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Chapitre 3 Réactions catalytiques de formations de liaisons C–C, C–Si et C–S à partir des

3.2.2. Réaction non énantiosélective d’insertion des carbènes d'

cuivre

Des efforts considérables ont été investis dans le développement de réactions catalytiques à base de cuivre. En effet, c'est une alternative abondante et abordable en comparaison aux catalyseurs à base de métaux précieux. Étant donné que la plupart des insertions X–H avec des 𝛼-diazoesters impliquent des complexes de rhodium, nous voulons développer un système catalytique efficace et vert pour sonder la réactivité des 𝛼-diazoesters et des 𝛼-diazocétones dans les réactions d’insertion dans les liaisons Si–H et S–H.

Le défi de ce projet de recherche réside dans le développement d’une méthode permettant l’insertion d’𝛼-diazocétones dans les liaisons Si–H ou S–H en engageant un catalyseur de cuivre (Schéma 3.13). Un aspect important à mentionner à propos des diazocétones est qu’elles n'ont jamais été étudiées dans ces types de réactions.

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Schéma 3.13 Schéma général pour les réactions d'insertion d’α-diazoesters et d’α-

diazocétones dans les liaisons Si–H et S–H

Ce projet de recherche a été effectué en collaboration avec une étudiante en doctorat de notre groupe, Hoda Keipour. Son travail a été d’optimiser et d’appliquer une méthode d’insertion avec des diazoesters. Pour ma part, je me suis intéressée au développement méthodologique de la réaction d’insertion avec des diazocétones, ce qui a été fort peu étudié dans la littérature. Ci-dessous les résultats obtenus par ma collègue seront présentés brièvement, puis j’exposerai mes résultats.

Schéma 3.14 Réaction d'insertion d’α-diazophénylesters dans la liaison Si–H catalysée

par le cuivre

Après l’étude de l’optimisation des conditions réactionnelles, Hoda Keipour a trouvé les conditions optimales pour la réaction d’insertion. L’utilisation de sel de cuivre [(MeCN)4Cu]PF6 (5 mol %) dans le dichlorométhane à –10 °C se sont révélées être les

meilleures conditions. Cette méthodologie a été appliquée à une variété de composés diazoesters avec le triéthylsilane (Schéma 3.14). Tous les substrats ont réagi pour produire les α-silylesters correspondants en donnant des rendements très bons à excellents (85–98%), indépendamment de la nature et de la position des substituants sur le noyau phényle des diazoesters.

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Schéma 3.15 Réaction d'insertion d’α-diazophénylacétate de méthyle dans la liaison S–H

catalysée par le cuivre

[(MeCN)4Cu]PF6 s'est avéré être également un catalyseur efficace pour les réactions

d'insertion d'α-diazoesters dans la liaison S–H. Les réactions d'insertion dans les liaisons S–H du thiol benzylique, ainsi que divers thiophénols substitués avec différents α-diazoesters ont été effectuées en employant les conditions réactionnelles optimales (5 mol % de

[(MeCN)4Cu]PF6 dans du dichlorométhane à température ambiante; Schéma 3.15). Comme

dans la réaction d'insertion d'α-diazoesters dans la liaison Si–H, tous les substrats ont réagi pour produire les α-thioesters correspondants en donnant de bons rendements (75–89%), dépendamment de la nature et de la position des substituants sur le noyau phényle des thiols.

Schéma 3.16 Préparation d’α-diazophénylcétones: méthode (a) [235] et méthode (b);[236]

synthèse de la cétone 90 et 91 (c)

Les 𝛼-diazoesters et les 𝛼-diazocétones ont été facilement préparés à partir d'esters et de cétones disponibles commercialements selon des modes opératoires connus.[235-236] Pour la synthèse des 𝛼-diazocétones, deux méthodes ont été employées. La première consistait à traiter

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la cétone de départ avec une base afin de déprotoner en position 𝛼-cétone (Schéma 3.16a, 92a-

g). Par la suite, l’énone obtenue réagit avec le formiate d'éthyle de manière à produire une

espèce doublement activée. La réaction de ce composé formylé avec le réactif de transfert de diazo approprié se produit (dans notre cas méthanesulfonylazidure). Se poursuit le clivage subséquent du groupe formyle afin de générer les diazocétones avec des rendements variant entre 38 et 74%.

La deuxième méthode de synthèse consiste en le transfert d'un groupe diazo complet à partir d'un donneur azidure (MsN3 93, p-ABSA 94, TsN3 95) sans activation de la position 𝛼-cétone

par formylation (Schéma 3.16b, 92h-k). Pour déprotoner en position 𝛼-méthylène d'un

composé carbonyle, cela nécessite la présence d'une base (DBU, Et3N, K2CO3). En utilisant

cette méthode de synthèse, les diazocétones ont été préparées avec des rendements variant entre 20 et 94%. À noter que les cétones 90 et 91 ont été préalablement préparées (Schéma 3.16c). La cétone 90 a été synthétisée à partir du bromobenzène et de l’acétylacétone en présence d’un catalyseur de cuivre.[237] Par contre, la cétone 91 est préparée en deux étapes,

avec une bromation suivie d’une élimination.[238]

Tableau 3.3 Optimisation de conditions réactionnelles pour la réaction d’insertion Si–H

Entrée Cat [mol %] Et3Si–H [éq] T [h] T [°C] Rdt 96a [%]

1 5 2 36 –10 18 2 5 2 24 0 18 3 10 2 27 0 15 4 1 2 44 0 38 5 0,05 5 48 0 35 (1% 97a) 6 0,05 5 48 23 35 (3% 97a) 7 0,05 3 40 23 28 8[a] 0,05 5 48 23 70 (5% 97a) 9[a] 0,5 5 9 40 65 10[a] 1 5 9 40 71 11[a] 1 2 9 40 65 [a] 4 Å TM

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[(MeCN)4Cu]PF6 s’est montré très efficace pour la réaction d’insertion de différents

diazoesters dans les liaisons Si–H et S–H. Nous l’avons alors appliqué aux diazocétones. Afin de trouver les conditions optimales pour la réaction, nous avons employé comme substrats modèles la diazopropiophénone 92a et le triéthylsilane. D’abord nous avons utilisé une charge catalytique de 5 mol % de [(MeCN)4Cu]PF6 et de 2 équivalents de triéthylsilane dans le

dichlorométhane à –10 °C, qui sont les conditions optimisées pour les diazoesters (Tableau 3.3, entrée 1). Après 18 heures de réaction, un très faible rendement de 18% est isolé. Une explication pour ce mauvais rendement peut s’expliquer par la formation majoritaire du produit secondaire de dimérisation 98a. Cela nous fait penser que la formation de carbène est plus favorable que celle de cuivre-carbène, ce qui conduit à la formation en grande quantité de dimère. Pour régler ce problème, nous avons essayé par la suite de modifier différents paramètres de réaction, comme une augmentation la température de 0 °C à 23 °C (Tableau 3.3, entrées 2, 6), une augmentation de la charge catalytique de 5 à 10 mol % (Tableau 3.3, entrée 3) et sa diminution de 5 à 0,05 mol % (Tableau 3.3, entrées 4 et 5). Les résultats montrent que la réaction est très sensible à la température et à la charge catalytique employée. Une amélioration importante du rendement est remarquée avec l’augmentation de la température et la diminution en parallèle de la charge catalytique (Tableau 3.3, entrées 1–8). Le meilleur résultat (70%) est constaté à une température ambiante et une charge catalytique très faible de 0,05 mol %. Par contre, 5 équivalents de triéthylsilane sont nécessaires (Tableau 3.3, entrée 8, 6 vs 7). Nous avons ajouté au mélange réactionnel du tamis moléculaire à 4 Å, ce qui a également amélioré l’efficacité du système catalytique (Tableau 3.3, entrée 8 vs 6). À noter que, dans ces conditions, le produit O-silylé 97a est aussi récupéré (5%). Nous observons ce même résultat, c’est-à-dire des rendements de l’ordre de 65–71%, avec une augmentation de la température à 40 °C. En revanche, le temps de la réaction diminue de 48 à 9 heures (Tableau 3.3, entrée 9 vs 8). En parallèle, nous avons testé d’autres solvants comme le CHCl3 ou le DCE

et un autre sel de cuivre comme le Cu(OTf)2. Ces derniers n’ont pas battu nos résultats obtenus

avec le [(MeCN)4Cu]PF6 dans le CH2Cl2. Ces mêmes tendances ont été observées un utilisant

un autre substrat le 2-diazo-l, 2-diphényléthane-1-one (92h) (Tableau 3.4, entrées 1–4). Nous avons eu le même problème de dimérisation du réactif de départ. Comme pour le substrat 92a, le meilleur résultat est obtenu avec une charge catalytique de 0,05 mol % dans le CH2Cl2 à

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température ambiante (Tableau 3.4, entrée 3). Néamoins, une quantité plus importante de produit O-silylé 97h est récupérée (jusqu’à 15%).

Par la suite, nous avons étudié une variété d'𝛼-diazocétones (Schéma 3.17, 92a-f, h, i) comme substrats pour la réaction d'insertion de composés diazoïques dans la liaison Si–H avec le triéthylsilane. Après une étape de criblage, les conditions optimales trouvées pour la synthèse des 𝛼-silylcétones impliquaient une très faible charge en catalyseur dans le dichlorométhane à température ambiante (0,05 mol % en [(CH3CN)4Cu]PF6). L'utilisation d'une quantité

catalytique de cuivre plus élevée ou moins de 5 équivalents de triéthylsilane favorise la formation du produit l'alcène de dimérisation indésirable. Tous les substrats ont conduit aux 𝛼-silylcétones correspondantes 96a-f, h, i avec des rendements pauvres à bons (Schéma 3.17, éq a, 26-70%). L'α-diazophénylcétone 92a était la plus réactive donnant 70% de produit d'insertion (produit C-silylé). La diazophénylcétone 92h donne 61% de produit d'insertion (C- silylé) et 12% de rendement d’éther d’énol silylé correspondant (O-silylé). Entre 1 et 5% des produits O-silylés ont été isolés en utilisant les autres α-diazocétones.

Tableau 3.4 Optimisation des conditions réactionnelles pour la réaction d’insertion Si–H

Entrée Cat [mol %] Et3Si–H [éq] T [h] T [°C] Rdt [%]

1 1 2 45 0 38

2 0,1 2 72 22 45 (8% 97h)

3 0,05 5 44 22 54 (15% 97h)

4 0,05 5 44 0 60 CSi (11% 97h)

Cependant, la réactivité du substrat de départ semble être influencée par les propriétés

électroniques des substituants sur le phényle des 𝛼-diazocétones. Les 𝛼-diazocétones

contenant des groupes électro-donneurs, tels les groupes méthyle et dioxolane, ont conduit aux produits silylés avec des rendements plus élevés (Schéma 3.17a, 96b et 96f) que les 𝛼- diazocétones contenant des groupes électro-attracteurs tels le F et le Cl (Schéma 3.17a, 96c et

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phénylbutan-1-one (92e). Le 1-phényl-2-butén-1-one (99) (E/Z = 1:0,03) est le produit majoritaire mais non souhaité (45% rdt; Schéma 3.17b). La préparation de composés

carbonylés insaturés par élimination en engagant des ß-hydrures de dérivés 𝛼-

diazocarbonyliques a déjà été décrite dans la littérature.[239]

Nous avons également travaillé sur le développement de la réaction d’insertion d’𝛼- diazocétones dans la liaison S–H (Tableau 3.5). Plusieurs efforts ont été mis en œuvre pour réussir à obtenir le produit attendu. À température ambiante même avec une charge de 30 mol %, nous n’avons pas isolé l’𝛼-thiocétone (Tableau 3.5, entrées 1–4). Dans le brut réactionnel, nous avons identifié un mélange composé du substrat de départ, du produit secondaire de dimérisation et quelques traces de produit attendu. Par contre, quand nous avons modifié la température de 23 à 40 °C, nous avons réussi à obtenir l’𝛼-thiocétone correspondante avec un rendement de 53% (Tableau 3.5, entrée 5). Une diminution du nombre d’équivalents de thiophénol implique une réduction de l’efficacité du système catalytique et un rendement de 38%. Ce résultat préliminaire de 53% en rendement semble prometteur car aucune autre méthode décrivant l’insertion d’𝛼-diazocétones dans la liaison S–H n’existe dans la littérature jusqu’à présent. À ce jour, cette partie du projet est toujours à améliorer pour obtenir de meilleurs rendements et élargir les substrats utilisés.

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Schéma 3.17 Insertion de l'𝛼-diazocétone à l'aide d'un catalyseur au cuivre

Tableau 3.5 Optimisation des conditions réactionnelles pour la réaction d’insertion dans la

liaison S–H

Entrée Cat [mol %] T [h] T [°C] Rdt [%]

1 5 72 23 – 2 10 24 23 – 3 15 24 23 – 4 30 24 23 – 5[a] 20 24 40 53 6[a, b] 20 24 40 38 [a] 4 Å TM ;[b] 2 équiv PhS–H

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