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Réduction Dissimilaire du Fer (DIR)

Chapitre 2 : Les Isotopes du Fer

B. Processus de fractionnement biologique

1. Réduction Dissimilaire du Fer (DIR)

Parmi l’ensemble des processus biologiques au cours desquels le fer peut être modifié, l’étude expérimentale de la réduction dissimilaire de Fe(III), qui sera noté DIR par la suite, est celle qui a reçu la plus grande attention. De plus, ce processus semble être primordial dans l’histoire de la Terre et des formations minérales de fer puisque la DIR pourrait être une des formes de respiration primaire à la surface de la Terre (Yamaguchi et al., 2005).

Selon les expériences de Johnson et al. (2004), le fractionnement des isotopes du fer lors de la réduction de Fe(II)aq est opposé à celui de l’oxydation du fer, mais d’intensité similaire. Ces résultats sont cohérents avec les observations générales sur les réactions redox qui produisent les fractionnements les plus importants sur les isotopes du fer et qui peuvent être réversibles (Polyakov & Mineev, 2000; Schauble et al., 2001).

a. Mécanisme de la DIR

On entend par DIR un ensemble de plusieurs réactions conduisant à un nouveau produit solide à partir d’un solide de départ. Ainsi la DIR se compose d’une phase de dissolution, d’une phase de réduction et enfin d’une phase de précipitation regroupées dans la réaction (9) :

Fe2O3 ou Fe(OH)3 → Fe(III)L → Fe(II)L → Fe(II)aq, (9)

Fe(III)L et Fe(II)L étant des espèces de fer complexées à des ligands. Les fractionnements isotopiques du fer peuvent donc avoir lieu lors de chacune de ces étapes et des phénomènes tels que la sorption d’espèces aqueuses sur les solides peuvent aussi être envisagés.

Selon Johnson et al. (2004), le fractionnement isotopique du fer peut se produire pendant la DIR tout d’abord lors de la dissolution (∆1, Figure 4), puis lors de la réduction (∆2, Figure 4). Il est aussi possible que le fractionnement isotopique se produise entre Fe(III)L et le substrat de Fe(III) (∆3, Figure 4), bien que l’échange isotopique avec les solides à basses températures soit relativement lent. Enfin, le fractionnement isotopique peut avoir lieu entre Fe(II)aq et Fe(II) adsorbé à la surface du substrat ferrique (∆4, Figure 4), puis entre les espèces de Fe(II) adsorbées à la surface du solide et les particules de Fe(III) réactives sur cette même surface (∆5, Figure 4).

Fe(II)aq ∆2 : Fe(III)L – Fe(II)aq Cellule Fe(III)-L Substrat de Fe(III) ∆1 : Dissolution de Fe3+ ∆3 : Fe(III)L – Fe(III)s

∆4 : Fe(II)aq –Fe(II)ads e

-Fe(II)ads

e- 5 : Fe(II)ads –Fe(III)réactif

b. Produits solides issus de la DIR

Dans leurs premières études, Beard et al. (1999) ont mentionné des valeurs de δ56Fe de Fe(II) dissous produit par les bactéries réductrices du fer fractionnées d’environ -1,3‰ par rapport au substrat de ferrihydrite. Ces résultats ont ensuite été étendus à différentes bactéries de DIR, conditions de croissance et substrats (Beard et al., 2003a; Icopini et al., 2004; Crosby et al., 2005; Johnson et al., 2005). Johnson et al. (2005), ont notamment montré que pour des vitesses de réactions élevées, le Fe(II) produit présente des valeurs de δ56Fe qui sont inférieures à celles du substrat ferrique de plus de 2,6‰. Des fractionnements significatifs ont été rapportés entre Fe(II) dissous et magnétite ou sidérite, produites par des bactéries réduisant le fer (Johnson et al., 2005).

Le fractionnement isotopique du fer entre le Fe(II)aq et la magnétite, la goethite ou les carbonates de fer calculés et mesurés, varient entre -2,4‰ et +3,5‰ selon les auteurs, et jusqu’à -4‰ pour les prédictions théoriques, ce qui représente une gamme de variations importantes par rapport à ce qui a été vu jusqu’à présent pour les précipitations abiotiques de sédiments.

Le fractionnement isotopique d’équilibre mesuré pour l’hématite pendant la DIR (∆56Fe Fe(II)-magnétite = -1,3‰, Johnson et al., 2005), est relativement semblable au facteur de fractionnement isotopique déterminé à partir des échantillons naturels (∆56FeFe(II)-magnétite = -2,4‰, Johnson et al., 2003) mais diffère cependant du fractionnement mesuré avec les bactéries magnétotactiques (cf. § III.B.3.). Le fractionnement isotopique existant entre Fe(II) et la goethite (∆56FeFe(II)-goethite = -0,93‰, Crosby et

al., 2005) est moins important que pour la magnétite. De même, ce fractionnement est relativement faible dans des sols naturels (∆56Fe = -0,37‰, (Thompson et al., 2007)) et reflète, selon ces auteurs, une reprécipitation du fer et une complexation organique du fer dans ces sols riches en matière organique.

Les fractionnements isotopiques existant pendant la DIR entre Fe(II)aq et les carbonates de fer déterminés d’après les prévisions et les données naturelles, s’étendent sur une large gamme de valeurs, de ∆56Fe = -0,7‰ à ∆56Fe = +3,5‰ (Polyakov & Mineev, 2000; Schauble et al., 2001; Johnson et al., 2003). Ainsi, le fractionnement d’équilibre ∆56FeFe(II)aq-sidérite est proche de zéro pour la sidérite pure formée en présence de bactéries (Johnson et al., 2005) alors que Wiesli et al. (2004) ont estimé ce fractionnement à +0,5‰ dans les systèmes abiotiques. En revanche, les fractionnements cinétiques ∆56FeFe(II)aq-sidérite produits pendant la DIR sont supérieurs d’environ 1‰ aux fractionnements d’équilibre (Johnson et al., 2005). Ceci suggère que les changements de liaisons et les distorsions peuvent produire des effets significatifs sur les isotopes du fer.

En plus de la formation pendant la DIR de magnétite et sidérite biogéniques contenant du Fe(II), des solides intermédiaires de Fe(II) non magnétiques et non carbonatés (notés Fe(II)-NMNC dans la littérature et par la suite) (Fredrickson et al., 1998; Roden et al., 2002; Johnson et al., 2005) peuvent aussi être produits et avoir une influence forte sur les compositions isotopiques de Fe(II)aq. En effet, le fractionnement cinétique résultant de la formation de ces phases intermédiaires est de l’ordre

de ∆Fe(II)aq-Fe(II)-NMNC = +1‰. En revanche, le fractionnement d’équilibre entre Fe(II)-NMNC solide et Fe(II)aq est proche de zéro (Johnson et al., 2005).

Certains oxydes de fer formés selon un processus de DIR et présentant des similarités structurales avec des échantillons de Mars ont une composition isotopique comprise entre δ56Fe = +0,9‰ et δ56Fe = -2,0‰ (Chan et al., 2006; Severmann et al., 2006). Ces valeurs seraient le résultat d’une activité bactérienne et non d’un procédé de Rayleigh, comme le suggérait initialement Balci et

al. (2006).

c. Effets de la sorption

La sorption de Fe(II)aq, qu’elle se produise à la surface des bactéries ou sur les solides, peut conduire à un fractionnement isotopique du fer (Johnson et al., 2004 et références citées). Ainsi, la sorption rapide de Fe(II)aq dans les premières étapes de la DIR est accompagnée par un fractionnement cinétique significatif (de l’ordre de 2‰), qui tend vers un équilibre isotopique au cours du temps (Icopini et al., 2004 ; Johnson et al., 2004). Néanmoins, Crosby et al. (2005) ont montré un faible fractionnement isotopique entre Fe(II) adsorbé à la surface des oxydes et Fe(II)aq (∆56Fe = -0,38 ± 0,10‰).

La minéralogie semble aussi jouer un rôle important dans les fractionnements isotopiques du fer puisque l’adsorption peut conduire à un fractionnement isotopique de -1,5 à -0,3‰ entre Fe(II)aq et Fe(II)sorbé en fonction de l’hydroxyde de fer considéré (Icopini et al., 2004; Crosby et al., 2005). Quelle que soit la phase solide, le fer adsorbé à sa surface est systématiquement enrichi en isotopes lourds, mais le fractionnement isotopique est plus faible pour l’hématite (∆56FeFe(II)aq-Fe(II)ads = -0,38 ± 0,10‰, Crosby et al., 2005) que pour la goethite (∆56FeFe(II)aq-Fe(II)ads = -1,5 à -0,69‰, Icopini et al., 2004 et Crosby et al., 2005).

La DIR résulte donc en la perte préférentielle d’isotopes légers de fer pour un système ouvert (Thompson et al., 2007).

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