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Avec un certain nombre des notions telles que « consommation collaborative », « économie circulaire », « économie de la fonctionnalité », « économie participative », « économie sociale et solidaire », « freeware », « freemium », « logiciel libre », « Fab

La notion bénéficie de la rhétorique du « tiers » : « Tiers Etat », d’ordre politique, « Tiers Monde », d’ordre géopolitique, deux notions mettant en avant un mode d’entrée dans la compréhension de la société à partir d’une majorité invisible voire oppressée.

C’est la référence à deux auteurs qui fonde la référence au « tiers lieu » au regard d’une mésologie (La notion de milieu suppose la construction d’une mésologie (une théorie du « milieu ») dont on rappelle les jalons : Umwelt (construction active et / ou interactive de son « milieu », Umgebung (le « milieu » est considéré comme étant donné et reçu tel quel) et Weltanshauung (la représentation que l’on se fait de son « milieu »).

C’est d’abord E. W. Soja236, géographe qui se définit comme urbaniste. Il emprunte la notion d’« hétérotopie » à Foucault et met en avant la triple dimension de l’espace (la « trialectique spatiale ») qui reprend la trilogie fondatrice de la mésologie en distinguant le « premier lieu », celui des pratiques spatiales, le « second lieu », celui des représentations de l’espace et le « tiers lieu », celui des espaces de représentations. C’est le « tiers lieu » qui est au centre des perspectives critiques dans la mesure où c’est l’espace des relations sociale auquel il associe la nécessité de toujours prendre en compte la position de l’Autre considéré comme un infini spatial. Il offre la typologie suivante comme matrice de compréhension de la ville de Los Angeles : flexicity (une ville post taylorienne), cosmopolis (lieu de concrétisation d’une globalisation tous azimuts),

exopolis (une croissance indéfinie des banlieues – les edge cities – sans véritable centre

urbain, metropolarities (lieu d’accroissement des inégalités de toutes sortes), carceral

archipelagos (croissance continue de la surveillance), simcity (la ville comme simulation

par une hyperralité et un cyberspace venant construire un imaginaire).

Pour sa part, R. Oldenburg237 en donne une vision large et antérieure à la « numérisation » de la société (les cafés, les bureaux de poste, etc.). Ils ont comme caractéristique de construire un espace public fonctionnant sur l’égalité de statut en occupant une place importante dans la vie du lien social. Ce sont des endroits fréquentés quotidiennement. La notion a été reprise pour qualifier les espaces de coworking qui se multiplient aujourd’hui et, plus généralement, les espace du numérique et ceux du développement durable.

Movilab définit le tiers-lieu comme des lieux « destinés à être des espaces physiques ou virtuels de rencontres entre personnes et compétences variées qui n'ont pas forcément vocation à se croiser. Mot chapeau au premier abord pour rassembler sous une même et grande famille les espaces de coworking, les FabLab, les HackerSpace, les Repair'Café, les jardins partagés et autres habitats partagés ou entreprises ouvertes, le « Tiers Lieux »

236 E. W. Soja, Postmodern Geographies: The Reassertion of Space in Critical Social Theory, Verso Press,

Londres,1989.

A. J. Scott & E. W. Soja (Eds.), The City: Los Angeles and Urban Theory at the End of the Twentieth

Century, University of California Press, 1996.

E. W. Soja, Thirdspace: Journeys to Los Angeles and Other Real-and-Imagined Places, Blackwell, Oxford, 1996.

E. W. Soja, Postmetropolis: Critical Studies of Cities and Regions, Basil Blackwell, Oxford, 2000. E. W. Soja, Seeking Spatial Justice, University of Minnesota Press, 2010.

E E. W. Soja, My Los Angeles: From Urban Restructuring to Regional Urbanization, University of California Press. 2014.

237 R. Oldenburg, The Great Good Place, Coffee Shops, Community Centers, Beauty Parlors, General

(écrit avec des majuscules) est devenu une marque collective ou l'on pense ces singularités nécessaires à condition qu'elles soient imaginées et organisées dans un écosystème global ayant son propre langage pour ne plus être focalisé sur des lieux et des services d'infrastructure, mais vers l’émergence de projets collectifs permettant de co-créer et conserver de la valeur sur les territoires ».

C’est d’abord la localisation physique qui les caractérise, chacun ayant sa spécificité, même si leur substance est la même – un lieu d’expression du lien social, le « tiers lieu » étant à la fois indéterminé et localisé. La plupart de ces « tiers lieux » ne fonctionne sans référence à une concurrence.

La « numérisation » de la société est aujourd’hui un moteur de leur développement. Ils se caractérisent aussi par une gouvernance spécifique : une vocation sociale (comme lieu d’initiatives en matière de ce qui est aujourd’hui qualifié, même si c’est passablement confus, d'innovation sociale). Il s’agit donc de lieux où c’est la participation qui prévaut, participation qui se caractérise par l’usage et l’activité de ceux qui s’y trouvent. Il se situe entre l’univers domestique de la famille et l’univers économique du marché et de l’organisation.

Pour la majorité d’entre eux (les « anciens » - par exemple les Maisons des Jeunes et de

la Culture – MJC, les salles polyvalentes, comme les « nouveaux » - par exemple les

potagers communautaires, les Fab Labs makerspace, hackerspace), il faut souligner que leur institutionnalisation est le fruit de politiques publiques. Pour se référer à une forme organisationnelle générique, on pourrait les rapprocher des « communautés de pratiques ».

Une notion proche (mais distincte de celle de « tiers lieu » est celle d’« espace hybride » ou hybrid space) qui renvoie aux dimensions physique et sociale du tiers-lieu en liaison avec des dimensions virtuelles et surtout mentales. Le « tiers-lieu » caractérise une communauté d'appartenance incarnée dans un lieu physique donné là où l'« espace hybride » est basé sur la coexistence entre le lieu physique et le lieu virtuel assortie de la volonté de proposer de nouveaux modèles sociaux. Le « tiers lieu » propose la construction de nouveaux espaces de travail en contradiction avec la structuration des espaces de travail au regard de la spécialisation et de la trilogie « polycentrisme – interconnexion – fertilisation croisée » au lieu de la trilogie « centralisation – segmentation – spécialisation ». Ils réunissent deux caractéristiques mettant en avant la notion d’« intelligence collective » : l’animation afin de stimuler la connectivité et la cohérence par référence à des valeurs et/ou des objectifs partagés.

Il est important de souligner le développement des tiers lieux virtuels à l’âge du numérique et en particulier de la généralisation du télétravail, généralisation dont le développement a été amplifié par la pandémie COVID-19.