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La réassurance publique permet en principe une modération des primes

2.2. Le montant des primes, généralement modéré pour l’habitation, n’est pas

2.2.2. La réassurance publique permet en principe une modération des primes

2.2.2.1. Le régime CatNat et la réassurance publique qui y est adossée permettent une forte mutualisation du risque et donc un prix supportable des assurances de dommages aux biens, notamment dans les Outre-mer

Le système français de réassurance publique (cf. 1.3.2) permet une importante mutualisation du risque en matière de catastrophes naturelles. La caisse centrale de réassurance (CCR), qui bénéficie d’une garantie illimitée de l’État en dernier ressort, réassure les compagnies d’assurance à hauteur de la moitié des dommages assurés en-dessous d’un certain seuil (appelé « priorité ») et en totalité au-dessus de ce seuil. Ainsi, pour un sinistre majeur comme le cyclone Irma, la charge de sinistre effectivement supportée par les assureurs a été très inférieure aux 2 Md€ de dommages assurés (de l’ordre de 100 à 200 M€ selon les informations de la mission).

Si cette réassurance publique a un coût pour les compagnies d’assurance (cf. infra), elle permet de limiter fortement l’incidence de sinistres majeurs d’origine naturelle sur l’équilibre technique des assureurs (ratio sinistres/primes) et donc, in fine, de modérer le prix des assurances de dommages aux biens51.

Même si, sur longue période, la sinistralité naturelle outre-mer n’est pas nécessairement plus importante que dans certains territoires métropolitains (cf. 1.1.3), on peut considérer que les tarifs des primes d’assurance de dommages aux biens ne correspondent pas à la réalité du risque outre-mer. Dans un système « à l’adresse », de type britannique, où chacun paie une assurance à la hauteur de son risque, les primes seraient incomparablement plus élevées.

C’est le cas par exemple dans des pays limitrophes des Antilles et exposés aux mêmes risques naturels (États insulaires des Caraïbes ou Floride52).

Selon la CCR et plusieurs assureurs présents sur le terrain, en l’absence de système de réassurance publique, l’assurance MRH pourrait être jusqu’à dix fois plus chère qu’elle ne l’est aujourd’hui outre-mer.

51 Les assurances dommages aux biens professionnels, dommages aux biens habitation et dommages aux biens automobiles sont couvertes par le régime CatNat.

52 Les assureurs de Saint-Martin ont expliqué à la mission que, si la CCR n’existait pas et s’ils devaient compter sur les réassureurs privés/les fonds propres, la prime de MRH moyenne passerait de 300 € à environ 2 500 €. On se rapprocherait selon eux du marché floridien ou du reste de la Caraïbe.

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Plus précisément, même si les tarifs appliqués dans les îles des Caraïbes sont très disparates, les taux de primes appliqués apparaissent systématiquement supérieurs à ceux observés dans les Outre-mer français53 :

en moyenne environ 4 fois supérieurs pour la couverture des dommages hors CatNat (0,4 % contre 0,1 %) ;

en moyenne 30 fois supérieurs pour la couverture des catastrophes naturelles (0,43 % contre 0,012 %).

Le système de réassurance publique ne couvrant pas certaines collectivités d’outre-mer (cf. encadré 9), cette modération tarifaire n’y joue pas.

Encadré 9 : Territoires non couverts par le régime CatNat

Initialement cantonné au territoire métropolitain, le régime « CatNat » a été étendu aux outre-mer par la loi n°90-509 du 25 juin 1990 aux départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion) et aux collectivités de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. Puis l’ordonnance n°200-352 du 19 avril 2000 a intégré le territoire de Wallis-et-Futuna à cette garantie. L’article L. 100-1 du code des assurances précise ainsi que : « pour l'application du présent livre [livre Ier : Le contrat, régissant le régime Cat Nat], les mots : " la France ", les mots : " en France ", et les mots : " territoire de la République française " désignent la France métropolitaine et les collectivités territoriales régies par l'article 73 de la Constitution ainsi que Barthélemy et Saint-Martin ».

Sont donc exclus du régime CatNat les territoires suivants :

la Nouvelle-Calédonie ;

la Polynésie française ;

 les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) ;

(Clipperton).

Source : Constitution du 27 octobre 1946 ; loi du 13 juillet 1982 ; loi n°90-509 du 25 juin 1990 ; ordonnance n°200-352 du 19 avril 2000 ; code des assurances.

2.2.2.2. Après un sinistre majeur comme Irma, on peut craindre une augmentation des primes, notamment expliquée par un durcissement des règles de réassurance, dans l’ensemble des territoires ultramarins, au-delà des seules Antilles

La réassurance publique, notamment la garantie dite « stop loss » (cf. encadré 10) représente un coût pour les assureurs.

53 Source : CCR. Le taux de prime correspond ici au montant des primes rapportées aux valeurs assurées.

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Encadré 10 : Les traités de réassurance entre CCR et ses cédantes

Un traité de réassurance est une convention entre un assureur et un réassureur définissant les conditions de cession et d’acceptation des risques faisant l’objet de la convention. Ainsi, le traité de réassurance protège un portefeuille de risques. La réassurance publique de CCR s’articule autour de deux grandes catégories de traités :

la réassurance proportionnelle (quote-part), c’est-à-dire que le réassureur participe à l’indemnisation des sinistres assumés par l’assureur dans une proportion identique à celle des primes qu’il a perçues (dans la limite de la « priorité ») ;

la réassurance non-proportionnelle (stop loss), c’est-à-dire que le réassureur s’engage à participer aux sinistres au-delà du coût assumé par l’assureur (la priorité) et moyennant une prime calculée par le réassureur pour l’ensemble du portefeuille couvert (environ 15 % des surprimes concernées par l’assureur en l’occurrence). Cette souscription garantit aux assureurs que leur charge de sinistres ne dépassera pas 200 % des surprimes CatNat qu’ils auront conservées. Au-delà de ce seuil de sinistralité, la CCR prend en charge 100 % des dommages. Outre-mer, la priorité est en général fixée à 3 200 % des primes conservées.

Source : Mission.

La mission constate que des modifications des conditions contractuelles de la réassurance publique, après un sinistre majeur comme Irma ayant provoqué l’intervention de la caisse centrale, peuvent avoir pour conséquence d’augmenter sensiblement le coût de la réassurance pour les assureurs.

Le coût de la réassurance est intégré dans les charges supportées par l’assureur et son augmentation peut dégrader le ratio combiné54 de la compagnie, voire à l’extrême le faire passer au-dessus de 100 %, c’est-à-dire grever sa rentabilité sur le marché concerné.

Une dégradation durable hypothèque le maintien de l’assureur dans le territoire.

Selon les informations de la mission, le coût du stop loss pour les compagnies nationales est de l’ordre de 15 % des surprimes conservées par les assureurs (nettes de la quote-part, cf. supra).

Il apparaît, surtout après Irma, qu’il est sensiblement supérieur pour certains assureurs présents outre-mer, en raison de leur exposition à certains risques climatiques spécifiques. L'écart entre les tarifs de stop loss appliqués aux principaux assureurs touchés par Irma et ceux qui ne sont pas présents outre-mer est de deux points en 2019 (contre un point d’écart avant Irma et Maria). La hausse des tarifs stop loss (non liée exclusivement à Irma) pour les dix assureurs les plus touchés par Irma représente plusieurs millions d’euros.

Une façon de mesurer l’équilibre financier de l’assureur dans le cadre du régime CatNat est de calculer le ratio entre le résultat net CatNat de la compagnie avant sinistre naturel55 et le niveau de priorité du stop loss conclu avec la CCR. On estime que ce ratio est proche de 20 % pour la métropole. Des assureurs ont pu montrer à la mission que, pour les marchés outre-mer, il pouvait être très largement inférieur notamment depuis Irma. Ce traitement différencié concernerait également le marché réunionnais.

En outre, certaines entreprises d’assurance font le choix de protéger la rétention du stop loss56 de la CCR auprès de réassureurs privés. Ce besoin de réassurance privée est accru en cas de déséquilibre entre le résultat net CatNat et la priorité stop loss. Le coût de ces couvertures privées a pu mécaniquement augmenter après Irma, mais dans des proportions limitées en raison de la diversification géographique des portefeuilles des réassureurs privés.

54 Le rapport entre les indemnités versées et les charges diverses, d’une part, et le montant des primes perçues, d’autre part, est appelé ratio combiné.

55 Résultat net CatNat = surprimes CatNat collectées – [part versée au fonds Barnier 12% + part versée à CCR 44% + coût du stop loss + charges et commissions diverses].

56 C’est-à-dire la charge de sinistre qui n’est pas transférée au réassureur.

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Au total, les modifications intervenues après Irma dans les conditions de la garantie stop loss par la CCR peuvent avoir pour conséquence de déséquilibrer financièrement les assureurs présents outre-mer. Cette pratique ne semble pas de nature à inciter les assureurs à demeurer sur les marchés ultramarins (cf. infra). Elle pourrait également avoir pour conséquence d’augmenter, en bout de chaîne, le coût de l’assurance dommages aux biens pour les assurés.

Il convient de rappeler néanmoins que le coût de la réassurance reste pour les assureurs très limité dans les territoires ultramarins français par rapport à des territoires étrangers limitrophes (cf. encadré 11).

Encadré 11 : Comparaison des coûts de la réassurance entre les Outre-mer français et les autres îles des Caraïbes

Les réassureurs privés interviennent le plus souvent via des traités proportionnels et des traités en excédent de sinistre par événement (excess of loss)57. En France, la CCR intervient via des traités proportionnels et des traités stop loss (cf. supra). La différence majeure entre réassurance privée et CCR vient donc principalement du type de traité non-proportionnel proposé (excess of loss vs. stop loss).

Le réassureur privé intervient uniquement si un événement de grande intensité survient et jusqu’à une certaine limite indiquée dans le traité de réassurance (excess of loss).

Le réassureur public intervient en cas de survenance d’un événement de grande intensité mais aussi en cas de survenance d’une succession d’événements pendant l’année pouvant générer une sinistralité importante. Ce type de programme de réassurance est bien plus cher, si le réassureur est privé, que les programmes intervenant par événement. De plus, il n’y a pas de limite aux traités de CCR : on parle de stop loss illimité.

La moyenne des taux de prime (définis comme le rapport des primes de réassurance par rapport aux valeurs assurées protégées) des stop loss illimités sur les cédantes majeures de CCR exerçant dans les Drom est de 0,026 %. Cette moyenne est de 0,56 % dans les iles des Caraïbes non couvertes par le régime CatNat. En moyenne, la réassurance privée pour les traités non proportionnels est environ 20 fois plus chère que la réassurance publique de CCR qui offre au surplus une meilleure couverture.

Source : CCR.

2.2.2.3. Les assureurs présents aux Antilles mettent en œuvre, notamment depuis Irma et Maria, une analyse plus précise et des politiques de souscription plus différenciées selon le risque

Grâce notamment au système public-privé de réassurance, les assurances de dommages aux biens sont globalement peu onéreuses dans les Outre-mer français, comme dans le reste du territoire national58. En outre, la logique de l’assurance de dommages aux biens reposant sur la couverture d’un important volume de risques homogènes (cf. 3.1), la politique de souscription des assureurs en matière de MRH notamment peut être qualifiée d’« industrielle ». Les assureurs individualisent donc très peu leurs produits ainsi que les modalités de souscription à leurs contrats classiques d’assurance.

Ainsi, si les assureurs procèdent parfois à une visite de risque avant validation du contrat pour les risques professionnels et d’entreprises, il est très rare qu’ils le fassent pour une assurance habitation, ne serait-ce que pour des raisons de coût. Le plus souvent, ils se bornent à un questionnaire relatif à la nature de la construction envoyé au client.

57 À titre d’exemple, Gan Pacifique est couvert par un traité d’excédent de sinistre. Le régime CatNat ne couvre pas le Pacifique.

58 Quelques centaines d’euros par an pour la plupart des MRH.

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Cette faible segmentation du portefeuille entre les « bons » et « mauvais » risques peut conduire à des effets d’anti-sélection (cf. 3.1), c’est-à-dire de conservation dans le portefeuille des risques les plus élevés et de fuite des risques les plus faibles. En revanche, un sinistre majeur est susceptible de révéler la réalité des risques en portefeuille. Plusieurs assureurs présents aux Antilles ont ainsi pris conscience après Irma qu’en bonne part les risques qu’ils assuraient étaient en réalité difficilement assurables.

Après Irma et Maria, des assureurs ont de ce fait revu en partie l’identification des risques naturels aux Antilles, en établissant une cartographie précise (avec points GPS) sur la base notamment de l’historique des sinistres dans chaque zone. Des projets similaires sont à l’étude à La Réunion.

Des contrôles renforcés et une analyse plus précise des risques ont également accompagné la souscription :

résiliation à échéance ou après sinistre pour les risques les moins assurables (hôtels ou habitations en zone submersible notamment) ;

modulations tarifaires à la hausse pour les biens particulièrement exposés ;

saisie des coordonnées GPS et positionnement du risque sur des cartes de submersion et de ruissellement rendus parfois obligatoires aux Antilles pour le traitement des affaires ;

contrôle de la nature des constructions et des couvertures des immeubles parfois renforcé avant souscription, le cas échéant refus d’assurer en présence d’éléments de construction ou de couverture non conformes aux exigences techniques ;

demande parfois de présentation de titres de propriété et autorisations d’urbanisme avant souscription.

2.2.3. Par conséquent, l’élasticité-prix de la demande d’assurance habitation est très