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1.6 Régime d’écoulement critique

1.6.1 Régime d’écoulement précritique (TrBL0)

Fage (1928) avait souligné que les transitions en couche limite se déve-loppent graduellement. Il a rapporté que la forme du sillage proche reste

si-milaire pour les trois valeurs de Reynolds, Re = 1 × 105,1.2 × 105 et 1.8 × 105

(c.f. figure (1.18)). Cette caractéristique du flux a poussé Morkovin (1964) à dé-nommer ce régime, un régime précritique. L’appellation du régime précritique

par le régime TrBL0 vient des mots AnglaisTransition on Boundary Layer et

le 0 signifie zéro transition.

Nous allons aborder d’une façon superficielle la structure de la couche li-mite turbulente sans s’intéresser ni l’approfondir davantage dans les chapitres

suivants. On définit généralement la couche limite comme une région de faible épaisseur produite par l’écoulement d’un fluide visqueux autour d’un obstacle. On considère la couche limite à la surface d’un cylindre complètement

turbu-lente à partir d’un nombre de Reynolds supérieur à 3.5 × 105. Townsend [[58] ;

1951] a relevé l’existence de deux régions dans la structure d’une couche limite turbulente. Une région interne et une région externe, cette composition a été confirmée par Klebanoff [1954] et Kovasznay [[33] ; 1970].

La région interne est beaucoup plus petite que la région externe, avec une épaisseur de l’ordre de 10 à 20% de l’épaisseur totale δ. Dans cette région il est supposé que la distribution de vitesse moyenne, U, est complètement

détermi-née par la contrainte de cisaillement τw, la masse volumique du fluide ρ, la

viscosité µ et la distance y à la paroi [[9] ; 1981]. L’expression de la distribution

de vitesse U+ dans cette région est donnée par 1.11. Elle est appelée loi de la

paroi (the law of the wall en Anglais).

U+U

Uτ

= Φ1(y+) (1.11)

Ici, Uτ = qτw

ρ est la vitesse de frottement, qui constitue la vitesse

carac-téristique. Le paramètre y+, représente le nombre de Reynolds basé sur la

vitesse et la longueur caractéristique de la couche limite. Il est défini comme

y+ = y×Uτ

ν , ν étant la viscosité cinématique. Les variables adimensionnalisées

avec ces paramètres se mesurent en unités de paroi, et sont marquées avec

l’indice +. La distribution moyenne de vitesse Φ1(y+) dépend du type de

sur-face. La région interne se divise elle même en trois parties qui est composée de façon approximative par :

La sous-couche visqueuse : y+ <5.

La région de transition ou région tampon :5 < y+ <30.

La région complètement turbulente, ou zone logarithmique : 30 < y+ <

100.

La sous-couche visqueuse se retrouve complètement collée à la paroi, et à l’intérieur les fluctuations sont relativement petites et les efforts de frotte-ment visqueux prédominent. Cette région n’est pas uniforme, ni dans le temps ni dans l’espace. Pour chaque section, on peut définir une épaisseur moyenne

en temps, δs, qui est très petite, de l’ordre de 1% ou moins de l’épaisseur totale

δ. Donc, pour un y < δs, l’écoulement est considéré comme dominé par le

frot-tement. Dans cette région l’évolution de la vitesse moyenne est pratiquement linéaire avec la distance à la paroi y et la contrainte de cisaillement est égale à sa valeur à la paroi.

Dans la région y > δs, l’effet du frottement visqueux dans le transfert moyen de quantité de mouvement dans l’écoulement diminue de façon gra-duelle avec la distance à la paroi. Au final, on arrive à une région où l’écou-lement est complètement turbulent et les effets visqueux deviennent négli-geables. Il s’agit de la région complètement développée ou turbulente, où il existe une large gamme de tailles de tourbillons et de fréquences. La région intermédiaire, où les effets visqueux et turbulents ont la même importance s’appelle région tampon (on utilisera cette dénomination pour éviter des confu-sions avec la transition laminaire - turbulente). Les tailles respectives de la sous-couche visqueuse et de la région tampon sont très petites comparées à celle de la partie développée.

La région externe de la couche limite turbulente s’étend sur 80 à 90% de l’épaisseur totale de la couche limite. Les grandeurs caractéristiques sont

toujours Uτ pour la vitesse, mais la longueur caractéristique est maintenant

l’épaisseur de la couche limite δ. C’est l’épaisseur de la couche limite qui fixe la taille des structures turbulentes. Il est nécessaire de remarquer que ces ré-gions n’ont pas des frontières définies, et qu’elles peuvent interagir entre elles, avec une épaisseur qui peut varier en fonction de la pression extérieure ou du nombre de Reynolds.

Depuis la fin des années soixante, de nombreuses études ont mis en évi-dence l’existence de différents types de structures turbulentes dans un écou-lement de couche limite. Actuelécou-lement, on ne dispose pas de modèles capables d’établir clairement les relations spatio-temporelles entre ces différentes struc-tures, ni la dynamique qui les anime et les liens de cause à effet qui les relient. Les seuls résultats sûrs portent sur la détection et la reconnaissance d’évé-nements bien marqués qui jouent un rôle primordial dans le mécanisme de production et de maintien de la turbulence. Ainsi plusieurs travaux ont été réalisés dans le but d’une meilleure compréhension des liens entre ces struc-tures, afin d’élaborer des modèles de calcul de plus en plus fidèles à la réa-lité phénoménologique. Ces travaux sont d’une part, de nature expérimentale (corrélations spatiales de vitesse, analyses conditionnelles, visualisations) et d’autre part numériques à l’aide de l’exploitation des résultats de simulations directes des équations de Navier Stokes.

À l’origine de ces travaux, les visualisations effectuées par le groupe de l’Université de Stanford (Kline et al [[32] ; 1967] et Kim et al [[30] ; 1971] ont révélé l’existence dans la zone de proche paroi d’une séquence d’événements "organisés" contribuant de façon prépondérante à la production de l’énergie cinétique turbulente. Cette séquence a été dénommée "burst". Elle signifie l’éjection du fluide de faible vitesse de la paroi vers la région externe. La

fi-gure (1.17) montre les structures organisées à l’intérieur de la région interne. À gauche de la figure les deux couches sous-visqueuse et tampon et à droite la couche développée (appelée région logarithmique).

FIGURE1.17 Structure organisée observée par Kline [32]. (Gauche) La région tampon + la région sous-visqueuse. (Droite) La région développé

appelé aussi région logarithmique

Dans le cadre de cette thèse nous limitons nos recherches à la distribu-tion de pression autour du régime critique ainsi que les propriétés de chaque transition. La figure (1.18) montre les essais réalisés par Fage à différentes va-leurs du nombre de Reynolds. Fage a caractérisé la couche limite du cylindre par trois points, qu’il a nommé respectivement, A, B et C. Le premier point désigne la localisation de la pression minimale. Le point B est définie comme le point de séparation, Fage estime que pour le régime précritique uniquement

il est compris entre 76 et 88.5 à la limite de la transition laminaire-turbulent.

Le point C représente le début de la transition laminaire-turbulente, pour le développement de la turbulence dans le sillage du cylindre. Il désigne la fin du gradient de pression adverse lors du développement du sillage à l’arrière du cylindre mais en couche limite, le point C souligne le point de ré-attachement des lignes de fluide qui se sont décollées en amont.

De ce fait, le régime TrBL0 détient les propriétés suivantes :

• Un déplacement graduel de la séparation à l’arrière du cylindre en

aug-mentant Re.

• Le nombre de Strouhal reste invariable jusqu’à la fin du régime TrBL0.

La décroissance graduelle du coefficient de traînée, CD.

Il est primordial de noter qu’aucune variation du coefficient de portance ne sera enregistrée à ce régime. La distribution de pression autour du cylindre sera totalement symétrique et la valeur du coefficient de portance restera nul. Nous avons rapporté précédemment que l’intensité de turbulence et la ru-gosité de surface sont des paramètres d’influence sur le régime d’écoulement

FIGURE1.18 Développement de la couche limite en régime critique, Fage

1928 : (a) Re = 105, (b) Re = 1.2 × 105, (c) Re = 1.8 × 105, (d) Re = 2.7 × 105,

(e) Re = 3.3 × 105

critique. L’expérience a montré que le rapport L

D, avec L la longueur du

cy-lindre et D son diamètre influence lui aussi le développement de la couche limite du cylindre. Le déclenchement du régime critique pour l’expérience

de Fage (1928) d’un rapport L

D = 5.4, a été pour un nombre de Reynolds

Re = 1.02 × 105. De l’autre côté, Cantwell (1976), a souligné le début de ce

régime pour Re = 1.4 × 105, le rapport L

D dans ce cas était de 29.3.

D’autres paramètres peuvent entrer en considération lors de l’étude du comportement du cylindre face au vent. L’effet du blocage qui désigne le

rap-port entre le diamètre du cylindre et la largeur de la section de mesure, D

B

doit rester inférieur à 10%. Une classification conventionnelle sur les effets du blocage est donnée suivant Zdravkovich [[61] ; 2002] :

• Pour D

B <0.1 : l’effet du blocage est minime, il peut être négligé.

Pour 0.1 < D

B < 0.6, le blocage modifie l’écoulement, la correction des

données mesurées est nécessaire.

• Pour D

B > 0.6 : le blocage modifie complètement l’écoulement autour du

cylindre et la correction n’a pas de sens.