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En nous plaçant dans un cadre de production de « services » et notamment de « services hôteliers » où la relation humaine entre le collaborateur et le client peut impacter la qualité perçue du produit, nous avons tout d’abord identifié certaines questions immédiates et objectives que nous pourrons poser dès le début de la thèse. Nous avons ensuite fait évoluer ces questions au gré des rencontres et des discussions scientifiques et opérationnelles. Le fait de changer souvent d’encadrant nous a fréquemment fait changer d’orientations scientifiques et opérationnelles. De plus, la stratégie et le contexte au sein du groupe AccorHotels ont eux aussi été énormément modifiés depuis l’arrivée d’une nouvelle direction. Des stratégies résolument orientées autour du digital ont été initiées. Enfin, à mon propre niveau intellectuel, j’ai souvent réorienté ces questions de recherche à la vue de leur pertinence, de leur faisabilité et de mes propres envies. Ces trois démarches – rationnelle, d’échange et personnelle – ont, au cours de la thèse, modifié le cours du projet et de ce manuscrit. Je livre ici les différentes démarches qui ont permis d’identifier les questions de recherche qui, finalement, seront traitées dans cette thèse.

La première question traite de la compréhension des évolutions dans le secteur hôtelier et tout particulièrement dans le milieu de gamme en France du groupe AccorHotels. De façon rationnelle au début de la thèse elle aurait pu être : « comment en est-on arrivé là ? » Au gré des modifications dans l’encadrement mais également des échanges avec les responsables du milieu de gamme présents, nous avons posé la question du digital dans l’organisation avec en toile de fond les nouvelles stratégies, notamment en France. D’un point de vue personnel, les questions digitales étant déjà beaucoup traitées par plusieurs services au siège du groupe AccorHotels, j’ai pris conscience du fait que mon travail sur ce thème n’aurait apporté que peu de valeur supplémentaire à celui mené par d’autres équipes opérationnelles.

Au-delà des réponses mobilisant les technologies du numérique, le groupe souhaitait prendre du recul sur les forces qui ont impacté et qui impactent encore l’hôtellerie en France. La question de recherche concernant ce thème des évolutions s’est finalement posée comme suit : « comment s’est déroulé historiquement, pour le secteur hôtelier français, mais aussi le groupe AccorHotels, le passage d’un âge d’or (début XXème pour le

secteur et autour des années 1970 – 1980 pour le groupe) à une situation de crise (1960 – 1970 pour le secteur et autour des années 2000 – 2010 pour le groupe) ? » Pour aller plus loin, quels sont les facteurs - en particulier dans l’environnement hôtelier autour du secteur et du groupe AccorHotels - qui ont permis dans une première phase de pérenniser un modèle dominant d’hôtel (modèle artisanal du début du siècle pour le secteur et modèle

standardisé des années 1960 pour le groupe) puis dans une seconde phase la crise

successive de ces modèles qui amènera au modèle mixte des années 2010 (service hôtelier personnalisé mais standardisé couplé avec un produit standardisé mais personnalisable). Les bouleversements des habitudes de consommation d’après-guerre puis la troisième révolution industrielle (lean, diversification et renouvellement des produits) ont successivement modifié l’ordre établi au cours des décennies en changeant les rapports de forces existants. Nos résultats montrent qu’un cycle s’est établi dans l’hôtellerie en France transformant alors un modèle « moderne » en modèle « traditionnel ». De plus, nous montrons qu’influer sur une force de l’aval comme les clients avec une force de l’amont comme le personnel a du sens dans une industrie de services où le lien entre client et collaborateur est déterminant dans la valeur créée.

La deuxième question traite de l’intangible dans l’hôtellerie et particulièrement des ressources liées au « service hôtelier » : le capital humain. La question est : « Qu’est-ce que le capital humain appliqué au secteur hôtelier ? » Afin d’explorer en détail le focus choisi par le groupe AccorHotels et confirmé comme étant pertinent dans le premier chapitre qui vient, nous avons défini ce qu’est le capital humain, ses composantes, les moyens de le mesurer, ses liens aux opérations et, finalement, son impact sur la performance opérationnelle hôtelière. Nous montrons que le capital humain dans son évaluation « micro » au niveau organisationnel de l’entreprise ne fait pas consensus scientifiquement. Les auteurs lui prêtent différentes fonctions. Nous avons, dans une revue de la littérature, identifié 13 composantes majeures, leurs principaux moyens de mesures et les relations existantes avec la performance opérationnelle hôtelière. En tenant compte des contraintes de mesures dans le groupe AccorHotels et de la complexité de mesure de l’ensemble des paramètres concernés, une approximation acceptable du capital humain a été choisie : l’engagement des collaborateurs au travail. Nos résultats nous ont amené à choisir cette variable et à la mesurer via un questionnaire de 62 items (dont 6 spécifiques à l’engagement) envoyés à 146 hôtels en France soient 3740 employés avec l’aide du groupe hôtelier.

La troisième question traite des différences de performance entre les hôtels du groupe aujourd’hui et leurs causes. Initialement la question était : « pourquoi certains hôtels du groupe sont plus performants que d’autres ? » La question de la performance est déterminante pour comparer des unités de production. L’aspect dynamique de cette performance l’est tout autant. Il m’était proposé, pour une période de 3 ans, de déterminer un moyen d’identifier les bonnes pratiques organisationnelles opérationnelles hôtelières pour identifier des complémentarités structurelles. Au gré des modifications internes, nous

avons convenu d’explorer la différenciation des performances entre les hôtels milieu de gamme du groupe AccorHotels aujourd’hui. La question de recherche associée est : « sommes-nous capables d’identifier puis d’agir à l’avenir sur des variables clefs liées au personnel qui seront gages d’avantages concurrentiels futurs ? » Nos résultats nous indiquent qu’un certain nombre de variables existent, sont mesurables et peuvent engendrer une différenciation importante pour un hôtel dans un contexte environnemental donné. Ces variables peuvent impacter directement le client via la localisation, le prix, les équipements (restaurant, salle de remise en forme et salles de séminaire), le niveau de digitalisation, les rénovations, la population de l’hôtel (les autres clients présents) ou bien l’impacter indirectement via la taille de l’hôtel, l’engagement des collaborateurs au travail, le chiffre d’affaires et le résultat d’exploitation de l’hôtel. Il faut désormais chercher dans ces variables des moyens latents qui permettrait de mettre en œuvre des complémentarités structurelles qui génèrent des niveaux de performance supérieurs.

La dernière question traite des complémentarités structurelles pour un échantillon donné d’hôtels milieu de gamme en France. L’idée initiale était de répondre à la question : « quelles sont les variables qui impactent le plus les variables de performance ? » Dans un contexte environnemental donné, quels sont les complémentarités optimales permettant d’atteindre une performance opérationnelle supérieure ? Une fois l’ensemble de nos variables identifiées et mesurables, le groupe AccorHotels souhaitait travailler sur la recherche des complémentarités entre certains types d’hôtels (taille, localisation, type de management, contexte, équipements, …) et la qualité perçue par le client. A l’occasion des nombreux changements et de la mise en place d’une enquête concernant l’engagement des collaborateurs au travail, nous avons travaillé à nouveau cette question en la reformulant ainsi sous forme de trois questions : « Quels sont les déterminants de la performance opérationnelle des hôtels ? Dans quel contexte le personnel impacte-t-il la qualité du produit hôtelier perçue par le client ? Quels sont les antécédents des variables principales de la performance opérationnelle hôtelière ? » Un premier modèle de régression multiple nous montre dans un premier temps que le résultat d’exploitation par chambre possède trois antécédents qui l’influent positivement et significativement : (i) la qualité perçue par les clients, (ii) le niveau de digitalisation de l’hôtel et (iii) la proportion d’individuels. De plus il existe une relation linéaire croissante entre le chiffre d’affaires hôtelier (RevPar) par chambre et le résultat économique par chambre de l’hôtel. Par ailleurs, nous apprenons que les établissements ayant un résultat économique et un chiffre d’affaires par chambres élevés ont significativement une meilleure qualité perçue par les clients, une localisation plus centralisée dans les grandes et moyennes villes et des rénovations plus récentes.

Dans un second temps nos résultats montrent que la taille n’a pas d’influence sur la qualité perçue par les clients dans notre échantillon d’hôtels milieu de gamme en France. Lors de la création d’un modèle mixte de régression linéaire, les rénovations récentes, un fort engagement des collaborateurs au travail, un haut niveau de digitalisation et une faible proportion de groupes loisirs impactent significativement la qualité perçue par les clients.

Ainsi, pour tous les types d’hôtels, surveiller l’engagement des collaborateurs au travail est un moyen d’améliorer sa qualité perçue par les clients. Nous verrons que dans certains types d’hôtels bien identifiés l’engagement des collaborateurs au travail a encore plus d’impact sur la qualité perçue par les clients.

Nous proposerons pour finir un modèle général décrivant quatre types d’hôtels qui se comportent différemment en fonction de l’engagement de leurs collaborateurs au travail, de la qualité perçue par leurs clients et de l’ensemble des paramètres individuels liées à l’hôtel. Ce modèle final permettra de tirer des conclusions pour les stratégies associées aux recherches du futur avantage concurrentiel.

Ce déroulement pourra apparaître au lecteur comme finalement assez conservateur, au sens où l’organisation de l’hôtel du futur semble déjà préexister dans les hôtels aujourd’hui. C’est souvent le cas. Le futur est latent et se trouve la plupart du temps dans le présent. Les enjeux se situent plutôt ici dans le repérage de ces éléments d’avenir cachés ou non dans le présent.

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