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5. Les enjeux et impacts de la thérapie génique dans l’hémophilie B

5.4. Enjeux Médico-économiques

5.4.2. Vers un modèle économique adapté à la thérapie génique ?

5.4.2.2. Quid de la fixation du prix ?

5.4.2.2.1. Le coût actuel des traitements recombinants

Actuellement, la prise en charge d’un patient atteint d’hémophilie B repose sur des injections plurimensuelles, selon le degré de sévérité de la pathologie. En effet, la posologie des facteurs recombinants va dépendre de la sévérité du déficit en FIX, de l’état clinique du patient et des localisations de l'hémorragie. La quantité de FIX injectée, exprimée en Unité Internationale (UI), est calculée par rapport à l’étalon OMS pour le FIX. Le coût annuel lié à un traitement recombinant peut être estimé de manière empirique en fonction du poids du patient. En effet, selon le RCP du produit Benefix®, la dose moyenne de facteurs recombinants est de 40 UI/kg deux à trois fois par semaine, sachant que le prix publié au journal officiel du 4 Mai 2017 est de 0,648 euros par UI (41,98). Néanmoins, cette estimation ne tiendrait pas compte des coûts directs (complications, hospitalisation, traitements associés, …) et indirects (absence au travail, réduction de la productivité, …) liés à la prise en charge de la pathologie.

En 2017, une étude rétrospective transversale a permis d’évaluer les différents coûts relatifs à la prise en charge des patients atteints d’hémophilie sévère. Cette analyse a porté sur 1 285 patients répartis dans cinq pays européens dont la France. Bien que les données ne permettent pas de différencier l’hémophilie A et l’hémophilie B, il est intéressant de constater que les coûts annuels, directs et indirects, liés à la prise en charge d’un patient atteint d’hémophilie sévère en France est de 196 117 euros. En fonction des pays, le coût annuel par

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patient varie entre 319 024 euros (Allemagne) et 129 365 euros (Royaume-Uni). Pour la France, le coût total est réparti entre les facteurs recombinants (187 983 euros soit 96%), les coûts médicaux directs (3 284 euros, soit 1,6%) et les coûts indirects (4 840 euros, soit 2,4%). (99). Le coût du traitement constitue donc la très grande majorité du coût de prise en charge des patients.

De plus, une étude rétrospective française menée à l’hôpital Cochin entre janvier 2014 et décembre 2015 a permis d’analyser les coûts liés à l’hospitalisation chez 87 patients hémophiles. Le coût médian global d’hospitalisation pour les patients hémophiles était de 30 073 euros, dont 22 054 euros liés aux coûts médians des facteurs anti-hémophiliques. Le coût des facteurs dépend de la présence ou non d’inhibiteurs (22 421 versus 14 519 euros) et de la sévérité de l’hémophilie (10 659 euros pour la forme mineure versus 22 421 euros pour la forme sévère). (100)

Actuellement, la prise en charge d’un patient atteint d’hémophilie B est onéreuse, sachant que les traitements recombinants sont administrés tout au long de la vie pour des patients présentant des formes sévères (sauf cas exceptionnels). Le coût moyen annuel des facteurs recombinants en France chez l’adulte étant de 187 983 euros selon l’étude de Jamie O’Hara

et al en 2017, il serait possible d’estimer que les coûts de facteurs pour 10 et 20 ans de

traitement seraient respectivement à 2 et 4 millions d’euros. (99)

A l’heure actuelle, très peu d’analyses ont étudié le ratio coût-efficacité de la thérapie génique en hémophilie en comparaison aux facteurs recombinants. En juillet 2018, des travaux américains ont étudié ce ratio pour la thérapie génique dans l’hémophilie A en comparaison aux traitements par des facteurs recombinants prophylactiques FVIII. Cette analyse a permis d’estimer l’efficacité et les coûts relatifs aux différentes stratégies thérapeutiques pour la prise en charge des patients atteints d’hémophilie sévère aux Etats-Unis. Pour une cohorte hypothétique de patients âgés de 30 ans, les résultats de cette étude démontrent qu’au bout de 10 ans de suivi, le ratio coût-efficacité pour un patient traité par thérapie génique est de 1 022 249 millions de dollars pour 8,33 QALY (soit 122 718 dollars/QALY) versus 1 693 630 millions de dollars/6,62 QALY (soit 255 835/QALY) pour un patient traité par facteurs recombinants. Dans le cadre de cette étude, le différentiel entre ces deux traitements met en exergue un surcoût de 671 381 dollars et un QALY de -1.71 pour le groupe traité par

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prophylaxie en comparaison au groupe traité par thérapie génique. Ces résultats sont obtenus dans l’hypothèse où le prix initial de la thérapie génique était de 850 000 dollars. Ainsi, ces résultats démontrent que la thérapie génique présente un meilleur ratio coût-efficacité en comparaison aux facteurs recombinants. Le ratio coût-efficacité de la thérapie génique devient inférieur à celui des facteurs recombinants, si le prix initial de cette thérapie est supérieur à 1,6 millions de dollars. Bien que non transposable en l’état, il serait intéressant de mener ce type de d’analyse coût-efficacité en France pour générer des données médico- économiques dans l’hémophilie B. (101)

Dans ce contexte, une problématique peut être soulevée : comment déterminer le prix de la thérapie génique vis-à-vis du traitement comparateur actuel ? Et par ailleurs, même si ce traitement peut faire générer des économies à la société sur le long terme, comment l’Assurance maladie peut financer ce médicament sur le court terme et s’assurer de la soutenabilité financière ?

Ces problématiques doivent amener à faire évoluer les modes traditionnels de financement des innovations et à expérimenter de nouveaux modes de fixation des prix.

5.4.2.2.2. Les nouveaux modèles de fixation des prix et de financements (81)

Les contrats dits « de performance » pourraient permettre d’apporter une première réponse à ces problématiques. Les résultats d’efficacité et de sécurité d’un médicament pouvant être différents entre les essais cliniques et l’utilisation en vie réelle, le principe de ce contrat permettrait de fixer un prix évolutif en fonction des résultats d’efficacité du traitement en vie réelle dans la pratique clinique. L'évaluation du médicament en vie réelle pourrait donc aboutir à la réévaluation du prix ou au versement de remises. Ce modèle de contrat est mentionné par l’article 12 de l’accord-cadre 2015 entre le CEPS et le LEEM : « Au cas où les

modalités de fixation des prix de droit commun ne permettraient pas de trouver un accord, le prix de certains médicaments peut être fixé, à la demande du comité ou de l'entreprise, conditionnellement au résultat de la performance constatée en vie réelle ». Néanmoins, 13

contrats dits « de performance » ont été réalisés entre 2008 et 2015 et leurs résultats ont été estimés comme peu probants par la Cour des comptes. En effet, l’application de ces contrats n’a pas toujours été effectué selon les conditions prévues initialement, par exemple lorsque

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qu’une baisse de tarifs était prévue. À la suite de ces constats, la Cour des comptes mentionne que le mécanisme de ces contrats « devrait être inversé de façon à conditionner, non les

baisses de prix, mais l'obtention d'un prix élevé à la démonstration du succès en vie réelle ».

La Revue française des affaires sociales (RFAS) a publié dès 2014 un rapport qui s’intéressait à ce type de contrat. En résumé, ce rapport précise que la majorité de ces contrats était basée sur des études descriptives sans présence de groupe témoin. De ce fait, ces études présentaient des limites méthodologiques et ne permettraient pas d’évaluer l’impact du médicament en vie réelle. Une des solutions proposées, bien que difficile à mettre en place, serait la mise en place d’études observationnelles comparatives, dont les populations seraient comparables via la mise en place de techniques micro-économétriques appropriées. (102) Cependant, l’analyse des données en vie réelle est complexe et la mise en place de cohortes comparatives semble difficile à mettre en place. L’utilisation des différentes bases de données et du Health Data Hub pourraient permettre d’effectuer des études avec des groupes témoins comparateurs. Ce type de comparaison serait notamment pertinente à mettre en place pour l’hémophilie, car le coût de traitement serait facilement analysable et ce dernier constitue 96% du coût de la prise en charge (99).

Dans le cas de la thérapie génique, l’utilisation des contrats dits de performance nécessiterait de définir les seuils d’efficacité et de tolérance. Selon quels critères la thérapie génique pourra être considérée comme efficace et sur quelle durée ?

En outre, une autre possibilité pourrait être d’échelonner le financement des thérapies géniques sur plusieurs années. En partant du postulat que le prix moyen des thérapies géniques puisse avoisiner les 1 millions d’euros (56,101) et que la population de patients atteints d’hémophilie B sévère soit de 385 patients, le coût pour traiter l’ensemble de ces patients serait de 385 millions d’euros. Un financement de ce montant exorbitant sur une année semble difficile à mettre place, si nous souhaitons garantir la soutenabilité de notre système de soins. Néanmoins, un échelonnement de ce financement sur 5 ans correspondrait à un coût annuel de 77 millions et semblerait davantage soutenable pour la collectivité. En effet, selon l’étude de Jamie O’Hara (99) le coût annuel des facteurs de substitution est actuellement égal à 187 983 euros par patient et par an, ce qui représente un coût annuel de 72 millions pour l’ensemble des patients atteints d’hémophilie B sévère. Dans ce cadre, le coût

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annuel de la thérapie génique serait supérieur de 5 millions d’euros sur les cinq premières années, mais le gain économique pour l’Assurance maladie serait par la suite considérable car les patients n’auraient plus besoin d’être traités par des facteurs de substitution. De plus, les autres coûts inhérents aux complications de l’hémophilie pourraient également être évités sur le long terme. Cependant, cette hypothèse ne serait valable qu’en cas d’efficacité constante (taux de FIX > 40%) sur le long terme et ce pour l’ensemble des patients. Aujourd’hui, trop peu de données sont disponibles pour partir de ce postulat.

Dans ce cadre, la possibilité de fixer un prix en fonction de l’efficacité du traitement par sous- groupe de patients et par indication pourraient être intéressantes. Cette proposition est notamment défendue pour le laboratoire Roche et a été mentionnée dans le rapport d’information n°569 du Sénat. (81,103) Bien que ce modèle soit plus adapté aux traitements en oncologie (sous-groupes de patients, nombreuses indications des traitements), une réflexion pourrait également être portée sur l’hémophilie, en fonction par exemple de la sévérité de la pathologie, de la présence d’inhibiteurs ou encore du besoin de traiter le patient par des facteurs de substitution de manière complémentaire à la thérapie génique.

Les hypothèses et modèles décrits ci-dessus démontrent que des réflexions existent à ce jour afin de faire évoluer les nouveaux modes de fixation des prix. Néanmoins, au vu de l’arrivée imminente de ces nouvelles thérapies, il est indispensable, afin de garantir la soutenabilité du système de soins, que ces modèles soient mis en place au travers de décisions collégiales entre les autorités, les acteurs académiques, les associations de patients et les industriels.

5.5. Organisation des soins et impact structurel

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