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RÉCEPTEURS SOLUBLES

Dans le document Philippe LEMAITRE (Page 155-158)

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RÉCEPTEURS SOLUBLES

Outre les récepteurs cellulaires, il existe de nombreuses protéines extracellulaires capables de reconnaître les motifs moléculaires associés aux pathogènes (PAMP). Celles-ci peuvent être directement effectrices ou servir d’opsonines, afin de diriger les agents microbiens vers les neutrophiles ou les macrophages en vue de leur phagocytose ultérieure. Cette partie de l’immunité innée est parfois appelée « humorale » et implique le système du complément, les collectines, les pentraxines et les ficolines.

COMPLÉMENT

Le système du complément comprend de nombreuses protéines dont l’activation en cas-cade aboutit à une réaction inflammatoire et à la destruction des organismes pathogènes. Il existe trois voies menant à l’activation du complément. La voie classique est initiée par la reconnaissance par C1 d’un anticorps (IgM, IgG1 ou IgG3) lié à la paroi microbienne ou à des cellules étrangères et est donc « indirecte ». La voie alterne est basée sur la reconnaissance directe de composants de surface membranaire (phénomène appelé « opsonisation ») par le C3b. Ces composés amino, hydroxy ou polysaccharidiens de surface ne se retrouvent habituellement que sur des organismes pathogènes et discriminés comme « non-soi » car, de plus, nos cellules sont normalement protégées par des protéines régulatrices empêchant cette liaison. La troisième voie, dite des « lectines », est dépendante d’une protéine plasma-tique appelée lectine liant le mannose (LLM ou mannose binding lectin [MBL] en anglais). La LLM active ensuite une protéine de la voie classique et est donc également indépendante des anticorps pour son activation.

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L’étape clé dans la cascade du complément est commune aux trois voies : le clivage du C3 en C3a et C3b. Ceci mène à la fixation du C3b à la membrane et à la libération de C3a et de C5a, deux médiateurs solubles appelés « anaphylatoxines ». Le C3b lié à la membrane est ensuite inactivé en iC3b et en C3dg, tous deux responsables de l’adhésion leucocytaire. L’activation du complément aboutira donc : d’abord à l’opsonisation des organismes patho-gènes et leur phagocytose par les neutrophiles ou les macrophages ; puis à la génération d’une réponse inflammatoire par l’effet des anaphylatoxines sur les neutrophiles ou les mas-tocytes ; et enfin à la cytolyse des organismes cibles par le complexe d’attaque membranaire (CAM), produit final de la cascade du complément.

IMPLICATION DU COMPLÉMENT EN TRANSPLANTATION

L’effet le plus connu du complément en transplantation est le rejet hyperaigu. Sa découverte remonte aux premières allo- ou xénogreffes en l’absence de cross-match. Il résulte de la pré-sence d’anticorps antidonneur préformés capables de se lier et d’activer l’endothélium vas-culaire du greffon dès la reperfusion. Cette liaison active la cascade du complément, ce qui aboutit à la lyse des cellules du greffon induite par le complexe d’attaque membranaire et également à la formation de thrombi par activation de la coagulation et de l’agrégation pla-quettaire. Ce phénomène s’accompagne d’un infiltrat neutrophilique massif. Actuellement, les anticorps incriminés sont principalement des IgG « naturels » développés en réponse à une exposition antérieure à des allo-antigènes au cours d’une transfusion, d’une grossesse ou d’une transplantation. Le rejet hyperaigu survient habituellement dans les minutes ou les heures qui suivent le déclampage et impose l’explantation du greffon, mais il peut être plus lent si le titre d’anticorps préformés est très bas. En pratique, ce type de rejet est actuel-lement contrôlé par le dépistage systématique des anticorps préformés (par cross-match lymphocytaire et détection par les techniques ELISA ou fluorocytométrique abordées dans un chapitre spécifique) et l’appariement des groupes sanguins du donneur et du receveur. Ces deux précautions permettent d’éviter pratiquement tous les rejets hyperaigus. Depuis peu, des greffes ABO-incompatibles sont réalisées mais nécessitent le retrait préalable des anticorps antidonneur.

Dans un modèle prototypique de ce type de rejet, la xénogreffe cardiaque chez la souris présensibilisée, il a été démontré que l’inhibition du C5, commun à toutes les voies d’activa-tion du complément, aboutit à l’abolid’activa-tion du rejet survenant dans les minutes qui suivent la greffe chez les souris contrôles, et ceci sans modifier l’infiltrat en anticorps, ce qui établit le complément comme effecteur dans ce modèle.

Bien que la majorité des protéines impliquées dans la cascade du complément soient syn-thétisées par le foie, les cellules immunes et parenchymateuses du greffon peuvent repré-senter une source critique de C3 et entraîner des effets péjoratifs sur l’organe à greffer. En effet, les greffons rénaux prélevés sur des souris déficientes en C3 sont acceptés dans 80  p.  100 des cas dans des receveurs sauvages qui eux-mêmes produisent des quantités normales de C3.

En cas de déficience sélective du donneur, on note un défaut d’activation des lympho-cytes T du receveur ainsi qu’une diminution de l’infiltrat cellulaire. Cette production locale de C3 est fortement influencée par le stress cellulaire ou une infection. Dans cette optique, l’état de mort cérébrale du donneur, en augmentant le climat inflammatoire de l’organisme par dysrégulation neuro-immunitaire, favorise l’expression du C3 dans les organes. Dans ce cas, l’effet délétère du complément est déjà présent chez le donneur avant le prélèvement,

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ce qui peut aussi expliquer pourquoi les greffons rénaux prélevés sur des donneurs en mort cérébrale ont une moins bonne survie que des greffons prélevés sur des donneurs vivants. Une association causale a été démontrée en ce sens entre une expression augmentée du C3 dans le greffon avant la greffe et l’altération précoce de la fonction rénale après transplan-tation. De plus, l’expression du C3 dans le greffon ne varie plus après la reperfusion, tendant à démontrer que les dépôts de complément qui affectent la fonction rénale après la greffe proviennent effectivement du donneur.

La cascade du complément est également impliquée dans les lésions d’ischémie-reperfu-sion. Ceci a entre autres été démontré par un modèle de clampage des artères rénales chez la souris où la déficience en C3, C5 et C6, mais pas en C4, améliore les lésions. Le C4 n’étant impliqué que dans la voie classique et dans la voie des lectines, ceci démontre également l’impact prédominant de la voie alterne dans les phénomènes d’I/R. Ces lésions atteignent principalement les cellules du tubule proximal, aboutissant à une nécrose tubulaire aiguë associée à une dysfonction du greffon.

Enfin, de nombreuses études murines impliquent le complément dans l’activation de la réponse adaptative tant au niveau des lymphocytes T que des cellules présentatrices d’anti-gènes. En effet, le C3 peut être directement synthétisé par les CD4 naïfs et agir ensuite de manière autocrine en favorisant leur survie. Le C3 favorise également l’expression de CMH de classe II sur les CPA et, dans cette optique, il est prouvé que C3a et C5a sont des facteurs de costimulation dans la relation entre la CPA et le lymphocyte T. De plus, le nombre de Treg est augmenté si l’effet du complément est inhibé sur la CPA. Tout ceci aboutit à l’activation et à la synthèse de cytokines par les deux types cellulaires et donc à l’initiation et l’amplifi-cation de la réponse adaptative.

Enfin, le complément influence la phase effectrice de cette réponse en favorisant direc-tement l’adhésion des lymphocytes T alloréactifs sur les cellules cibles du greffon. Chez l’homme, l’expression du C3 dans le greffon rénal semble corrélée à la fonction de l’organe à long terme, et ceci indépendamment des épisodes de rejet aigu et des lésions dues à la reperfusion. À l’inverse, le complément est impliqué dans la régulation de la mort cellulaire ainsi que dans l’élimination de cellules apoptotiques et peut donc avoir des effets bénéfiques en transplantation, comme démontré par le greffe cardiaque à des souris déficientes en C1q. Celles-ci semblent incapables d’éliminer les cellules mortes du greffon, ce qui rend le greffon plus inflammatoire et accélère le rejet.

COLLECTINES

Huit collectines sont décrites à ce jour. Les principales sont les lectines liant le mannose (LLM), les protéines du surfactant A et D. Ces protéines sont principalement impliquées dans l’opsonisation bactérienne, la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires et la production de radicaux libres par les phagocytes. Les plus importantes, les LLM, reconnaissent principa-lement le mannose, la N-acétylglucosamine et le fucose, trois résidus d’origine bactérienne et fungique. Cependant, les LLM reconnaissent également des oligosaccharides endogènes provenant de cellules apoptotiques ou de complexes immuns. Il existe des polymorphismes dans les gènes codant les LLM et on retrouvera donc des patients ayant des taux élevés, moyens ou bas de ces protéines dont l’activité biologique varie également en fonction du génome. Ces polymorphismes sont associés à des infections dans la petite enfance. Ces caractéristiques appliquées à la greffe rénale démontrent que la survie à 10 ans est en faveur d’un taux bas de LLM prégreffe.

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CELLULES DE L’IMMUNITÉ INNÉE

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