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MISE AU POINT SUR LA MALADIE DE BEHCET

D. LES RÈGLES DU TRAITEMENT

Pour aboutir à un traitement rationnel, plusieurs points sont à prendre en considération : Il n’y a pas de guérison dans la maladie de Behçet ;

Le traitement est symptomatique et repose sur l’administration

d’anti-inflammatoires et d’immunosuppresseurs. En vue d’une amélioration, les différents agents doivent être prescrits à des doses efficaces ;

Le traitement doit être poursuivi de façon prolongée et la PEC des patients exige une équipe expérimentée qui maîtrise les différents aspects de la pathologie ;

La précocité de l’instauration du traitement conditionne l’efficacité : un traitement instauré précocement permet de traiter les poussées inflammatoires, soulager les symptômes, limiter les dommages tissulaires, prévenir les récidives, améliorer la qualité de vie et diminuer la morbi-mortalité ;

Le choix du traitement de la MB dépend de la présentation clinique, du siège des lésions et de la sévérité des atteintes systémiques. Un traitement individualisé permet d’adapter le protocole thérapeutique à chaque patient ;

Dans les formes sévères où le pronostic fonctionnel ou vital est mis en jeu, le traitement doit être d’emblée immunosuppresseur et doit nécessairement viser un contrôle total, immédiat et prolongé de la maladie ;

Il est important d’évaluer les facteurs pronostiques et d’identifier les patients à haut risque de façon précoce, pour que chaque produit soit initié à temps en utilisant des agents puissants telle la cyclosporine ou l’IFN ;

Une éducation des malades permet d’améliorer l’observance et l’acceptation rapide des thérapeutiques actives ;

Une éducation thérapeutique, une PEC psychologique et un suivi régulier ne doivent pas être négligés.

VII. Suivi

1. OBJECTIFS

S’assurer du bon contrôle de l’activité de la maladie et dépister et traiter les éventuelles rechutes et complications de la MB ;

S’assurer de l’observance et de la décroissance du traitement chez les patients dont l’activité de la maladie est contrôlée ;

Vérifier la tolérance du traitement ;

Dépister les complications précoces et tardives de la maladie ou de ses traitements ; Assurer l’éducation thérapeutique du patient.

2. PROFESSIONNELS IMPLIQUÉS

Le suivi est idéalement coordonné par le médecin ayant une expertise dans la MB. Il s’agit le plus souvent d’un médecin interniste ou dermatologue, ophtalmologiste ou rhumatologue mais toutes les spécialités médicales peuvent être sollicitées dans le suivi des patients en fonction des manifestations de la maladie. Par ailleurs, d’autres professionnels de santé peuvent être amenés à intervenir comme les professionnels d’éducation thérapeutique, les diététiciens, les infirmiers, les kinésithérapeutes et ergothérapeutes, les psychologues, les assistants sociaux, etc. 36

3. RYTHME ET CONTENU ET CONSULTATIONS

L’activité de la MB n’est pas facile à mesurer étant donné une évolution chronique accompagnée par des symptômes cutanés ou articulaires quasi permanents ou récurrents. Cette symptomatologie peut être entrecoupée d’évènements majeurs comme une uvéite, une thrombose ou une authentique arthrite. Il n’y a pas de marqueur biologique fiable pour aider à évaluer précisément l’activité d’une MB. Le syndrome inflammatoire biologique, comme une élévation de la CRP, est insuffisamment sensible pour pouvoir être en corrélation avec une éventuelle activité à bas bruit. En pratique, l’appréciation de l’activité de la MB repose essentiellement sur les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique à la recherche de signes physiques objectifs témoignant d’une maladie active. Des données biologiques ou radiologiques peuvent être indicatrices d’une phase active pour certains types d’atteinte.

La fréquence du suivi dépend de la sévérité de la MB. Dans les formes graves, les patients sont revus de manière mensuelle jusqu’à stabilisation de la progression. Dans les formes actives moins sévères, un suivi régulier tous les 3 à 6 mois est recommandé pour la plupart. Lorsque la MB est quiescente, une consultation annuelle reste indispensable.

L’appréciation d’un retentissement sur la qualité de vie est essentielle pour pouvoir juger de la nécessité de procéder à des ajustements thérapeutiques ; elle peut être basée sur des questions simples ou des questionnaires génériques. Il existe plusieurs scores d’activité pour la MB qui peuvent éventuellement aider le clinicien à procéder à une évaluation complète de la maladie au cours du suivi, comme le « Behçet’s Disease Current Activity Index (BDCAI) » qui aboutit à un résultat chiffré de l’activité. Leur principal intérêt est cependant de permettre de catégoriser les patients pour les études de recherche clinique ou thérapeutique. Ils ne peuvent pas se substituer à une bonne connaissance de la maladie, nécessaire pour décider si une manifestation fonctionnelle ou objective est à mettre sur le compte d’une MB ou non. Le « Behçet’s syndrome activity score (BSAS) » est une mesure de l’activité de la MB qui repose entièrement sur l’évaluation par les patients eux-mêmes. 349

VIII. Évolution et pronostic

La maladie de Behçet est une maladie inflammatoire caractérisée par des phases de poussées imprévisibles, englobant successivement différents organes, espacées de rémissions de durée variable. Avec l’âge, les rémissions ont tendance à être plus longues ; les poussées sont plus espacées, moins sévères, et disparaissent au bout de 15 à 20 ans d’évolution 36.

Malgré cela, la nature chronique, l’évolution cyclique et la variabilité de l’atteinte d’un patient à l’autre entravent l’évaluation du pronostic. 161,278

La déclaration précoce de la maladie, le sexe masculin et la multiplicité des poussées seraient des facteurs de mauvais pronostic 350, de même que l’appartenance géographique et génétique aux régions et aux populations endémiques qui semble influencer négativement l’évolution de la maladie. 300,350

En effet, une étude rétrospective incluant 387 patients turcs suivis sur 20 ans a démontré un taux de mortalité autour de 10%. Chez les sujets jeunes (14-24 ans) de sexe masculin, le taux de mortalité était 10 fois plus élevée comparé à celui d’une population contrôle d’âge et de sexe identiques.350

À l’opposé, le sexe féminin et l’atteinte cutanéo-muqueuse stricte seraient relativement de bon pronostic 299.

Les plus hauts taux de morbi-mortalité sont associés aux atteintes ophtalmologiques, vasculaires et neurologiques 300.

L’atteinte oculaire, se déclarant au début de la maladie, représente la cause de morbidité la plus importante, surtout lorsque le segment postérieur est concerné. L’atteinte vasculaire représente la cause de mortalité la plus importante. L’existence d’une composante neurologique peut être fatale même si l’installation se fait progressivement.

Le taux de mortalité global de la maladie de Behçet varie entre 2 et 4%. Les causes les plus rapportées sont la rupture d’anévrysmes artériels, la perforation d’ulcères digestifs, la thrombose des gros vaisseaux et l’atteinte du parenchyme cérébral 278,351. Les anévrysmes artériels pulmonaires et le syndrome de Budd Chiari sont associées à des taux de mortalité plus élevés. Le taux de mortalité de l’atteinte artérielle du Behçet est de 13,5%. Le pronostic des patients présentant une atteinte artérielle est mauvais, en particulier lorsque les artères pulmonaire et l’aorte thoracique sont touchées 351.

PARTICULARITÉS DE L’ATTEINTE VASCULAIRE DE LA