Partie 1 : Réactions catalytiques 2. Réaction de Sabatier 2. Réaction de Sabatier 2.1 Contexte L’Union Européenne s’est fixée pour objectif d’intégrer 30% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030, dont 40% dans le mix électrique et 10% dans le réseau gaz[26]. A cette intégration importante des énergies renouvelables dans le paysage énergique se pose le problème de gestion des réseaux électriques. L’intermittence et la localisation des énergies renouvelables sont des freins majeurs à leur intégration dans les réseaux et à la généralisation de leur utilisation. Pour contrer ces problématiques, il est impératif de mettre au point des moyens de stockage de l’énergie produite. Ces besoins de stockage d’ici 2030 ont été estimés par l’ADEME à plusieurs TWh sur des durées de stockage de plusieurs jours, les périodes d’excès de production pouvant s’étendre à plusieurs mois (d’avril à juillet). Le power to gas, la conversion de l’énergie électrique en gaz, est depuis quelques années considéré comme la solution la plus prometteuse pour le stockage des énergies. En effet, ce stockage chimique de l’énergie permet une durée de stockage de plusieurs mois et une capacité dépassant les 1 TWh (Figure 12). Figure 12: Capacité et durée de stockage de différentes technologies. Extrait de [27]. L’électricité produite par les énergies renouvelables pourrait être utilisée pour réaliser l’électrolyse de l’eau et produire de l’hydrogène. L’utilisation et le stockage de l’hydrogène sont soumis à de nombreuses contraintes, à cause des problèmes de sécurité liés à son utilisation et à son stockage. 28 Le power to methane représente une voie plus adaptée à long terme. L’hydrogène produit est dans ce cas utilisé pour réaliser la réaction de Sabatier et produire du méthane. Le méthane est le principal constituant du gaz naturel, il peut donc être directement injecté dans les réseaux de gaz. L’électrolyse est aujourd’hui une technologie bien maitrisée et commercialisée, elle ne constitue pas le verrou actuel sur la faisabilité technologique du power to gas. En revanche, l’industrialisation de la réaction de méthanation du CO2 est très limitée. Cette réaction nécessite l’utilisation de catalyseurs solides, pouvant se désactiver rapidement si la gestion de la température dans le réacteur n’est pas maitrisée. Les solutions industrielles existantes sont issues de procédés développés dans les années 1970-1980. Elles sont constituées d’un enchainement de réacteurs adiabatiques séparés par des échangeurs de chaleur utilisés pour refroidir les gaz et favoriser des meilleurs rendements. Ces installations ne sont pas adaptées aux procédés de power to gas où les dimensions des installations sont plus faibles et où la flexibilité est primordiale. 2.2 Mécanisme de la réaction de Sabatier La réaction catalytique de méthanation du dioxyde de carbone pour produire du méthane a été découverte par Paul Sabatier en 1900. Cette réaction vieille de plus d’un siècle est aujourd’hui considérée comme une des solutions les plus prometteuses pour le stockage d’énergie et la valorisation du dioxyde de carbone rejeté. Cette réaction équilibrée est fortement exothermique. CO2 + 4H2 ⇌ CH4 + 2H2O (ΔrH°298K = -165 kJ/mol) (1) Il existe deux mécanismes possibles pour la formation du méthane. Le premier consiste en l’hydrogénation directe du CO2 en CH4 et en H2O (1). La voie indirecte est une combinaison de la réaction de Reverse Water Gas Shift (2) et de la réaction d’hydrogénation du monoxyde de carbone (3). CO2 + H2 ⇌ CO + H2O (ΔrH°298K = 41 kJ/mol) (2) CO + 3H2 ⇌ CH4 + H2O (ΔrH°298K = -206 kJ/mol) (3) 2.3 Etat de l’art des catalyseurs pour la réaction de Sabatier L’utilisation de catalyseur est nécessaire pour baisser l’énergie d’activation de la réaction d’hydrogénation du dioxyde de carbone. 29 De nombreux catalyseurs ont été testés pour la réaction de Sabatier. Les métaux du groupe VIII (Ru > Fe > Ni > Co > Rh > Pd > Pt > Ir)[28] sont les catalyseurs les plus actifs. Ils sont généralement dispersés sur des supports poreux comme la silice, la cérine ou l’alumine et utilisés à des températures comprises entre 250°C et 500°C. Un bon catalyseur pour la réaction de méthanation du CO2 doit permettre la dissociation de la liaison C-O et l’adsorption de la molécule de CO2 et des intermédiaires. Historiquement, et en raison de son faible coût, le nickel est le catalyseur le plus utilisé. Figure 13: Activité de différents métaux transition en fonction de l'énergie de leur dissociation de CO. Extrait de [29]. La figure 13 obtenue par Bligaard et al[29], représente la courbe en volcan de l’activité de différents métaux de transition en fonction de l’énergie de dissociation de CO. L’activité des métaux à droite de cette courbe est limitée par leur énergie de dissociation de CO, à l’inverse, pour les métaux à gauche de la courbe, l’activité est limitée par une forte adsorption de la molécule à leur surface. Il serait donc intéressant d’utiliser un catalyseur bimétallique pour allier à la fois une bonne adsorption de la molécule et une bonne énergie de dissociation de C-O. Nørskov et al ont montré, par calculs théoriques[29],[30] puis expérimentalement[31], qu’un alliage Ni-Fe serait le catalyseur de choix en considérant à la fois son activité pour la méthanation du CO2 et son coût limité (Figure 14). 30 Figure 14: Cout de différents métaux et alliages et leur activité pour la réaction de méthanation de CO2. Extrait de [30]. Ils ont testé différents catalyseurs mono- ou bimétalliques Ni-Fe (nanoparticules de tailles comprises entre 8 et 12 nm) supportés sur MgAl2O4 ou Al2O3 pour la méthanation du CO (température de réaction 275°C). Les bimétalliques Fe25Ni75 et FeNi ont montré une meilleure activité que des particules monométalliques de Ni ou de Fe. La sélectivité pour le méthane est améliorée en augmentant la proportion de Ni dans l’alliage. D’autres études ont également été menées en utilisant FeNi comme catalyseur, l’on peut citer les travaux de Kang[32]et al et de Tian et al [33]. Figure 15: Performance catalytique de l'alliage Fe25Ni75 avec différentes charges déposées sur MgAl2O4. Extrait de [31]. Dans la grande majorité des études concernant la réaction de Sabatier, le catalyseur fonctionne à des températures élevées qui sont atteintes thermiquement de manière classique dans un four. La montée en température des fours qui est lente semble peu adaptée au procédé du power to gas. 31 2.4 Conclusions La réaction de Sabatier pourrait être une solution efficace pour d’une part valoriser le CO2 rejeté par l’industrie et d’autre part stocker efficacement l’énergie produite par les énergies renouvelables. Cependant, les conditions pour effectuer cette réaction ainsi que le besoin de flexibilité imposé par l’intermittence des énergies renouvelables, nécessite la recherche de nouvelles méthodes de production. Dans le document Nanoparticules bimétalliques combinant propriétés catalytiques et physiques pour la valorisation du CO2 et de la biomasse (Page 30-34)