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Régularisation par un opérateur spatial non-local

Chapitre 3 – Formulations non-locales

3.3 Régularisation par un opérateur spatial non-local

d’où l’introduction d’une longueur caractéristiquelcAm Hm . De plus, si l’on considère la

variable micromorphiqueα comme variable non-locale, la relation (3-3) est équivalente à m

celle de la formulation à gradient implicite qui sera présentée dans la section suivante. Mais d’après [Forest, 2009], ce n’est qu’une seule application de la théorie micromorphique dans le cas plus simple (iso-thermique, matériau isotrope et potentielle micromorphique).

3.3 Régularisation par un opérateur spatial non-local

Le principe de cette catégorie de méthodes signifie introduire dans les modèles une longueur caractéristique, en dessous de laquelle l’interaction à distance entre les points doit être prise en considération. Pour ce faire, on fait intervenir un opérateur de régularisation spatiale, noté qui empêche la localisation de la variable dans une zone de faible taille. Cet opérateur s’applique à une variable mécanique v (scalaire ou tenseur) tel que :

( )

nl

vv (3-4)

v est la variable non-locale. nl

L’opérateur varie selon les différentes techniques de régularisation. De nombreux travaux ont employé l’opérateur de convolution[Jackiewicz et Kuna, 2003; Pijaudier-Cabot et Bazant, 1987] ou l’opérateur de gradient [Geers et al., 1998; Peerlings et al., 1996]. Une autre technique récente de [Moës et al., 2011] s’appuie sur une fonction de level set afin de régulariser le champ d’endommagement.

3.3.1 Régularisation par convolution

L’idée sous-jacente de la régularisation par convolution consiste à prendre en compte un effet de voisinage spatial pour décrire le comportement d’un point matériel : il y a interaction à distance entre les points de la structure. L’opérateur de régularisation est défini comme le produit de convolution entre une fonction de pondérationw et la variable localev , ce qui conduit à la variable non-locale :

Ω Ω Ω( ) ( ) ( ) ( ) ( ) Ω( ) c c nl w x y v y d y v x w x y d y   

(3-5)

où (.)w est une fonction paire dont la valeur maximale est (0) 1w  . Ω est la zone d’interaction

contenant les pointsyautour du point x , et x y la distance entre deux points.

Cette méthode a été d’abord introduite par [Kröner, 1967] puis [Eringen et Edelen, 1972] dans le cadre de l’élasticité non-locale. [Pijaudier-Cabot et Bazant, 1987] l’ont développée ensuite dans le cadre de la rupture fragile. Plus tard, elle a été également employée pour la rupture ductile [Andrade et al., 2014; Jackiewicz et Kuna, 2003; Tvergaard et Needleman, 1995]. La forme gaussienne est la plus courante dans les études précédentes, proposée initialement dans [Eringen et Edelen, 1972] :

2 2 ( ) exp 2 r w r l        (3-6)

l est une longueur caractéristique définissant la distance d’influence de la régularisation.

Une autre forme quadratique de la fonction de pondération utilisée dans [Andrade et al., 2014] est : 2 2 2 ( ) 1 2 r w r l   (3-7)

où  désigne la partie positive. Cette technique de régularisation par convolution a été appliquée avec le modèle de GTN [Enakoutsa et al., 2007; Jackiewicz et Kuna, 2003] et aussi celui de Lemaitre [Andrade et al., 2011]. Elle permet, d’après les travaux cités, de réduire significativement la dépendance au maillage.

En dépit de sa popularité, cette méthode rencontre certaines difficultés d’ordre algorithmique dont la principale réside dans le calcul même de la variable non-locale. En effet, pour calculer

nl

v , l’expression (3-5) nécessite une transmission d’informations entre les points Gauss des

éléments voisins, et l’autonomie de la phase d’intégration de la loi d’un élément à l’autre est donc perdue. De plus, la matrice tangente de la structure, dont la symétrie n’est plus garantie, devient également plus compliquée à construire à cause du couplage entre éléments.

Figure 43 : Les zones d’interaction des points A (cas normal), B (près du bord), F (près de la fissure)

En outre, sur le plan numérique, les points dans la zone d’interaction sont cherchés l’un après l’autre selon leur distance avec le point d’origine cf. Figure 43 ; ce qui très coûteux en temps en cas de structure complexe, notamment en 3D. Une astuce consiste à diviser la structure en petits cubes de taille appropriée pour que la recherche des points ne reste que dans certains cubes [Jirásek, 2007]. Cette technique informatique, nommée ‘octatree’, permet de gagner en

temps de calcul au prix d’une consommation de mémoire plus importante.

Un autre souci concerne l’intégrale de (3-5) sur une partie fissurée ou concave du domaine, comme une fissure ou l’entaille (eg. point F dans la Figure 43). La zone de régularisation dans ces endroits peut déborder d’une partie de la structure à une autre, alors de telles interactions entre les points matériels ne portent plus de sens physique. Pour un point au voisinage du bord de la structure (eg. point B dans la Figure 43), la contribution de la zone d’interaction est plus petite que celle d’un point suffisamment loin du bord, ce qui entraîne donc une surévaluation artificielle des grandeurs à ce point. Pour pallier ce défaut de l’effet de bord, plusieurs solutions ont été proposées, dont l’idée essentielle repose sur la détection des points à proximité du bord et la modification de leur fonction de pondérationw. On renvoie au travail récent de [Grassl et

al., 2014] pour une comparaison détaillée. Ces modifications, introduisant souvent des paramètres supplémentaires dans la fonction de pondération w , nécessitent encore des

justifications sur leur efficacité et sur leur interprétation physique.

3.3.2 Régularisation à gradient

La régularisation par gradient reprend la même idée que la précédente à travers des gradients d’ordre supérieur des déformations et des variables internes. Selon la manière d’introduire la variable non-locale, on peut diviser les modèles par la régularisation à gradient en deux variétés : les modèles à gradient explicite et les modèles à gradient implicite.

La définition de la variable non-locale s’écrit :

2 (explicite) nl v   v c v (3-8) ou 2 (implicite) nl nl v  c vv (3-9)

avec la condition limite au bord :

0 sur Ω

nl n

v  

 (3-10)

Ici cest un paramètre définissant la longueur caractéristique du modèle.

Ces deux variétés peuvent être toutes dérivées de la méthode à la convolution [Peerlings et al., 1996]. On écrit le développement de Taylor de ( )v y par rapport au pointx :

2 2

1

( ) ( ) ( ) ( )

2

v yv x vyx  v yx  (3-11)

En remportant (3-11) dans (3-5), on obtient donc :

2 2 4

nl

v  v cv c  v (3-12)

Les termes impairs s’annulent car la fonction de pondérationwest une fonction paire. (3-12)

se réduit à l’expression à gradient explicite (3-8) si l’on néglige les termes d’ordre supérieur à deux.

En appliquant un opérateur Laplacien aux deux côtés de (3-12) et en combinant le résultat 2 avec (3-12), on peut déduire l’expression à gradient implicite (3-9). Plus rigoureusement, [Peerlings et al., 2001] a démontré par ailleurs, une équivalence exacte entre la régularisation à convolution (3-5) et la régularisation à gradient implicite (3-9) en choisissant la fonction de Green comme fonction de pondération pour cette dernière, à savoir : ( ) 1 exp

4 . r w r c c π r     

Par rapport aux modèles à gradient explicite, les modèles à gradient implicite bénéficient de nombreux avantages [Askes et Sluys, 2002; Engelen et al., 2003]. Ils n’imposent des conditions

limites que sur le bord de la structure tandis que les conditions sur les frontières élastiques- plastiques doivent aussi être traitées délicatement dans les modèles à gradient explicite. Au niveau de l’implantation, les modèles à gradient implicite paraissent aussi plus attractifs car l’interpolation des champs est d’ordre moins élevé. De plus, il est aussi constaté que le gradient explicite manifeste des instabilités avec des lois durcissantes ou adoucissantes [Askes et Sluys, 2002]. La régularisation à gradient implicite est donc généralement adoptée dans la plupart des travaux.

La méthode de régularisation à gradient implicite a été d’abord proposée dans le cadre de la rupture fragile par [Peerlings et al., 1996], puis [Engelen et al., 2003] l’ont appliquée aux lois élastoplastiques endommageables. Cette méthode de régularisation a été également adoptée dans la modélisation de l’endommagement ductile avec le modèle de Lemaitre [de Sá et al., 2006] et le modèle GTN [Hutter et al., 2013; Reusch et al., 2003a, b; Samal et al., 2009] [Linse et al., 2012]. On trouve aussi une extension non-locale pour le modèle Rousselier dans le travail de [Samal et al., 2008].

Comparée avec la méthode de régularisation par convolution du paragraphe précédent, la régularisation à gradient implicite possède une formulation mathématiquement ‘locale’, qui facilite significativement l’implémentation numérique car l’échange élémentaire n’est plus nécessaire.

La régularisation à convolution et à gradient implicite sont toutes des techniques pragmatiques dont l’efficacité numérique a été prouvée par de nombreux travaux cités ci-dessus. Dans [Lorentz et Andrieux, 2003], les auteurs ont examiné les propriétés mathématiques des modèles, et ont constaté que l’opérateur de régularisation , que ce soit convolution ou gradient implicite, n’est pas coercitif, ce qui n’assurerait plus l’existence de solution (si l’on introduit la variable non locale partout en lieu et place de la variable locale). Similairement, par des analyse spectrales, les auteurs de [Di Luzio et Bažant, 2005] ont abouti à la conclusion que ces opérateurs ne sont plus régularisant avec certaines lois. Des variables non-locales augmentées (dites over non-local en anglais) ont été donc proposées afin d’améliorer les modèles [Di Luzio et Bažant, 2005; Lorentz et Andrieux, 2003; Poh et Swaddiwudhipong, 2009] :

( ) (1 ) avec 1

nl

vm v  m v m (3-13)

3.3.3 Régularisation par Thick-Level-Set (TLS)

La méthode ‘level set’ (surfaces de niveau en français) est une technique numérique de suivi d'une interface entre un mobile déformable et le milieu dans lequel il se déplace. L'idée consiste à remplacer une courbe plane fermée par une surface fixe. Dans le cadre de la modélisation de la rupture, Moës et al. applique cette technique afin de suivre la frontière entre la zone endommagée et la zone saine [Moës et al., 2011] [Moës et al., 2014].

Figure 44 : Zone de régularisation dans les modèles TLS [Moës et al., 2014]. Γc: frontière des zones fissurées – endommagées ; Γ: frontière des zones endommagées – saines.

L’idée originelle est de contrôler explicitement le gradient de la variable d’endommagent dans la zone endommagée en ajoutant une équation supplémentaire :

( )

D f D

  (3-14)

Il n’est pas numériquement pratique de trouver le gradient de l’endommagement à chaque point. La technique de level set s’emploie ainsi en introduisant une variable interneet une longueur caractéristiquel : c 1 0 si ( ) si ( ) 0 1 (0, ) c c l D x D x l              (3-15)

Dans les travaux [Cazes et Moës, 2015; Gómez et al., 2015; Moës et al., 2011; Moës et al., 2014], la fonction  x est choisie comme distance minimale du point x au contour Γ , cf. la

Figure 44. En reportant (3-15) dans (3-14) et en choisissant ( )

d f DdD  , on obtient : ( ) 1 dD f D d      (3-16)

qui est une fonction fondamentale de la technique level set.

Avec l’introduction de la fonction level set (3-15), l’endommagement D n’est plus une variable libre car elle dépend désormais la fonction  x . En effet, les relations (3-15) et (3-16)

permettent de contrôler l’épaisseur de l’endommagement (maximum l ) et en même temps, le c

gradient d’endommagement dans cette épaisseur, à savoir D f D( ) dD

d

  

 qui peut être une

fonction linéaire, une fonction de puissance ou encore d’autre forme plus complexe selon les besoins [Moës et al., 2014]. On peut donc considérer la fonction level set (3-15) comme opérateur régularisant. De ce fait, l’approche est classée dans la catégorie de cette section. Cette technique de régularisation TLS permet d’écrire toutes les équations du système sous forme variationnelle sans perdre la dualité entre les variables internes et leurs forces thermodynamiques associées. On renvoie à [Moës et al., 2011; Moës et al., 2014] pour plus de détails et on trouvera également les conditions aux limites sur les frontières Γ et Γc. De plus, dans le travail [Moës et al., 2014], au lieu de mettre la fonction level set dans la structure, Moës et al. définissent la zone saine par   1où l’on n’applique pas la régularisation non-locale (3-15) et (3-16) afin de gagner du temps de calcul.

modèle aux lois ductiles n’est pas encore réalisée.