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Ré exion de Lamennais, livre 1, chapitre 22

Dans le document L imitation de Jésus-Christ (Page 61-65)

L’homme né de la femme, vit peu de jours, et il est rassasié d’angoisses.

Voilà notre destinée telle que le péché l’a faite. Écoutez les gémissements de l ‘humanité entière, dont Job était la gure :

"Périsse le jour où je suis né, et la nuit où il fut dit : Un homme a

été conçu ! Pourquoi ne suis-je pas mort dans le sein de ma mère, ou n’ai-je pas péri en en sortant ? Pourquoi m’a-t-elle reçu sur ses genoux, et allaité de ses mamelles ? Maintenant je dormirais en silence, et je reposerais dans mon sommeil." Mais déjà sur cette grande misère se levait l’aurore d’une grande espérance : "Je sais que mon Rédempteur est vivant, et que je serai de nouveau revêtu de ma chair, et dans ma chair je verrai mon Dieu : je le verrai et mes yeux le contempleront." Dès lors, tout change : ces douleurs, auparavant sans consolation, unies à celles du Rédempteur, ne sont plus qu’une expiation nécessaire, une épreuve de justice et de miséricorde, une semence d’éternelles joies. Le Christ, en mourant, a ouvert le ciel à l’homme déchu, qui pour unique grâce demandait à la terre un tombeau. Et nous nous plaindrions des sou rances auxquelles Dieu réserve un tel prix ! Et le murmure serait sur nos lèvres, lorsque, par les tribulations, Jésus-Christ daigne nous associer aux mérites de son sacri ce ! C’en est fait, Seigneur, je reconnais mon aveuglement, mon ingratitude, et je ne veux plus désirer ici-bas que d’avoir part à votre passion, a n de participer un jour à votre gloire.

23 De la méditation de la mort

C’en sera fait de vous bien vite ici-bas : voyez donc en quel état vous êtes. L’homme est aujourd’hui, et demain il a disparu, et quand il n’est plus sous les yeux, il passe bien vite de l’esprit. Ô stupidité et dureté du cœur humain, qui ne pense qu’au présent et ne prévoit pas l’avenir ! Dans toutes vos actions, dans toutes vos pensées, vous devriez être tel que vous seriez s’il vous fallait mourir aujourd’hui. Si vous aviez une bonne conscience, vous craindriez peu la mort. Il vaudrait mieux éviter le péché que fuir la mort. Si aujourd’hui vous n’êtes pas prêt, comment le serez-vous demain ? Demain est un jour incertain : et que savez-serez-vous si vous aurez un lendemain ? Que sert de vivre longtemps puisque nous nous corrigeons si peu ? Ah ! une longue vie ne corrige pas toujours ; souvent plutôt elle augmente nos crimes. Plût à Dieu que nous eussions bien vécu dans ce monde un seul jour ! Plusieurs comptent les années de leur conversion ; mais souvent, qu’ils sont peu changés, et que ces années ont été stériles ! S’il est terrible de mourir, peut-être est-il plus dangereux de vivre si longtemps. Heureux celui à qui l’heure de sa mort est toujours présent, et qui se prépare chaque jour à mourir ! Si vous avez vu jamais un homme mourir, songez que vous aussi vous passerez par cette voie. Le matin, pensez que vous n’atteindrez pas le soir ; le soir, n’osez pas vous promettre de voir le matin. Soyez donc toujours prêt, et vivez de telle sorte que la mort ne vous surprenne jamais. Plusieurs sont enlevés par une mort soudaine et imprévue : car le Fils de l’homme viendra à l’heure qu’on n’y

pense pas. Quand viendra cette dernière heure, vous commencerez à juger tout autrement de votre vie passée, et vous gémirez amèrement d’avoir été si négligent et si lâche.

Qu’heureux et sage est celui qui s’e orce d’être tel dans la vie qu’il souhaite d’être trouvé à la mort. Car rien ne donnera une si grande con ance de mourir heureusement, que le parfait mépris du monde, le désir ardent d’avancer dans la vertu, l’amour de la régularité, le travail de la pénitence, l’abnégation de soi-même et la constance à sou rir toutes sortes d’adversités pour l’amour de Jésus-Christ. Vous pourrez faire beaucoup de bien tandis que vous êtes en santé ; mais, malade, je ne sais ce que vous pourrez.

Il en est peu que la maladie rend meilleurs, comme il en est peu qui se sancti ent par de fréquents pèlerinages. Ne comptez point sur vos amis ni sur vos proches, et ne di érez point votre salut dans l’avenir ; car les hommes vous oublieront plus vite que vous ne pensez. Il vaut mieux y pourvoir de bonne heure et envoyer devant soi un peu de bien, que d’espérer dans le secours des autres. Si vous n’avez maintenant aucun souci de vous-même, qui s’inquiétera de vous dans l’avenir ? Maintenant le temps est d’un grand prix. Voici maintenant le temps propice, voici le jour du salut. Mais, Ô douleur ! que vous fassiez un si vain usage de ce qui pourrait vous servir à mériter de vivre éternellement ! Viendra le temps où vous désirerez un seul jour, une seule heure, pour puri er votre âme, et je ne sais si vous l’obtiendrez. Ah ! mon frère, de quel péril, de quelle crainte terrible vous pourriez vous délivrer si vous étiez à présent toujours en crainte de la mort ! Étudiez-vous maintenant à vivre de telle sorte qu’à l’heure de la mort vous ayez plus sujet de vous réjouir que de craindre.

Apprenez maintenant à mourir au monde a n de commencer alors à vivre avec Jésus-Christ. Apprenez maintenant à tout

mépriser, a n de pouvoir alors aller librement à Jésus-Christ.

Châtiez maintenant votre corps par la pénitence a n que vous puissiez alors avoir une solide con ance. Insensés, sur quoi vous promettez-vous de vivre longtemps, lorsque vous n’avez pas un seul jour d’assuré ? Combien ont été trompés et arrachés subitement de leur corps ! Combien de fois avez-vous ouï dire : Cet homme a été tué d’un coup d’épée ; celui-ci s’est noyé, celui-là s’est brisé en tombant d’un lieu élevé ; l’un a expiré en mangeant, l’autre en jouant ; l’un a péri par le feu, un autre par le fer, un autre par la peste, un autre par la main des voleurs ! Et ainsi la n de tous est la mort, et la vie des hommes passe comme l’ombre.

Qui se souviendra de vous après votre mort, et qui priera pour vous ? Faites, faites maintenant, mon cher frère, tout ce que vous pouvez, car vous ne savez pas quand vous mourrez, ni ce qui suivra pour vous la mort. Tandis que vous en avez le temps, amassez des richesses immortelles. Ne pensez qu’à votre salut, ne vous occupez que des choses de Dieu. Faites-vous maintenant des amis, en honorant les saints et en imitant leurs œuvres, a n qu’arrivé au terme de cette vie, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. Vivez sur la terre comme un voyageur et un étranger à qui les choses du monde ne sont rien. Conservez votre cœur libre et toujours élevé vers Dieu, parce que vous n’avez point ici-bas de demeure permanente. Que vos gémissements, vos larmes, vos prières, montent tous les jours vers le ciel a n que votre âme, après la mort, mérite de passer heureusement à Dieu.

Ré exion de Lamennais, livre 1,

Dans le document L imitation de Jésus-Christ (Page 61-65)