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Annexe 21 : Essais de traction complémentaires sur fils composites

2. P ROBLEMES LIES AU SYSTEME CARBONE / ALUMINIUM

2.2.2. Réactivité des fibres vis-à-vis de l’aluminium liquide

Le produit de réaction est le carbure d’aluminium, Al4C3, à structure hexagonale (a0 = 3,32 Å, c0 = 24,89 Å). Cette structure est, en fait, constituée de couches hexagonales d’atomes d’aluminium intercalées avec des couches d’atomes de carbone. Les carbures croissent sous la forme de plaquettes ou d'aiguilles perpendiculaires à l'axe de la fibre. Pour des temps d'interaction très courts à l’état liquide, de l'ordre de la seconde (procédé de l'université de Northeastern expliqué au

paragraphe 1.3.2. de ce chapitre), une interface de produit de réaction de 2 à 4 nm est observée. Elle

2.2.2.1. Cinétique de formation des Al

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Selon Khan [35], qui a étudié le développement de la zone de réaction à l’interface en fonction du temps et de la température, le processus de formation des carbures est contrôlé par la diffusion. La cinétique de formation des carbures suit la loi d’Arrhénius avec une énergie d’activation estimée à 147 kJ/mol. Le carbone diffuse dans l’aluminium liquide pour former le carbure. Ce schéma diffusionnel s’appuie sur des considérations de taille atomique : le carbone ayant une taille atomique plus faible que celle de l’aluminium, il diffusera plus aisément dans l’aluminium liquide. La formation des carbures sur les fibres est irrégulière. Les carbures germent à la surface des fibres et croissent en taille et en quantité avec une augmentation de la température et du temps, jusqu’à la formation d’une couche continue à l’interface.

Selon Pelleg et al. [36], la formation des carbures est initialement contrôlée par un mécanisme de diffusion (C dans Al), mais ensuite, leur croissance diminue après la formation d’une couche continue. Ceci est attribué au fait qu’une fois les carbures formés, il n’y a plus de contact direct entre les constituants de base (C et Al), et que la diffusion du carbone doit, pour se poursuivre, avoir lieu à travers les carbures. Compte tenu des rayons atomiques du carbone et de l’aluminium, il est probable que c’est le carbone qui diffuse le plus vite à travers les carbures et que c’est cette diffusion qui gouverne la croissance des carbures.

Comme il a été constaté, la formation des carbures dépend fortement du temps de contact avec l'aluminium liquide et de la température. Ainsi, les conditions d'apparition des carbures sont variables selon le procédé d'élaboration. Pour les procédés d'élaboration en phase solide, tel l'évaporation sous vide d'aluminium, les carbures apparaissent à partir de 500°C au bout de quelques heures [35, 37]. Pour les procédés en phase liquide, ils apparaissent beaucoup plus rapidement [38] (par exemple, entre 7 et 200 min à 830°C sous vide, cf. Figure I-10 p.24 [18]).

D'un point de vue physique et selon Kohara et Muto [38],le mécanisme de formation des carbures se ferait en 5 étapes : formation de petits cristallites de carbures dispersés à la surface des fibres, coalescence de ces carbures, croissance de carbures à la surface de la fibre qui ont coalescés dans la matrice, croissance simultanée de carbures dans les fibres et dans la matrice, croissance dans certains cas d'un carbure monocristallin dans la matrice.

Des études sur des fibres ex-brai montrent que la formation des carbures commence à partir des agglomérats graphitiques présents localement à la surface des fibres et aux parties proéminentes de celles-ci [34]. Une étude comparative sur des composites à fibres ex-PAN et ex-brai montre que les carbures se forment sur les sites actifs en surface des fibres. Ainsi, les carbures sont plus nombreux sur les fibres ex-PAN que sur les ex-brai, lesquelles présentent moins de sites actifs [38].

2.2.2.2. Influence des Al

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sur les propriétés des fibres

La formation des carbures à l'interface influence la morphologie de la fibre, mais également ses propriétés mécaniques.

Une étude sur un composite à fibres de section circulaire renforcé par de l'aluminium pur montre, qu'après infiltration en phase liquide (180 s à 875°C sous 56 MPa), les fibres n’ont plus leur section circulaire initiale. Cela peut être dû à des fragmentations de la fibre dans le métal liquide sous la pression d’infiltration ou à une attaque non uniforme de la fibre par l’aluminium liquide. Le diamètre des fibres diminue de 37 %. La dissolution du carbone dans la matrice provoque une diminution non uniforme de la taille des fibres et donc un changement de forme [36] (ces constatations sont issues d’observations en microscopie électronique à balayage de sections transverses du composite). Après élaboration en phase solide (évaporation sous vide d’aluminium) et traitement thermique de 9h à 600°C ou 16h à 630°C [37], une étude à partir de fibres extraites de la matrice souligne que la surface des fibres initialement lisse apparaît plus rugueuse. Il est également observé que la réaction n’est pas homogène. Les concentrations de contraintes provenant de la rugosité de la surface provoquent une diminution de la résistance des fibres. La résistance des fibres décroît d’autant plus que la couche de réaction est épaisse.

Les carbures croissent à partir du carbone de la fibre et sont ancrés dans la fibre. Cet ancrage du carbure agit comme une entaille à la surface de la fibre lors de son chargement. Ainsi, la résistance des fibres est affaiblie par la formation des carbures. Ceci se répercute sur la résistance en traction des composites qui diminue avec une augmentation du temps d’infiltration, tout comme la quantité de carbures diminue quand le temps d’infiltration décroît (cf. Figure I-17). Les résistances les plus élevées sont obtenues pour des quantités de carbures inférieures à 0,2 % en masse [34].

Figure I-17 : Résistance à la traction et quantité de carbures en fonction du temps d'infiltration des composites

L'étude de Kohara et Muto [38] sur des composites élaborés par voie liquide (pressage à chaud sous 0,1 MPa et sous vide, entre 680 et 800°C, temps de contact de 30 à 600 s) avec des fibres

ex-PAN (T300) et ex-brai (Kureha T-101S) montre également l'influence du temps de contact et de la température sur la formation des carbures. La résistance en traction des fibres extraites décroît au début rapidement avec le temps puis plus lentement quand le contact avec l'aluminium liquide est prolongé (cf. Figure I-18-a). Elle décroît également quand la température augmente (cf. Figure I-18-

b). Cette tendance générale à la dégradation est constatée pour les deux types de fibres. Toutefois, le

taux de dégradation est plus important pour les fibres ex-PAN que pour les ex-brai (cf. Figure I-19). Des observations des faciès de rupture des fibres montrent que la rupture de la fibre s'amorce à l’aplomb du carbure. La résistance des fibres extraites dépend de la proportion de sites d'ancrage des carbures, c'est-à-dire du nombre de sites actifs présents en surface de la fibre (plus nombreux pour les ex-PAN que pour les ex-brai). La différence de dégradation selon le type de fibres peut donc être attribuée à la différence de structure des fibres.

L'étude de Suzuki sur différentes fibres ex-brai [39] étaye cette théorie. Il est montré que la quantité de carbures n'est pas le facteur prédominant de la dégradation des fibres, mais que c'est la microstructure (texture) de la fibre qui est importante.

(a) (b) Figure I-18 : Evolution de la résistance en traction des fibres ex-PAN extraites du composite avec le temps à

680°C (a) et avec la température (b)

Figure I-19 : Comparaison de la résistance en traction des fibres extraites normalisée par celle des fibres ex- PAN (σr expérimentale = 2500 MPa) et ex-brai (σr expérimentale = 700 MPa)

Si la formation des carbures à l'interface diminue la capacité de la fibre à améliorer la résistance en traction, elle n'affecte pas le module de Young du composite dans le sens longitudinal, et au contraire améliore la résistance à la compression [40].

2.2.2.3. Influence de l’oxygène

[41]

L’oxygène est toujours présent à l’interface fibres de carbone/aluminium liquide à la fois sous la forme d’une couche de passivation d’alumine et sous la forme d’oxygène adsorbé à la surface de la fibre. Ainsi, la formation des carbures procède en trois étapes : la dissociation par l’oxygène des atomes de carbone de la fibre, la diffusion de ces atomes de carbone à travers le film d’oxyde (alumine) vers la matrice et finalement la réaction carbone/aluminium liquide pour former Al4C3. Durant la réaction interfaciale, la dissociation du carbone des fibres résulte du contact avec le film d’oxyde et non du contact avec la matrice. Ainsi les taux de réaction, c’est-à-dire les taux de dissociation du carbone, dépendent de ce contact direct avec le film d’oxyde. Maruyama et al. [41] ont choisi de modéliser la réaction interfaciale par l’oxydation du graphite sous air, c'est-à-dire de décrire la dissociation du carbone des fibres et l’inaptitude à créer de forts liens fibres/matrice.

Ce choix s’appuie sur deux observations :

• L’oxydation du carbone dans l’air devient significative à partir de 500°C, tout comme la formation des carbures, mais cela ne demande certainement pas le même temps de maintien à 500°C.

• Les taux de formation des carbures et d’oxydation dépendent du nombre de sites actifs.

Le processus d’oxydation du carbone peut être séparé en plusieurs étapes : il y a chimisorption de l’oxygène sur les sites actifs à la surface des fibres, puis formation du monoxyde de carbone (CO) entraînant la désorption de l’oxygène à la surface des fibres. La réaction de formation du CO à partir du carbone des sites actifs et de l’oxygène « chimisorbé » peut être assimilée à un réarrangement des liaisons π (cf. Figure I-20), qui affaiblit les liaisons C-C et catalyse la réaction de formation des carbures. En effet, l’alumine présente à l’interface stabilise la structure (b) et favorise donc la dissociation du carbone en surface des fibres. La dissociation du carbone des fibres et la formation des carbures sont donc catalysées par la présence d’alumine.

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