques dues au diabète (Serra et al., 2015; Ziegler et al., 2015). Il n’a de plus pas montré d’effet sur un modèle de douleur causée par l’injection intradermale de capsaïcine (Wallace et al., 2015). A l’inverse, l’injection de TTA-A2 intradermique chez l’homme inhibe l’allodynie au froid (Samour et al., 2015).

Peu d’études ont été réalisées sur les canaux Cav3.1, et aucune étude n’a encore été publiée sur le canal Cav3.3 et la perception douloureuse. Les souris KO Cav3.1-/- présentent une diminution

de l’allodynie mécanique et de l’hyperalgésie thermique dans un modèle neuropathique SNL (Na et al., 2008). Cependant une autre étude met en évidence que les souris KO Cav3.1-/- présentent une hyperalgésie viscérale suggérant un rôle antinociceptif du canal Cav3.1 (Kim et al, 2003). L’utilisation de mifébradil un bloqueur des canaux de type T ne passant par la barrière hémato-encéphalique met en évidence que l’effet anti-nociceptif du canal Cav3.1 est central. Par des expériences d’électrophysiologie sur tranches de thalamus, les auteurs de cette étude suggèrent que le canal est essentiel à l’activité en burst nécessaire à la modulation du message nociceptif dans la boucle thalamo-corticale.

Inversement de nombreuses études ont montré l’implication des canaux Cav3.2 dans la conduction du message douloureux. Ces canaux sont en effet exprimés tout au long des voies de la douleur, que ce soit en périphérie dans les neurones sensoriels primaires, ou au niveau central dans la corne dorsale de la moelle épinière, le thalamus ou encore le cortex (Talley et al., 1999). De plus, le blocage pharmacologique ou génétique de ces canaux entraine des effets analgésiques.

Ainsi, les symptômes d’allodynie et d’hyperalgésie sont reversés par l’utilisation d’éthosuximide dans un modèle neuropathique (Hamidi et al., 2012). L’ECN (3 ,5 ,17 )-17- hydroxyestrane-3-carbonitrile) diminue l’hyperalgésie dans un modèle d’obésité (Latham et al., 2009). Le mibéfradil a des effets antinociceptifs mécaniques et thermiques et diminue la perception douloureuse dans un modèle de douleur viscérale (Marger et al., 2011; Todorovic et al., 2002). De plus, la réversion de l’hyperalgésie thermique dans un modèle de diabète par le TTA-P2 est bloquée par l’injection d’ARNm antisens contre Cav3.2 (Choe et al., 2011) suggérant que ces canaux sont responsables de l’effet analgésique du TTA-P2.

La délétion constitutive de Cav3.2 induit une diminution des réponses nociceptives mécaniques, thermiques et chimiques. Cependant, en conditions neuropathiques, aucun changement de la perception douloureuse n’a été observé (Choi et al., 2007). Les résultats contradictoires obtenus par cette étude peuvent être expliqués par la mise en place d’une compensation développementale.

Les différentes études réalisées suggèrent une implication périphérique et centrale du canal Cav3.2 (Barbara et al., 2009; Bourinet et al., 2005; Choe et al., 2011; Choi et al., 2007; Francois

et al., 2013; François et al., 2015; García-Caballero et al., 2014; Kerckhove et al., 2014; Maeda et al., 2009; Marger et al., 2011; Messinger et al., 2009; Nelson et al., 2007; Okubo et al., 2012, 2011; Takahashi et al., 2010; Todorovic et al., 2002).

8.1 En périphérie

Le profil d’expression des canaux Cav3.2 dans les neurones sensoriels primaires a été récemment décrit. Ces canaux sont retrouvés dans deux populations de mécanorécepteurs à bas seuil (LTMR), les fibres C et A -LTMR (François et al., 2015). Ils sont exprimés au niveau des DRGs, des axones, des nœuds de Ranvier ou encore dans les synapses de la corne dorsale de la moelle épinière en présynaptique. Au niveau distal, ils permettraient de diminuer le seuil d’excitabilité et de faciliter la génération d’un potentiel d’action.

De plus, la diminution des canaux Cav3.2 périphériques par l’injection intrathécale d’ARNm antisens entraine des effets analgésiques (Bourinet et al., 2005) sur des modèles diabétiques (Messinger et al., 2009) ou d’hyperalgésie induite par l’hydrogène sulfite (Okubo et al., 2012). Une augmentation de l’expression des canaux Cav3.2 dans les neurones sensoriels primaires a été retrouvée dans des modèles de douleurs (Jagodic et al., 2008; Kang et al., 2018). Cette augmentation d’expression provoque l’amplification des courants T pouvant participer à l’hyperexcitabilité des neurones sensoriels. En effet, l’utilisation d’un bloqueur spécifique des canaux de type T diminue l’excitabilité des fibres afférentes A -LTMR (X.-L. Wang et al., 2015) ou C-LTMR (Francois et al., 2013).

Enfin, l’ablation génétique des canaux Cav3.2 des fibres C-LTMR diminue la perception nociceptive mécanique, thermique et chimique aigues et dans un modèle de neuropathie (François et al., 2015).

8.2 Au niveau central

Au niveau thalamique, une étude réalisée sur la souris KO Cav3.2 a mis en évidence une diminution des neurones nociceptifs dans les noyaux réticulaire (nRt) et ventropostérieur (VP), ainsi qu’une modification du profil de décharge des neurones nociceptifs (Liao et al., 2011). Une augmentation des ARNm codant pour le canal Cav3.2 a été observée dans le cortex antérieur cingulaire (ACC) dans un modèle neuropathique chez la souris. De plus, l’inhibition des canaux T par microinjection de NNC 55–0396 bloque l’allodynie mécanique et thermique, et entraine une diminution des mEPSC (Shen et al., 2015).

cellule isolée. Cinq sont excitatrices et une est inhibitrice (Figure 44) (Häring et al., 2018). Cette étude permet de mettre en évidence que le canal Cav3.2 est exprimé dans des sous-populations décrites pour être impliquées dans la conduction du message nociceptif en conditions pathologiques (Malmberg et al., 1997; Mar et al., 2012). Ces clusters appartiennent aux populations hétérogènes PKC , Tac2, ou encore calrétinine/calbindine impliquées dans l’intégration et la transmition du message nociceptif (Duan et al., 2014; Malmberg et al., 1997; Mar et al., 2012; Peirs et al., 2015). D’autre part l’étude de Ikeda & al met en évidence son implication au niveau post synaptique dans la LTP des neurones de projection de la lamina I (Ikeda, 2003). Il est également retrouvé au niveau pré-synaptique (François et al., 2015; Jacus et al., 2012). Par contre, il n’a pas encore été déterminé l’origine de ces terminaisons, qui peuvent être potentiellement des neurones sensoriels C- et A -LTMRs Cav3.2 positifs qui projettent dans la moelle épinière ou des interneurones de la corne dorsale.

De part ces propriétés biophysiques, le canal Cav3.2 joue un rôle essentiel dans l’excitabilité neuronale et la plasticité synaptique. Son expression dans les sous-populations discrètes impliquées dans la conduction du message nociceptif en condition pathologique laisse présager un rôle essentiel dans la mise en place et le maintien des douleurs chroniques.

Glut 4 Glut 6-7 Glut 8 Glut 10 Gaba 1

Figure 44 | Localisation des sous-populations Cav3.2 positives de la corne dorsale de la moelle épinière. Adaptée de (Häring et al., 2018).

PROBLEMATIQUE

ET OBJECTIFS

Le projet initial de mes travaux de thèse porte sur l’implication du canal Cav3.2 spinal dans la sensibilité douloureuse. Pourquoi nous sommes-nous orientés vers ce canal et cette structure particulière ? Pour répondre à cette question, reprenons succinctement ce que nous avons appris au cours des chapitres précédents :

La douleur physiologique est essentielle au maintien de l’intégrité de l’organisme en tant que signal d’alarme. Lorsque cette douleur devient chronique, elle perd son caractère protecteur

et devient purement délétère et pathologique. Malheureusement, aujourd’hui peu de

molécules sont efficaces et présentent un bon ratio bénéfice/risque pour lutter contre ces

douleurs chroniques. Il est donc nécessaire de trouver des stratégies innovantes passant par l’identification de nouvelles cibles, pour le traitement des douleurs chroniques. Les études réalisées jusque-là ont permis de décortiquer le passage de l’état physiologique à pathologique s’opérant aux différentes strates des voies nociceptives. En périphérie, une hyperexcitabilité des fibres afférentes primaires est observée (Scholz and Woolf, 2002). Elle conduit à une

sensibilisation de la moelle épinière. Les mécanismes associés sont bien décrits : activation de la microglie, levée d’inhibition, exacerbation d’excitation, pousse neuritique et néoconnexions des fibres non nociceptives vers des réseaux nociceptifs. Or, la moelle

épinière est un centre de convergence, d’intégration et de relais de l’information nociceptive vers les centres supraspinaux. Il est donc évident que cette structure joue un rôle majeur dans la mise en place et le maintien des douleurs chroniques. Effectivement, les dérégulations exposées précédemment conduisent à une transmission erronée du message nociceptif entrainant à long terme une modification des centres supérieurs et au maintien des douleurs chroniques.

Le canal Cav3.2 est exprimé tout au long des voies de la douleur, de la périphérie, au système nerveux central (Talley et al., 1999). Au cours des 15 dernières années, de nombreuses études ont révélé l’implication de ces canaux dans la transmission du message nociceptif présentant

le canal Cav3.2 comme élèment clé dans les voies de signalisation de la douleur offrant une opportunité prometteuse vers de nouvelles stratégies de prise en charge de la douleur

(Bourinet et al., 2005 ; Bourinet et al., 2016; ; Choi et al., 2007; François et al., 2015; Liao et al., 2011).

Les études ont été principalement réalisées au niveau périphérique et supra-spinal (François et al., 2015; Liao et al., 2011; Shen et al., 2015; Wang et al., 2018), mais l’implication du canal Cav3.2 dans la perception nociceptive et la mise en place et le maintien des douleurs chroniques reste encore peu détaillée (Jacus et al., 2012; Wen et al., 2006).

Il est donc nécessaire de décortiquer son rôle au niveau de la moelle épinière afin de dresser une carte complète de l’implication du canal Cav3.2 dans la perception douloureuse.

Une étude sur la caractérisation en termes de localisation cellulaire et de propriétés électrophysiologiques a été réalisée au laboratoire par Miriam Candelas lors de sa thèse. Cette étude a montré que le canal était exprimé dans une population hétérogène de neurones spinaux majoritairement excitateurs, et que sa délétion modifie les profils de décharge de ces neurones. Ce travail auquel j’ai participé est présenté sous la forme d’un article scientifique en cours de soumission dans la partie « Résultats complémentaires » de ce manuscrit.

Pour disséquer l’implication du canal Cav3.2 dans les voies de la douleur, l’un des objectifs de ce travail de thèse a été de caractériser l’expression du canal Cav3.2 spinal en conditions

physiologique et neuropathique, afin de déterminer une possible modification de son

expression lors de la mise en place des neuropathies. Pour cela, nous avons utilisé le modèle murin Cav3.2GFP-flox généré par l’équipe afin d’identifier par des expériences de co- immunomarquages les sous-populations neuronales exprimant le canal Cav3.2 spinal en condition physiologique et pathologique obtenue par le modèle SNI décrit précédemment. Le second objectif de ce travail a été de mettre en place un modèle de délétion du canal

Cav3.2 spécifiquement dans la corne dorsale de la moelle épinière. L’utilisation du modèle

murin Cav3.2GFP-flox nous a permis d’induire une délétion spécifique du canal grâce à une approche virale nous permettant l’expression locale de la Cre recombinase. Ceci nous a permis

i) de cibler sélectivement la zone lombaire de la moelle épinière, ii) d’induire la délétion à l’âge

adulte en évitant ainsi tout effet développemental de la délétion de Cav3.2, iii) de déléter Cav3.2 avant ou après la mise en place d’une neuropathie et donc de tester les effets prophylactiques et curatifs de la délétion du canal. L’utilisation d’un virus AAV-DJ-CamkII-CRE-IRES- mCherry nous a permis de cibler virtuellement tous les types de neurones de la corne dorsale de la moelle épinière grâce à la très forte capacité de transduction de la capside AAV-DJ pour les interneurones spinaux, et à l’expression de la Cre recombinase sous le contôle d’une

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