CHAPITRE II – COMPRÉHENSION ET DÉFICIENCE INTELLECTUELLE
4. Rééducation de la compréhension de textes et déficience intellectuelle
4.1. Rééducation de la compréhension de textes : renforcement des processus de lecture
Selon Fayol (2003), le renforcement du traitement des mots (des microprocessus) est crucial pour permettre une meilleure compréhension en lecture. Elle doit se faire à 2 niveaux : - améliorer la reconnaissance de la forme des mots. L'acquisition de la reconnaissance rapide de la forme orthographique des mots demande un nombre variable d'expositions (de 4 à 14) selon les individus. Dès lors, il faut encourager la lecture et la relecture, sous toutes leurs formes, par l'enfant lui-même ou par autrui ;
- améliorer l'identification et l'intégration du sens des mots dans la construction du « modèle mental ». Pour cela, il faut augmenter le capital lexical afin de favoriser la capacité de compréhension, et la pratique de la lecture est le plus sûr moyen d'y arriver.
Selon Fayol (2003), le renforcement de la réalisation des inférences et du traitement des anaphores (des processus d’intégration) est indispensable. Pour cela, il faut mettre en place des activités systématiques partant d'exemples et suivies d'exercices.
Comme le soulignent Boutard et Fraval Lye (2004), le renforcement des macroprocessus permettra au patient d'accéder à une compréhension globale du texte. En fonction du travail désiré, différents exercices peuvent être proposés.
26 Matériel Compréhension
globale du texte
Compréhension plus fine du texte
Compréhension fine de la phrase Lexique Textzados (Boutard et Fraval Lye, 2004) Choix de titre(s) et/ou évocation spontanée de titre(s) Questions ouvertes Vrai/faux QCM Choix de l'idée la plus importante parmi 2 idées Repérage de phrases ayant le même sens Exercices faisant appel à la synonymie Historiettes – Langage écrit (Boutard, 2006) Choix de titre(s) et/ou évocation spontanée de titre(s) QCM Vrai/faux Choix de résumé Inscription des mots
manquants dans un texte
Compréhension de pronoms
80 nouvelles
(Jaquet, 1998) Questions ouvertes
Le Tour de France de la compréhension (Lefebvre, 2013) Recherche de données implicites Choix entre plusieurs
suites Histoire(s) de réfléchir (Aubry, 2010) Questions ouvertes Compréhension de lecture (Révy, 2004) Choix du texte correspondant à la séquence vidéo
Des textes tout en morceaux
(Moulinier, 2012)
Reconstitution d’un texte dont les lignes ont été mélangées
Complétion d’un texte avec des mots
du texte initial
27 4.2. La rééducation de la compréhension de textes chez l’adolescent déficient intellectuel
4.2.1. Principes de prise en charge de l’adolescent déficient intellectuel
Dans le cadre de la prise en charge d’adolescents déficients intellectuels, les intervenants devront suivre ces principes :
- organiser l'intervention dans une perspective développementale (Rondal, 2009) ;
- réduire les délais existant habituellement et pousser l'adolescent aussi loin que possible dans son cheminement développemental (Rondal, 2009) ;
- faire correspondre les activités proposées à l'âge, ou plus exactement au niveau de développement (Rondal, 2001) ;
- prendre en compte les importantes différences interindividuelles à l'intérieur des différents syndromes et y adapter les objectifs et procédures. Donc avoir une démarche habilitative ouverte et souple (Rondal, 2009) ;
- informer régulièrement les parents et les éducateurs (Rondal, 2009), mais aussi faire le point avec l'adolescent ;
- motiver l’adolescent et lui demander ce qu’il a envie de travailler.
4.2.2. Les approches
Fajardo et al. (2013) rapportent l’existence de deux types d’approche.
La première est une approche interventionnelle pédagogique et se retrouve dans les milieux universitaires. Elle vise à améliorer directement les capacités de lecture (Gersten et al., 2001 ; Cohen et al., 2006 ; Van der Bijl et al., 2006 ; Allor et al., 2009 ; Alberto et al., 2010 ; Joseph et Eveleigh, 2011) et a été utilisé seule ou en combinaison avec l’approche de simplification de texte.
La seconde est caractérisée par la modification du texte afin de le rendre plus lisible pour un groupe de lecture de cible. Selon Morgan et Moni (2008, cité par Fajardo et al., 2013), la simplification des textes est une pratique courante pour les enseignants ayant à faire aux adolescents et adultes déficients intellectuels.
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Les deux approches semblent essentielles pour rendre les activités de lecture non seulement profitables, mais aussi agréables pour les lecteurs ayant des besoins spécifiques (Mastropieri et Scruggs, 1992).
4.2.3. Les outils existants
A partir des années 80, des auteurs ont proposé des programmes de préparation à la lecture adaptés aux personnes déficients intellectuelle. Martini-Willemin et Chatelanat (2002) citent notamment ceux de Buckley et Bird (1993), Buckley (1995) et Oelwein (1995), qui se pratiquent avec succès, notamment dans les pays anglo-saxons.
En parallèle, des auteurs, tels que Sindelar (1982 ; 1987) et Graves (1987), ont développé des stratégies pour améliorer respectivement la compréhension de phrases et la compréhension des textes.
Pour pouvoir simplifier des textes destinés aux mauvais lecteurs déficients intellectuels, Fajardo et al. (2013) ont mené une étude afin de savoir quand les connecteurs amélioraient la cohésion du texte. L’étude a montré que ni l'augmentation de la fréquence des mots contenus, ni les connecteurs en général n'ont amélioré la compréhension inférentielle. L'intérêt de l’approche de simplification des textes (Cf II, 3.2.2.) est représenté par des programmes éducatifs officiels. Le programme, appelé « LecturaFa´cil » (financé par le Ministère espagnol de l'Industrie en 2009), vise à promouvoir la lecture de journaux chez les étudiants déficients intellectuels.
En 2010, l’International Federation of Library Associations and Institutions (Nomura et al.) publie la 2ème edition de « Guidelines for Easy-to-Read Materials ». Elle a trois objectifs : décrire la nature et la nécessité de publications « Easy-to-Read », identifier les principaux groupes concernés par ces publications, et offrir des suggestions aux éditeurs de matériels « faciles à lire » et comment l’organiser et l’agencer pour les personnes ayant des troubles de la lecture. Parmi les groupes ciblés, on retrouve les déficients intellectuels.
Fajardo et al. (2014) ont voulu évaluer l’efficacité de ce matériel auprès d’étudiants déficients intellectuels. L’étude a montré qu’ils répondaient correctement à 80% des questions de compréhension portant sur des textes « Easy-to-Read ».
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