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Chapitre III : Suivi de l'évolution des marqueurs neutres du génome dans les populations de gestion dynamique

III- 4.1 Régime de reproduction

Le régime de reproduction peut grandement influencer l’évolution et la structuration de la diversité neutre dans les populations. C’est pourquoi il est nécessaire de préciser la situation des populations étudiées sur ce point en premier lieu.

Comme attendu dans le cas des populations expérimentales de blé, les valeurs du coefficient de consanguinité, FIS, sont très élevées pour l’ensemble des populations étudiées, suggérant

un déficit en hétérozygotes important, lié probablement à un régime de reproduction majoritairement autogame. De fait, les taux d’allo-fécondation estimés à partir du FIS sont

faibles pour toutes les populations en particulier dans la dernière génération considérée (Tableau III-3).

Les taux d’allofécondation estimés en G2 sont plus élevés que les valeurs trouvées en G7 et G12 pour l’ensemble des populations. Cependant cette valeur estimée est discutable puisque les plus faibles valeurs de FIS trouvées en génération 2 peuvent être liées à la fois (i) à de

l’hétérozygotie résiduelle générée par les croisements forcés effectués entre les génotypes parentaux pour constituer la population initiale (4 générations de croisements forcés suivies de 3 générations de fécondation libre), et (ii) à de l’hétérozygotie générée par des évènements d’allofécondation en G1. En revanche, du fait du mode de reproduction majoritairement autogame, on peut estimer que cette confusion est négligeable en génération 7 et en génération 12 puisque respectivement 10 et 15 générations séparent ces générations du dernier croisement forcé réalisé pour constituer la population initiale.

Les taux d’allofécondation estimés dans les populations du Moulon et de Toulouse en G12

(tLM-G12= 2,1% ; tTO-G12 = 0,4%) tendent à être plus faibles que les valeurs estimées en G10

selon la même méthode et dans les mêmes populations à partir de marqueurs RFLP (tLM-G10 =

5,9% ; tTO-G10 = 10,1% ; Enjalbert et al. 1998). Cette différence peut être attribuée au type de

marqueurs utilisé plus ou moins sujet aux erreurs de génotypage. En effet, l’utilisation du Fis pour estimer le taux d’allofécondation suppose que le taux d’hétérozygotes est bien estimé dans les populations. Or un nombre croissant d’études suggère que les erreurs de génotypage sont loin d’être négligeables et peuvent avoir un impact important sur certains estimateurs

classiquement utilisés en génétique des populations (Hoffman et Amos 2005, Pompanon et al. 2005, Bonin et al. 2004). Notamment, le taux d’hétérozygotes pourrait être sous-estimé au cours du génotypage du fait de mécanismes désormais bien connus tels que la présence d’allèles nuls ou la compétition d’amplification d’un des 2 allèles présents chez un individu hétérozygote lors de la PCR, conduisant à l’amplification exclusive du fragment le plus court (phénomène dit de dominance partielle, Wattier et al. 1998). Lors de la lecture des données de génotypage microsatellite issues de la migration sur gel d’acrylamide des fragments PCR, l’identification des hétérozygotes a été particulièrement difficile. D’une part, les allèles à l’état hétérozygote tendent à produire un signal de plus faible intensité qu’à l’état homozygote, conduisant dans certain cas à des niveaux d’intensité situés en dessous du seuil de détection : de ce fait, sur l’ensemble des locus, une plus grande part d’hétérozygotes est susceptible d’être lue comme donnée manquante par rapport aux homozygotes. D’autre part, lors de l’amplification de locus microsatellites, des sous-produits d’amplification peuvent apparaître au cours de la PCR conduisant à des profils multi-pics (stutter) rendant la détection d’hétérozygotes complexe dans certains cas (Figure III-7). Il est donc probable que le taux d’allofécondation estimé à partir des marqueurs microsatellites soit sous-estimé du fait de la sous-estimation du taux d’hétérozygotes.

Pic majoritaire Stutters

a.

b.

c.

d.

Pic majoritaire Stutters Pic majoritaire Stutters

a.

b.

c.

d.

Figure III-7 : Exemple de profils de fluorescence observables suite à la migration sur séquenceur capillaire de produits d’amplification d’un locus microsatellite. a. Profil microsatellite « type », présentant un pic majoritaire suivi de sous-produits d’amplification de plus faible intensité (stutter) lié au dérapage de la polymérase ; b-d. Différents profils observables pour le même génotype hétérozygote : b. les 2 allèles se distinguent bien l’un de l’autre ; c. la présence de stutters de forte intensité conduit à une mauvaise identification d’un allèle chez l’hétérozygote ; d. l’allèle de plus petite taille, de plus faible intensité, n’est pas détecté du fait de la confusion avec un stutter (d’après Pompanon et al. 2005).

C’est pourquoi nous avons également utilisé une méthode développée récemment (David et

al. 2007) qui s’affranchit de ces biais de génotypage en se basant sur la distribution multilocus

des hétérozygotes pour estimer le taux d’autofécondation. Notons que l’utilisation de cette méthode, comme celle de la méthode par estimation du FIS, suppose que le régime de

reproduction est stable et à l’équilibre de consanguinité. Cette méthode ne nous permet donc pas plus que la précédente d’estimer de façon fiable la nature du régime de reproduction à la première génération étudiée. De plus, dans le cas des populations de blé soumises à la stochasticité du milieu, la stabilité du régime de reproduction ne peut être assurée car il est connu chez le blé que les facteurs environnementaux peuvent avoir un impact sur le régime de reproduction. En particulier, une faible luminosité associée à une faible température lors de la méiose peut entraîner des problèmes de stérilité mâle augmentant ainsi le taux d’allofécondation (Demotes-Mainard et al. 1995). Elle suppose de plus que tous les locus sont affectés par des erreurs de génotypage de la même façon. Cependant du fait de l’utilisation de marqueurs microsatellites, il semble que les locus à l’état hétérozygote soient particulièrement affectés par des erreurs de lecture (cf. arguments présentés précédemment) ayant pu conduire à la sous-estimation des locus hétérozygotes ou à leur classement majoritaire en données manquantes. Dans ce cas, les valeurs d’allofécondation estimées par cette méthode peuvent être sous-estimées. Enfin, les auteurs mettent en garde quant à son usage lorsque les locus utilisés sont en déséquilibre de liaison. En particulier, dans le cas d’une population fortement autogame, présentant un faible effectif efficace (Ne<100) et un faible taux de recombinaison efficace, de forts déséquilibres de liaison entre locus peuvent apparaître, pouvant conduire à une sous-estimation du taux d’allofécondation (David et al. 2007). Ce risque est particulièrement important dans le cas de la population de Vervins qui, en plus d’avoir un effectif efficace faible, présente d’importants déséquilibres de liaisons entre locus. Cependant, le taux d’allofécondation estimé sur la base du déséquilibre d’identité dans cette population est le plus fort parmi toutes les populations étudiées en G12, ce qui laisse supposer que le taux d’allofécondation n’est pas sous estimé.

Toutefois, malgré ces difficultés rencontrées pour estimer le taux d’allofécondation dans les différentes populations et son évolution au cours des générations, il semble clair que les populations étudiées présentent toutes un régime de reproduction majoritairement autogame accompagnée d’une part d’allofécondation résiduelle de l’ordre de 5%.