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3.1 OMEGA : Instruments et données

3.1.3 Réduction des données : obtention d’un spectre de réflectance

Afin de pouvoir calculer les critères spectraux qui seront par la suite cartographiés, il est nécessaire de passer des données brutes délivrées par les détecteurs aux données de réflectance. La première de ces étapes consiste en la conversion des données brutes qui n’ont pas de sens physique en une intensité spécifique. Une fois l’intensité spécifique obtenue, l’objectif est alors d’en isoler la composante surfacique. Il faudra pour cela la corriger des deux autres composantes qui entrent en jeu : la composante solaire et la composante atmosphérique. L’ensemble de ces étapes, qui sont décrites plus en détail ci-dessous, est regroupé dans un logiciel écrit un IDL, développé à l’IAS par Yves Langevin [Langevin et al., 2005]. Les spectres issus de ces 3 étapes, du spectre brut au spectre de réflectance, sont illustrés sur la Figure 38.

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Figure 38. Illustration des différents spectres obtenus après chaque étape de la réduction des données. a) spectre brut ; b) spectre d’intensité spécifique obtenu après la division par la fonction de transfert; c) spectre de réflectance (I/F) après division par le spectre solaire et du cos(i); d) spectre de réflectance corrigé des absorptions atmosphériques et des spectels défectueux (voir section 3.1.4).

L’unité arbitraire (DN), dans laquelle sont délivrées les données, est liée au nombre de photons reçu par le détecteur lors de l’observation. De façon plus précise, chaque élément (ou spectel) de chaque détecteur est chargé au début de l’observation et chaque photon qu’ils captent diminue ce niveau de précharge. Le spectre de données brutes est directement la soustraction des deux.

La transformation des données brutes en intensité spécifique se fait de façon pratique en divisant les données brutes par la fonction de transfert de l’instrument. Cette fonction de transfert correspond à la réponse de l’instrument à une intensité spécifique donnée présentée à l’entrée de l’instrument, et permet donc de relier simplement les deux. Cette fonction de transfert a été mesurée avant le lancement, lors de l’étalonnage radiométrique de l’instrument, à l’aide de plusieurs corps noir à différentes températures [Bonello et al., 2004].

La fonction de transfert visible n’est mesurée que pour la colonne centrale de la matrice CCD. Cette fonction pouvant varier d’une colonne à l’autre, la matrice CCD est au préalable corrigée grâce à un flat [Bellucci et al., 2006]. La première fonction de transfert utilisée créait une fausse bande entre 0.75m et 0.9m. Cette fonction a été récemment améliorée afin de corriger cet effet systématique [Carozzo et al., 2012]. La comparaison entre les spectres obtenus avec l’ancienne et la nouvelle fonction de transfert est illustrée sur la Figure 39.

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Figure 39. Exemple de spectres obtenus avec l’ancienne fonction de transfert (trais fins) et la nouvelle fonction de transfert (trais épais). On observe très clairement la disparition de la fausse bande d’absorption entre 0.75m et 0.95m sur les spectres utilisant la nouvelle fonction de transfert.

Cette fonction de transfert est illustrée sur la Figure 40. On peut observer qu’elle n’est pas constante et varie fortement en fonction de la longueur d’onde. Ces variations sont les témoins de la sensibilité, à l’intensité et aux différentes longueurs d’onde, des optiques, des détecteurs et différents éléments qui sont sur le trajet du rayonnement. Les bords des détecteurs sont par exemple généralement moins sensibles que le centre et les premiers et derniers spectels des spectres présenteront donc souvent un signal sur bruit plus faible et seront donc à éviter dans le calcul des critères spectraux.

À noter que cette fonction de transfert ne dépend pas de l’observation, mais uniquement de l’instrument, la même fonction de transfert sera donc appliquée à toutes les données de manière identique. Les données d’étalonnages faites au début de chaque orbite sont là pour vérifier la stabilité radiométrique de cette fonction de transfert avec le temps.

En plus de la division par la fonction de transfert, il est nécessaire de s’affranchir des diffractions de second ordre du réseau qui viennent se superposer aux ordres fondamentaux. À cette fin des filtres ont été implantés dans l’instrument. Au niveau de la voie C, la juxtaposition des filtres créée un minimum local influençant plusieurs spectels à 1.85 qu’il faudra donc éviter d’utiliser dans la suite. En dépit des filtres, les lumières du second ordre viennent contaminer celle du premier ordre à partir de 0.95m sur la voie visible, les spectres de longueurs d’onde supérieures seront donc également à éviter.

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Figure 40. Fonction de transfert instrumentale (ITF) des voies visibles et C de l’instrument OMEGA mesurée lors de l’étalonnage radiométrique de l’instrument avant son lancement. Cette courbe permet de convertir les valeurs brutes délivrées par les détecteurs en intensi té spécifique reçue à l’entrée de l’instrument.

Afin que les données soient complètement utilisables à des fins scientifiques, il faut relier chaque spectel à une longueur d’onde. Cette correspondance est obtenue lors de l’étalonnage spectral de l’instrument, qui se fait également avant le lancement, et qui consiste à mesurer l’intervalle spectral dans lequel chaque spectel acquiert le signal électromagnétique et en particulier sa longueur d’onde centrale, permettant ainsi d'obtenir les spectres en fonction de la longueur d'onde. Ces mesures d’étalonnages se font en plaçant devant l’instrument une source quasi monochromatique, de longueur d’onde réglable.

Le spectre final d’intensité spécifique obtenu à la suite de cette première étape est présenté sur la Figure 38b, il est maintenant totalement exprimé en données physiques et non instrumentales et peut déjà être exploité scientifiquement.

Nous avons vu dans la section 2.1 que pour remonter à la réflectance de la surface r() il nous faut corriger l'intensité spécifique obtenue dans le paragraphe précédent par deux facteurs principaux : le flux solaire incident et les effets atmosphériques, la correction du premier permettant de ne garder que les informations provenant de Mars et celle du second d’isoler l’information provenant de la surface.

Le rayonnement réfléchi par la surface de Mars prenant sa source au niveau du soleil, le spectre d’intensité spécifique reçue par le satellite est en partie composé du spectre solaire (Figure 38b et équation 6) et va principalement agir sur le niveau absolu de l’intensité spécifique. Le spectre solaire choisi est le résultat d’une simulation de Colina et al., [1996] qui représente le spectre solaire a 1 U.A (vue depuis la Terre). Afin d’isoler la composante du spectre liée à Mars, l’intensité spécifique précédemment obtenue sera donc divisée par le spectre solaire de Colina et al. (1996), qui est ramené à l'orbite de Mars en le divisant par la distance en U.A et ramené à la surface projetée en le multipliant par le terme cos(i). Cette opération permet d'obtenir ce qu'on appelle une réflectance i.e l’intensité spécifique reçue sur le flux solaire

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incident, que l’on peut noter I/F. Un spectre de réflectance corrigé de la composante solaire est illustré sur la Figure 38c.

Nous avons vu dans la section 2.1.2 que les interactions entre l’atmosphère et le rayonnement se situaient principalement au niveau des gaz atmosphériques et des aérosols. La composante due à la diffusion et à l’absorption par les aérosols étant variable et très difficile à corriger, elle ne sera pas prise en compte dans la correction atmosphérique, mais fera cependant l’objet d’un filtre important lors de la sélection des données (voir section 3.2). Cette section sera donc consacrée à la correction des bandes d’absorption dues aux gaz atmosphériques. Les données visibles ne sont pas influencées par ces bandes d'absorption, elles ne seront donc pas corrigées de l'atmosphère.

Dans le cas où on ne considère que l’absorption par les gaz atmosphériques, le coefficient atmosphérique s’écrit:

éq. 8 Avec k le coefficient d’absorption de l’atmosphère qui dépend de la longueur d’onde, des molécules présentes et de leur densité et l le chemin parcouru dans l’atmosphère qui va dépendre de l’altitude et des angles d’incidence et d’émergence.

Si on considère le coefficient d’absorption de l’atmosphère k() constant sur toute la

planète, les variations de profondeur entre les différentes bandes d’absorption atmosphériques ne changeront pas d’une observation à une autre. On peut alors facilement exprimer la transmission atmosphérique pour une observation donnée de trajet l, en fonction de la transmission atmosphérique connue entre le haut et le bas d’Olympus Mons de trajet L et notée

Tatm (Figure 24), de la façon suivante :

éq. 9

La correction de l’atmosphère revient alors juste à diviser le spectre de réflectance obtenu précédemment par le spectre de transmission atmosphérique Tatm modulé d’un exposant dépendant des chemins l et L traversés dans l’atmosphère. Cependant nous avons vu que le rayonnement pouvait subir de nombreuses réflexions et diffractions dans l’atmosphère rendant l’estimation de son trajet l compliqué. Cet exposant peut cependant être estimé simplement de manière empirique en utilisant la profondeur de bande à 2 m due au CO2. En effet, cette profondeur de bande peut s’exprimer comme suit I(2µm)/I0 =exp(-k(2µm).l), d’où k(2µm).l =-ln(I(2µm)/I0) avec I(2µm) l’intensité au fond de la bande et I0 l’intensité du continuum. En divisant la profondeur de bande pour le chemin l par celle pour le chemin L on obtient alors :

éq. 10 Cet exposant peut alors se calculer de façon simple et rapide pour chaque pixel de chaque observation. Cela permet une correction automatique des absorptions atmosphériques pouvant s’appliquer de manière systématique, ce qui est très important quand on traite un grand nombre de données comme c’est le cas dans la construction des cartes globales. Un spectre corrigé de l’atmosphère selon ce processus est illustré sur la Figure 38d.

Cependant, nous avons vu que ce raisonnement était valable dans la condition où le coefficient d’absorption k pour chaque longueur d’onde soit fixe dans le temps, ce qui n’est pas toujours le cas, le rapport de volume entre la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone pouvant changer selon la saison et la latitude [Encrenaz et al., 2005] ainsi que selon l’altitude des couches traversée [Smith et al., 2008]. De plus, la saturation de certaines de ces bandes d’absorption, et

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notamment celle à 2 m du CO2, ainsi que la présence de glace d’eau et de CO2, qui présentent également des bandes d’absorption à 2m, peuvent également jouer sur la profondeur de cette bande. Dans ces cas, la correction atmosphérique peut engendrer de fausses bandes ou des antibandes et il faut donc veiller, lors de la conception des critères spectraux, de ne pas utiliser des longueurs d’onde situées dans les bandes d’absorption atmosphériques.