• Aucun résultat trouvé

La région 5’UTR de l’ARN pleine-longueur du VIH-1 74


Chapitre 1. Introduction 1


1.4 La traduction des protéines de structure et des enzymes du VIH-1 71


1.4.1 L’ARN pleine-longueur du VIH-1 et sa région 5’ non-traduite (région 5’UTR) 71


1.4.1.2 La région 5’UTR de l’ARN pleine-longueur du VIH-1 74


La région 5’UTR de l’ARN pleine-longueur du VIH-1 est la région la plus conservée de tout le génome du VIH-1 (pour une revue, voir Berkhout 1996). Comme le VIH-1 est un virus qui mute facilement, ce fait démontre l’importance de cette région pour la réplication virale. La région 5’UTR de l’ARNm pleine-longueur (335 nt) contient plusieurs structures impliquées dans différentes étapes de la réplication virale. La figure 1- 12 montre ces structures dans la conformation de la région 5’UTR proposée par le groupe de Weeks (voir plus bas pour les détails sur cette conformation) (Wilkinson et al. 2008). Elle contient la structure TAR (nt 1 à 57), la tige-boucle poly(A) (nt 58 à 104), le signal d’activation de l’amorce PAS (nt 123 à 130), le site de liaison de l’amorce PBS (nt 182 à 199), le signal d’initiation de dimérisation DIS (nt 257 à 262), le site donneur majeur d’épissage SD (nt 287 à 295) et le signal d’encapsidation ψ (nt 312 à 325). Le codon d’initiation de Pr55Gag est localisé aux nt 336 à 338. Les nt correspondent à la localisation de ces régions dans la région 5’UTR du variant viral LAI qui est le variant que j’ai utilisé dans mes études. Notons que la structure TAR et la tige-boucle poly(A) sont aussi présentes à l’extrémité 3’ de la région 3’UTR des transcrits viraux.

La structure TAR est une tige-boucle très stable de 57 nt coiffée par une boucle de six nt et portant une excroissance (ou bulge) de trois pyrimidines hautement conservées. TAR a été beaucoup étudiée puisqu’elle est essentielle pour le VIH-1. Des mutations affectant la séquence ou la structure de TAR présente à l’extrémité 5’ ou à l’extrémité 3’ des messagers diminuent grandement la réplication virale (Klaver and Berkhout 1994; Das et al. 1998). La fonction principale de TAR est sa participation à la transactivation de l’élongation de la transcription à partir du promoteur viral. Comme je l’ai indiqué plus haut, elle lie la protéine virale Tat et la protéine nucléaire cycline T1 (voir section 1.2.3.2.2) (pour une revue, voir Rana and Jeang 1999). L’excroissance de trois pyrimidines interagit directement avec Tat alors que la boucle de six nt permet la liaison de la cycline T1 de façon Tat-dépendante (Wei et al. 1998). En plus de stimuler la transcription, TAR affecte la traduction des messagers viraux (voir section 1.2.3.3) (Bannwarth and Gatignol 2005; Charbonneau et al. 2012) et produit des ARNmi (Narayanan et al. 2011). Immédiatement en aval de TAR se trouve la tige-boucle poly(A) qui contient le signal de polyadénylation AAUAAA. Ce signal est inactif lorsque poly(A) est localisée en 5’ et actif lorsqu’elle est localisée en 3’. La stabilisation ou la déstabilisation de cette tige-boucle entraîne de graves problèmes de réplication chez le VIH-1 (Das et al. 1997). Le PBS est le site sur lequel s’hybride l’amorce pour la transcription inverse soit l’ARNtLys3 cellulaire. Le motif PBS est exposé dans une grande boucle afin de permettre la liaison de l’amorce. Le PAS est important pour l’initiation de la transcription inverse et stimule l’usage de l’ARNtLys3 en tant qu’amorce (Beerens et al. 2001). Le DIS est une tige-boucle coiffée d’une boucle de six nt qui peut s’apparier avec la boucle du DIS d’une autre molécule d’ARN. Cette interaction boucle-boucle appelée kissing-loop initie la dimérisation de l’ARN pleine- longueur du VIH-1 qui joue alors son rôle d’ARN génomique. Cette dimérisation est nécessaire pour qu’il y ait encapsidation. Le SD est un motif de neuf nt, CUG|GUGAGU, où la barre verticale indique le site de coupure. Il est localisé dans la partie supérieure d’une courte tige-boucle. Il s’agit du site donneur majeur d’épissage, ce qui signifie que tous les transcrits du VIH-1 sont clivés à cet endroit par le spliceosome sauf l’ARN pleine- longueur. Tous les transcrits du VIH-1 partagent donc les mêmes premiers 289 nt soit

Figure 1- 12 : Schéma de la conformation de Weeks de la région 5’UTR de l’ARNm pleine-longueur du VIH-1 adaptée de Wilkinson et al. (2008). Les structures TAR, poly(A), PAS, PBS, DIS, SD et ψ ainsi que le codon initiateur AUG sont indiquées. La réactivité SHAPE est indiqué par un code de couleurs : noir = nt apparié pour former des structures secondaires d’ARN; jaune ou rouge = nt très réactif et donc exposé ; vert = nt faiblement réactif.

jusqu’au site de clivage contenu dans le SD. À partir de ce site, la région 5’UTR des transcrits viraux diffère. La tige-boucle ψ est requise pour encapsider l’ARN génomique dans les nouvelles particules virales via une interaction avec la portion NC du précurseur Gag. Le fait que ψ soit localisée en aval du SD permet de distinguer l’ARN génomique à encapsider des ARNm épissés qui ne possèdent pas cette tige-boucle. Enfin, le codon d’initiation est dissimulé dans une tige formée par une interaction longue distance entre des nt localisés en aval de la tige-boucle poly(A) et ce codon ainsi que les nt le précédant et le suivant.

Plusieurs modèles pour la structure de la région 5’UTR du VIH-1 avaient été proposés, à partir des données phylogénétiques, d’expériences de réactivités chimiques et d’études de mutagenèse (voir Wilkinson et al. 2008). Je parlerai brièvement des modèles proposés par Huthoff et Berkhout (2001b), par Damgaard et al. (2004) et par Watts et al. (2009) (Figure 1-13). En 2001, Huthoff et Berkhout ont étudié le repliement des 290 premiers nt formant la région 5’UTR de l’ARN pleine-longueur du VIH-1 par des analyses informatiques avec l’algorithme classique Mfold (Mathews et al. 1999; Zuker 2003) et des expériences de réactivités chimiques. Leurs analyses ont révélé l’existence de deux conformations de la région 5’UTR dans du RRL soit une conformation comportant plusieurs tige-boucles appelée BMH (branched multiple hairpin) et une conformation formée par des interactions entre des régions éloignées appelée LDI (long-distance

interaction) (Huthoff and Berkhout 2001b). Ces deux conformations sont mutuellement

exclusives et ne migrent pas à la même vitesse sur un gel d’électrophorèse non-dénaturant. Dans la conformation BMH, les différentes structures régulatrices de la région 5’UTR sont formées et exposées. La conformation LDI, thermodynamiquement plus stable, est formée par une interaction entre la région correspondant à la tige-boucle poly(A) et la région correspondant à la tige-boucle DIS. Les tiges-boucles poly(A), DIS, SD et ψ sont détruites dans cette conformation. Huthoff et Berkhout ont proposé que le changement de conformation de la région 5’UTR servirait d’interrupteur moléculaire (ou switch) lors de la réplication virale afin de contrôler les différents rôles que joue cette région. Cependant, la

conformation LDI n’a jamais été observée dans des cellules infectées ou dans des particules virales (Paillart et al. 2004; Wilkinson et al. 2008) et son existence dans le contexte de la réplication virale est actuellement mise en doute (voir plus loin). Damgaard et al. (2004) ont étudié le repliement d’un fragment contenant toute la région 5’UTR du VIH-1 et les 409 nt suivants faisant partie de la séquence codante pour Gag. Ils ont utilisé une combinaison d’approches bioinformatiques et d’expériences de clivage enzymatique, de migration sur gel d’électrophorèse et de pontage aux rayons UV. Leurs analyses informatiques du repliement de l’ARN ont été faites avec un nouvel algorithme appelé Pfold (Knudsen and Hein 2003). Cet algorithme utilise les informations phylogénétiques pour prédire les structures secondaires alors que l’algorithme Mfold ne tient compte que des données thermodynamiques. La prédiction de Pfold et les expériences de clivage enzymatique n’ont révélé qu’une seule conformation de la région 5’UTR qui correspond à la conformation BMH proposé par le groupe de Berkhout. Plus récemment, le groupe de Weeks a utilisé une technologie puissante appelée SHAPE (acylation sélective des groupements 2’hydroxyle analysée par extension d’amorces) afin de déterminer les structures secondaires contenues dans tout le génome du VIH-1, incluant la région 5’UTR (Watts et al. 2009). Ils ont observé que la région 5’UTR de l’ARN pleine-longueur se présente sous une même et unique conformation à l’intérieur et à l’extérieur des particules virales (Wilkinson et al. 2008). Cette conformation, que j’appelle conformation de Weeks, a plusieurs similarités avec la conformation BMH proposée par le groupe de Berkhout et la conformation proposée par Damgaard et al. Il est intéressant de noter que la structure TAR influence la conformation de la région 5’UTR. En effet, la déstabilisation de TAR affecte le repliement des structures de la région 5’UTR parce que les nt non pairés de TAR peuvent interagir avec des portions localisées en aval de TAR (Huthoff and Berkhout 2001a; Vrolijk et al. 2008).

Figure 1- 13 : Schéma comparatif des conformations proposées pour la région 5’UTR du VIH-1 A) Conformation de Weeks (Wilkinson et al. 2008) B) Conformation proposée par Damgaard et al. (2004) C) Conformation BMH et D) Conformation LDI, deux conformations proposées par Huthoff et Berkhout (2001b) (pour les détails, voir le texte)