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L’ensemble de cette première partie reprend la présentation faite dans l’atelier par ses auteurs, y compris les questions qui y sont étudiées. Des précisions sont consultables dans la thèse d’Eric Mounier (2010).

1 Des questions initiales

Les élèves utilisent différentes procédures pour résoudre des problèmes mettant en jeu l’écriture chiffrée du nombre. Les aspects positionnels de cette écriture sont objet d’enseignement au CP. Prenons en exemple la tâche consistant à indiquer le cardinal d’une collection d’objets figurés sur une feuille par son écriture chiffrée. Plusieurs procédures peuvent être utilisées par les élèves. En voici deux qui mènent à une réponse exacte (on prend l’exemple de 42) :

- un comptage de paquets de dix formés au fur et à mesure puis d’unités restantes : « dix, vingt, trente, quarante, quarante-et-un, quarante-deux » suivi de la transcription de la désignation orale obtenue en l’écriture chiffrée « 42 ».

- l’organisation complète de la collection en paquets de dix (de manière maximale) et ensuite l’écriture du nombre de dizaines par le chiffre « 4 » puis du nombre d’unités par le chiffre « 2 » qui est écrit à la droite de « 4 ».

Au-delà des procédures d’énumération, Briand (1999), une première analyse permet d’inférer des liens entre les deux numérations. La première procédure utilise une « double » structuration de la comptine numérique, celle des dizaines (les mots, « dix », « vingt », « trente », « quarante ».), celle des unités (les mots, « un », « deux »). Le dénombrement y est effectué au fur et à mesure. Ensuite est utilisée une traduction de la désignation parlée « quarante-deux » en l’écriture chiffrée « 42 ». La deuxième procédure utilise la comptine numérique jusqu’à dix pour organiser la collection en différents paquets de dix. Une fois l’organisation faite, il s’agit alors de la coder par écrit : le nombre de dizaines ainsi que celui d’unités étant indiqués par un chiffre de graphie conventionnelle (les chiffres de « 0 » à « 9 »), la disposition spatiale de ces chiffres étant aussi conventionnelle (ici en ligne avec un ordre).

La question est alors de savoir reconnaître dans les procédures observées en quoi les mathématiques à l’œuvre sont liées à la numération écrite dans son aspect positionnel.

2 Une analyse des numérations en jeu au CP

L’analyse qui suit est une manière de répondre à la question concernant le lien entre les mathématiques et chacune des numérations. Celle-ci est extraite de la thèse d’Eric Mounier (2010). Elle a été présentée au début de l’atelier.

Ce premier tableau donne, à partir de l’exemple du nombre désigné par quarante-deux/42, les différentes interprétations issues d’une analyse à partir des signes. La première ligne concerne l’écriture chiffrée, les quatre suivantes la numération parlée de type indo-européen (français, allemand, italien, espagnol, anglais, latin …). Ce sont des modèles théoriques qui distinguent les principes mathématiques et leur mise en signes. Si on considère l’ensemble des modèles mathématiques que permettent les décompositions selon les échelles de numération , seul le modèle indiqué dans la première ligne convient pour l’écriture chiffrée. Ainsi, la décomposition dite polynomiale d’un nombre constitue les fondements mathématiques de cette dernière. Les autres modèles (indiqués dans les quatre lignes suivantes) peuvent servir à modéliser la numération parlée en France. Ils ont été obtenus à l’aide d’une analyse linguistique. Le modèle arithmétique multiplicatif (de la numération parlée) emprunte des

principes mathématiques identiques à la numération écrite chiffrée, mais obtenus par une méthodologie d’analyse différente (une analyse linguistique). Le modèle arithmétique additif se distingue du modèle multiplicatif du fait par exemple de voir dans « trente » non pas « dix plus dix plus dix » (trois fois dix) mais « vingt plus dix » (on rajoute dix au dernier appui additif obtenu, ici « vingt »). Il se distingue du modèle ordinal avec repérants du fait que dans ce dernier « trente » est atteint après avoir énoncé les mots de la comptine numérique « un, deux, …, huit, neuf » après le dernier repérant prononcé « vingt ».

Ce tableau permet de comparer chacun des quatre modèles possibles pour la numération parlée en France avec l’interprétation de l’écriture chiffrée (qualifiée de référence et indiquée dans la première ligne), suivant les principes mathématiques puis leur mise en signes.

La graphie des chiffres et la disposition linéaire pour l’écriture chiffrée, le choix des phonèmes et de l’ordre d’énonciation des différents mots composant le nom des nombres pour la numération parlée en France (par exemple quarante/deux, au lieu de deux/quarante) sont des éléments conventionnels du point de vue des mathématiques. Ces derniers peuvent être compris comme des choix culturels ou pragmatiques qui peuvent être reliés à des contraintes dues à la forme orale (contraintes linguistiques) ou écrite de la numération. Cependant certains éléments de la mise en signes sont directement reliés aux principes mathématiques. C’est le cas de l’utilisation des coefficients de la décomposition dite polynomiale pour l’écriture chiffrée ou de la composition des noms de certains nombres pour la numération parlée. Le modèle arithmétique multiplicatif (de la numération parlée en France) est le modèle le plus proche de l’interprétation de référence (modèle adopté pour l’écriture chiffrée) puisque les principes mathématiques sont les mêmes. Seule la mise en signes diffère, puisqu’en particulier l’une n’utilise que les coefficients de la décomposition dite polynomiale tandis que l’autre utilise les coefficients et les ordres. Le nombre « dix » a un statut à part : son emploi est attesté dans la majorité des modèles sans qu’il soit mathématiquement nécessaire (ni comme choix de base, ni comme appui arithmétique ou repérant).

Ce tableau présente finalement la « pertinence » de l’interprétation (ie : le choix d’un modèle) suivant le champ numérique. Il permet en particulier de comparer chacune des interprétations de la numération parlée en France avec l’interprétation de référence de la numération écrite chiffrée.

En ce qui concerne la numération parlée en France, cette pertinence est évaluée selon le degré d’analyse qui permet de retrouver le modèle. Ainsi elle prend en compte la distance entre « quarante-deux » et

« quatre dix deux » et celle entre « deussan » et « deux cents » (« deussan » indiquant qu’il est analysé comme un repérant ou appuis additif, « deux cents » soulignant l’appui multiplicatif – l’ordre/puissance de dix - « cent »). Pour les nombres inférieurs à cent, on n’entend pas l’appui multiplicatif (« dix ») alors qu’il est présent (« cent ») pour les nombres entre cent et mille. Pour les nombres inférieurs à cent (et strictement supérieurs à seize), on entend les appuis additifs vingt, trente, etc., qui sont aussi les repérants si on utilise l’interprétation ordinale avec repérants. Ces remarques sont traduites dans la colonne de droite du tableau ci-dessus. Cette présentation met l’accent sur les différences entre les modèles, au-delà des « irrégularités » propres au français de France, en particulier pour les nombres entre soixante et cent (l’utilisation d’une comptine numérique jusqu’à « dix-neuf » ou, dans une perspective arithmétique, d’un ajout de vingt). Pour les nombres inférieurs à cent (ceux du CP), ce n’est donc pas l’interprétation multiplicative qui est la plus pertinente pour la numération parlée en France, alors que cette interprétation est la plus proche de l’interprétation de référence de l’écriture chiffrée.

3 Les questions que les auteurs de l’atelier proposent d’étudier

3.1 De l’analyse des mathématiques en jeu à l’analyse des procédures des élèves

L’étude précédente est une réponse à la question concernant les liens entre les mathématiques et les numérations, et par voie de conséquence entre les deux numérations en jeu au CP, écrite chiffrée et orale.

Mais comment relier les mathématiques et les procédures des élèves ? Dans l’atelier on fait l’hypothèse, couramment admise en didactique, que les mathématiques à l’œuvre peuvent être relevées en analysant l’activité des élèves. De manière plus précise, on peut se référer à la théorie des champs conceptuels, Vergnaud (1991). Pour résoudre un problème, les élèves utilisent des schèmes dans lesquels les théorèmes et concepts peuvent être validés grâce à des propriétés mathématiques. Certains emplois sont

« -en-acte » dans la mesure où la propriété utilisée n’est pas explicite pour l’élève. Par exemple lorsqu’un comptage de un en un est considéré comme menant à la même réponse qu’un comptage de dix en dix, un comptage des dizaines ou encore un calcul mental. En CP ce sont surtout des théorèmes-en-acte qui sont à l’œuvre car le niveau de connaissance des élèves permet difficilement de formuler des propriétés.

3.2 Des questions spécifiques à la numération au CP

Il s’agit d’aborder les liens entre les propriétés des différentes interprétations et les procédures des élèves. Ces derniers abordent au CP une certaine variété de problèmes. Fénichel et Pfaff (2004, 2005) proposent un classement de ces problèmes dans le cadre de la théorie des champs conceptuels (voir aussi la thèse de Nathalie Pfaff). Ce classement se base sur les relations entre les signifiants, par exemple dire une écriture chiffrée ou transcrire une désignation parlée à l’aide de chiffres, et les liens entre le signifié (le nombre) et un signifiant, par exemple indiquer la désignation parlée du cardinal d’une collection d’objets. Ainsi l’exemple précédent, indiquer le cardinal d’une collection (d’objets figurés sur une feuille) par son écriture chiffrée, est à situer dans les problèmes consistant à donner un signifiant (ici l’écriture chiffrée) du nombre (signifié).

A la maternelle, l’écriture des nombres avec des chiffres a été introduite en tant que version écrite des désignations de la numération parlée en France : l’écriture (chiffrée) « 23 » est synonyme de l’écriture (littérale) « vingt-trois ». L’apprentissage nouveau au CP concerne les propriétés liées à l’aspect positionnel des écritures chiffrées. Dans l’exemple donné au début, la deuxième procédure consiste en l’organisation complète de la collection en paquets de dix (de manière maximale) puis de l’écriture du nombre de dizaines par le chiffre « 4 » et du nombre d’unités par le chiffre « 2 » à la droite de « 4 ». Au regard de l’étude des signes des numérations indiquée précédemment, cette procédure peut être analysée comme mettant en jeu des propriétés relatives à l’interprétation de référence de la numération écrite chiffrée. Ce n’est pas le cas de la première procédure. Pourtant l’une et l’autre mènent à une réponse exacte. L’atelier s’est proposé d’aborder deux questions :

- Quelle est l’influence des tâches sur la nature des mathématiques en jeu, selon qu’elles relèvent de telle ou telle interprétation ?

- Y a-t-il des élèves qui usent systématiquement de procédures analysables comme relevant de telle ou telle interprétation ?

Dans l’atelier les élèves concernés sont ceux de fin de CP, c’est-à-dire ayant reçu un enseignement sur les aspects positionnels de la numération écrite chiffrée.